Mckenzie, Tapi (1)

Title

Mckenzie, Tapi (1)

Subject

Mani-utenam; mariage; transmission du grand-père; transmission de la grand-mère; territoire; vivre avec le coeur; vivre au présent; pensionnat

Description

Récit de vie

Creator

Mckenzie, Tapi (interviewé)
St-Onge, Evelyne (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)

Source

Production Manitu inc.

Publisher

Production Manitu inc.

Date

2020

Rights

Production Manitu inc.

Language

Innu

Coverage

Entretien à Mani utenam (Québec, Canada)

Type

récit de vie | oral history

Format

MP4, 22 min. 9 s.

Original Format

vidéo | video

Transcription

Tapi : Mon nom est Tapi Mckenzie (Jacques Roméo Mckenzie). [00:00:04] Mon père était Napesh (François (Francis) Mckenzie). [00:00:07] Ma mère était Louisa (Pinette). On l’appelait Napeshishkueu. C’est comme ça qu’on l’appelait. [00:00:12] Je suis né à Mani-Utenam, près d’ici, après qu’ils ont créé la réserve indienne. En1954, je suis né le 28 de mai. [00:00:31] C’est comme ça. On allait dans le territoire quand nous étions jeunes. Dans mon souvenir, j’avais peut-être à peu près 2 ans. [00:00:40] Nous, on allait dans le territoire avec ma sœur Marcelle (Mckenzie) et mon petit frère (Réal Mckenzie) dans les années 1954. Les autres n’étaient pas encore nés : Poucet (Lucien Armand Mckenzie) et Mimi (Serge Mckenzie, Mishtuk). [00:00:57] Il y avait Réal qui partait avec notre grand-père (Wellie Pinette) dans le territoire. [00:00:59] On partait tous avec notre grand-père. Mon petit-frère (Réal) était aussi là-bas (note de Tapi : au niveau du millage 137 du chemin de fer, au lac Éric).

Evelyne : [00:01:06] Est-ce que vous preniez le train?

Tapi : [00:01:08] Oui, on prenait le train. Le train ne passait pas aussi souvent que ça. [00:01:14] On ne savait jamais quand le train allait descendre vers Sept-îles. [00:01:19] Il n’y avait pas de téléphone. Il n’y avait pas de moyen d’information de la compagnie dans ce temps-là. [00:01:26] Là, je me rappelle d’un vieux, mon ancêtre Benjamin (Pinette) au 137. Benjamin, au 137…

[00:01:36] C’est mon père qui m’a raconté cette histoire sur le pourquoi qu’on se trouvait à Esker. [00:01:42] Il lui a été dit...Mon père m’a expliqué que ça se passait comme ça : [00:01:46] Quand un individu est marié à une femme, il doit coopérer avec son beau-père. [00:01:52] Il doit l’aider et chasser là. [00:01:59] Il doit prendre bien soin de son beau-père. [00:02:03] Il (Napesh) m’a dit que c’est ce que son père feu Ishpashtien (Sébastien Mckenzie) lui avait communiqué : « Tu dois rester là avec ton beau-père ». [00:02:10] C’est à cet endroit que nous étions au 137.

[00:02:13] Je me rappelle très bien quand on allait dans le territoire. Ce bâtiment-là (note de Tapi : entrepôt de ravitaillement) qui est debout, c’est à cet endroit à Esker qu’on descendait parfois. [00:02:22] Ils appelaient ça le 15. [00:02:27] Je me rappelle bien lorsque nous étions jeunes, on se trouvait là avec mon grand-père Ishpashtien (Sébastien) et ma grand-mère Taminishapet (Élizabeth Michel). [00:02:35] Ma famille était présente, ceux qui sont là maintenant (note de Tapi : encore vivants). [00:02:41] C’est ça, c’est dans ce secteur du territoire qu’on allait avec mon père au 137.

[00:02:49] C’est là que je vois mes souvenirs de ma grand-mère Lola (Philomène Jourdain) et de mon grand-père (Wellie Pinette). [00:02:58] Un enfant veut toujours suivre son père à la chasse. [00:03:05] Mon père me raconta quand j’ai fini par être en âge de comprendre : « Un enfant suit son grand-père pour apprendre comment ramer sur le lac et comment poser les pièges. [00:03:23] C’est le grand-père qui apprend comment faire ». [00:03:25] C’était notre grand-père (Wellie Pinette) qui fabriquait nos raquettes. Tu vois, nous étions petits. [00:03:31] Dans la famille, nous, Daniel Vachon, Rénald (Vachon), Talbot (Patrick Michel Ambroise) et Noël (Fontaine), on nous a tous fabriqué des raquettes. [00:03:43] Nous, on suivait. Vous savez comment sont les jeunes. [00:03:47] Et mon grand-père disait : « C’est comme ça que l’aîné enseignait à ses petits-enfants près du Lac, autour du campement ». [00:03:56] C’est là que je me souviens de ma grand-mère Lola. [00:04:00] Comment appelle-t-on « de l’eau de source » en innu? Je ne m’en souviens pas.

Evelyne : [00:04:04] « Mussitshuanapi »

Tapi : [00:04:04] Oui, c’est à cet endroit qu’on allait puiser de l’eau. On suivait les autres. On utilisait des petits contenants « Tenderflake ». On les avait dans nos mains. [00:04:15] On aidait à puiser de l’eau. On nous enseignait déjà comment nous allions faire quand nous étions enfant. [00:04:22] Puis, elle (Lola) mettait ses pièges quand la neige tombait. [00:04:27] N’importe quel piège, c’est comme ça que notre grand-mère nous apprenait. Je le réalise maintenant. [00:04:38] Ce que ma grand-mère (sous-entendu : disait) : « Allez donc demain puiser de l’eau. Prenez de l’expérience. » qu’on nous lançait. [00:04:47] Il y avait un animal, tshikash (vison) (sous-entendu : ou) uapishtan (martre d’Amérique). Nous les enfants, on ne le connaissait pas. On avait peur de lui. On se sauvait au plus vite (note de Tapi : parce qu’il avait une dentition terrifiante). [00:04:57] C’était avec la neige lancée sur les yeux qu’elle l’avait aveuglé, puis avait pressé son cœur de sa main. [00:04:57] C’est comme ça que ma grand-mère nous enseignait. [00:05:04] Et l’enfant observait. Moi aussi j’écoutais. C’est ce que je me souviens de l’enseignement de mon enfance.

[00:05:14] Elle n’a jamais jeté les peaux. Elle était accommodante. Même avec l’écureuil, elle le dépeçait et mettait la peau sur un morceau de bois (sous-entendu : pour la sécher). [00:05:25] Pareillement pour l’hermine, elle avait du respect. Elle rigolait concernant l’écureuil. [00:05:37] Quelqu’un d’autre s’en serait débarrassé. [00:05:41] Elle avait une taie d’oreiller. C’était son porte-monnaie. C’est là qu’elle mettait la peau de l’écureuil. [00:05:47] Elle le préservait, elle le remerciait. Elle remerciait l’animal, ma grand-mère. [00:05:55] On ne manquait jamais de rien. [00:05:58] Je veux dire qu’on ne manquait jamais de nourriture. [00:06:03] Je ne me souviens pas qu’on ait eu faim pendant tout le temps qu’ils ont pris soin de nous. [00:06:09] C’était ça l’enseignement.

[00:06:12] Moi, on m’a amené dans le territoire à Esker. [00:06:19] Et là, mon père, la dernière fois qu’on est allé en 96...(note de Tapi : plutôt en 1995) 96 on était à Sawbill. [00:06:29] C’est là que Samson (Innish) campe. C’est lui le gardien du territoire. [00:06:40] Ce qui est déjà en place, ce bâtiment-là (note de Tapi : un des camps donnés par le conseil de bande de Uashat mak Mani-Utenam), c’est ma maison, c’est notre campement. [00:06:47] C’est à nous et mes petits frères et sœurs. [00:06:51] Il (Napesh) m’avait indiqué : « C’est ici que tu devrais l’installer ». [00:06:54] Il était venu me montrer, quand je m’étais rendu à l’endroit où mon grand-père avait un magasin. [00:06:58] (sous-entendu : Mon père m’avait déclaré :) « Moi, c’est ici que je l’installerais à peu près. [00:07:02] C’est vraiment ici que ce serait bien de le mettre, proche (sous-entendu : du magasin qui était là à une époque passée) ». [00:07:08] Il m’avait dit : « C’est ici que tu pourrais rester. Ne crains rien. Tu serais bien installé. Personne ne viendrait te déranger. » [00:07:22] C’est ça qu’il m’avait dit. Il m’a raconté parfois des choses anciennes sur la façon de faire des innu. [00:07:30] C’est là que nous étions à ce moment-là. On appelait ça la rencontre. [00:07:36] Puis, il m’avait dit : « Le magasin de ton grand-père était à cet endroit ». C’est à cet endroit que les chasseurs allaient s’approvisionner.

[00:07:45] Je réfléchis des fois à tout ça, à cette façon qu’il (Napesh) avait de me raconter. [00:07:49] C’est là que les innu se rencontraient quand ils partaient chacun dans le territoire et quand ils revenaient. [00:07:54] C’est ce qu’on appelle « regroupement » en français. [00:07:58] Il y avait des danses et ma tante Utussumash...(Philomène Michel) (sous-entendu : m’avait raconté que) des joueurs de tambour jouaient toute la nuit. [00:08:06] Il y avait tambour et festin, un rassemblement de gens heureux de se revoir. [00:08:16] C’était comme ça que ça se passait. Comme je l’avais vu. Comme quand nous étions allés là-bas. C’était tellement plaisant.

Evelyne : [00:08:26] C’est comme s’il y avait toujours eu beaucoup de monde. Moi, c’est ce que j’ai ressenti. De toutes les personnes que j’ai entendu parler, il y aurait toujours eu du monde. Tu ne veux pas manquer ça.

Tapi : [00:08:32] Oui, c’est vrai que c’était comme ça. [00:08:35] Et personne...Je ne veux pas dire...Je veux dire, personne ne voulait partir. [00:08:42] Ils me disaient tous : « Vas-tu rester ici ? Nous, si tu restes... » alors que nous, nous avions décidé de partir. [Rire] Ils ont continué : « ...nous, on resterait aussi ». [00:08:49] « Je repars au mois de janvier » que je leur ai annoncé. Puis eux, ils aimaient tellement ça. [00:08:53] C’est ça que je pense de ces enfants. Ces jeunes-là, le territoire leur avait manqué. Ils se sentaient tellement liés à lui.

Evelyne : [00:09:04] Et, est-ce que tu te souviens du magasin d’Ishpashtien Mckenzie ? Es-tu allé là quand tu étais jeune ?

Tapi : [00:09:11] Non, je n’ai pas vu ça. Je ne le savais pas qu’il était là. C’est mon père qui me l’a montré. [00:09:16] J’en ai entendu parler. J’étais jeune, mais il n’était déjà plus là. [00:09:23] En quelle année ? Je ne sais pas quand il a existé. [00:09:26] On avait trouvé cette information à l’endroit où on s’était renseigné. Ça doit être écrit quelque part, dans les recherches. [00:09:37] Mais, ça fait longtemps qu’ils ont fait ça. Combien d’années, je ne sais pas du tout. [00:09:44] Moi aussi j’aimerais bien me remémorer. [00:09:46] Les anciens qui racontaient sont quasiment tous partis. Ceux qui étaient là.

Evelyne : [00:09:53] Est-ce que ton grand-père a reçu la visite d’un katshimeitsheshu ? (note de Tapi : il les appelle des anges)

Tapi : [00:09:56] Mon père me l’a raconté et aussi mon oncle Penitenimiss (Ben Mckenzie) avant qu’il décède. [00:10:04] Je me demande à laquelle de mes grands-mères appartenait le magasin ? Je pense que c’était l’autre grand-mère Taminishapet (Élizabeth) :

[00:10:15] Quelqu’un (un katshimeitsheshu) est entré. Le gérant (note de Tapi : un allochtone) du magasin lui a dit : « Il y aura...eux...(les katshimeitsheshu) ». [00:10:23] « Il y a eu une grosse tempête dans la nuit » a dit la personne (un katshimeitsheshu). Probablement, c’est ce qu’il lui a raconté. [00:10:30] Quelqu’un (un katshimeitsheshu) a frappé à la porte de la maison de son campement où ils (Sébastien et Élizabeth) habitaient. Il (Sébastien) l’a laissé entrer. [00:10:39] Et là, ma grand-mère (Élizabeth), elle ne voyait pas (sous-entendu : que c’était un katshimeitsheshu). [00:10:42] Il (un katshimeitsheshu) lui parle, mais ma grand-mère ne lui parle pas. Il (Sébastien) a dû lui dire de ne pas...(sous-entendu : lui parler.) [00:10:49] On (plusieurs katshimeitsheshu) les voit entrain de s’acheter de la farine. Tout ce qu’un innu avait besoin pour aller dans le territoire. C’est ce qu’a raconté Penitenimiss. [00:11:01] Et mon père avait dit la même chose. Moi, je crois les choses qu’on raconte. [00:11:10] Il (un katshimeitsheshu) lui (à Sébastien) a dit : « tu viendras nous voir demain, à l’endroit où nous campons ». (sous-entendu : Il avait dit ça) à mon grand-père. [00:11:23] Mon grand-père (Sébastien) probablement qu’il est allé (au camp des katshimeitsheshu)…C’était pendant une tempête. [00:11:33] Il est allé et quand il est entré, il a vu que c’était tellement beau à l’intérieur (note de Tapi : on n’entendait plus le gros vent de la tempête). [00:11:43] Elle (c’était une femme katshimeitsheshu) était entrain de cuisiner. Il (Sébastien) disait qu’il y avait des enfants quand il est entré. [00:11:52] Et il (Sébastien) a mangé parce qu’on lui a donné de la nourriture. [00:11:58] « Bon, je vais devoir repartir chez moi » qu’il (Sébastien) a annoncé.

[00:12:02] Et le vieux Sylvestre, le grand-père de Philippe (Mckenzie)...Son grand-père...

Evelyne : [00:12:06] Son grand-père...

Tapi : (Tapi acquiesce de la tête) [00:12:08] Un couteau lui a été donné (note de Tapi : le katshimeitsheshu a donné le couteau à Sébastien), un couteau donné par le katshimeitsheshu : « Ça là ! C’est à Sylvestre. Tu lui donneras. » [00:12:24] C’est ce qui arrive quand on perd des choses dans certaines situations qu’on raconte. [00:12:29] C’est comme ça que cela a dû arriver. Il (Sébastien) lui a donné et lui (Sylvestre) a dû répondre : « Ah oui, je l’avais perdu ». [00:12:34] On le lui a donné. C’est ce qu’ils ont raconté, Penitenimiss et mon père. J’en sais rien, mais des fois, on me raconte qu’untel a perdu son couteau. [00:12:50] « Nous, me dit mon oncle, c’est à eux (aux katshimeitsheshu) qu’on va demander des choses quand on prie. [00:13:01] Pour qu’ils nous protègent, par exemple, dans une assemblée de prière. [00:13:09] C’est une protection pour nous tous. On leur demande assistance. [00:13:14] On a chacun notre façon de prier pour aller mieux.

[00:13:18] C’est ce que je pense parce que c’est ce que m’a raconté mon oncle Penitenimiss. [00:13:22] Nous autres...Eux autres ils savaient, mais ils ne racontaient pas. Ils ne parlaient pas de ce qu’ils faisaient. [00:13:30] Mon père...Je veux dire, ce qu’il faisait aussi. [00:13:36] C’est seulement depuis quelque temps que je me soigne (note de Tapi : coutumes autochtones et spiritualité), que je peux te le dire...quelques années. Comme lorsqu’ils racontaient, par exemple, sur le caribou (note de Tapi : rêve, vision, connaissance, respect pour ce qu’il nous donne).

Evelyne : [00:13:50] À l’endroit où nous sommes allés, as-tu senti leur présence...pendant tout le temps qu’on était là ?

Tapi : [00:13:59] Je ressens des fois moi aussi des choses. [00:14:04] Par exemple, on était là, moi et mon petit frère Mimi. On a vu quelque chose, oui. [00:14:14] Et là, il a eu peur. Sa frayeur était réelle. Mais je te dirais que je n’ai pas vraiment été surpris. [00:14:22] Mon petit frère m’a dit : « On va partir, je veux partir ». Probablement qu’il ressentait que c’était pénible. [00:14:28] Je ne peux pas raconter ça, ce n’est rien de grave. [00:14:35] Mais quelqu’un qui ne sait pas...L’autre se sent autrement. Et moi, j’observe et je vois une lumière rouge. [00:14:46] Elle est suspendue...Je l’ai raconté à quelques amis. [00:14:53] C’est très difficile de croire les gens qui racontent certains événements. Ils ont dû le voir eux aussi. Mon oncle Penitenimiss m’a dit : « Nos grand-pères te demandent de prier ». [00:15:06] Et c’est ce que j’ai fait, j’ai prié avec mes effets (note de Tapi : tabac, calumet...) de spiritualité. [00:15:12] Et là, deux jours plus tard...on entend arriver sur le lac, près des épinettes, une motoneige. On était entrain de jouer aux cartes. [00:15:26] Tout à coup...Elle est arrivée et s’est éclipsée. Elle est revenue et elle était rouge. [00:15:34] Je me demandais comment c’était possible que la lumière de la motoneige soit rouge. Elle oscillait de haut en bas. [00:15:42] Elle était suspendue en l’air. Et moi, j’ai allumé ma cigarette pour fumer. [00:15:50] J’ai pensé que c’était Williamiss (William Mckenzie). Il était encore vivant. [00:15:53] Williamiss était là...Non, ce n’était pas lui. [00:16:00] Le lendemain matin, c’était pareil. J’ai vérifié la chose qui était suspendue. On ne voyait plus rien.

[00:16:08] Je me suis renseigné. Je l’ai raconté à mon oncle Penitenimiss. [00:16:13] C’est là qu’il m’a dit : « Mon père m’a dit : N’aie jamais peur dans le territoire de chasse ». [00:16:21] Probablement, je pense qu’ils me préparaient sur les choses qu’ils ont déjà vu. Je peux en témoigner. [00:16:32] On a tous ressenti quelque chose. C’est ce que m’a dit ma parenté. [00:16:39] Tu sais, on n’avait pas à avoir de crainte. On avait que du plaisir ensemble là où on était. [00:16:48] T’as dû le ressentir toi aussi qu’elle n’existe pas la peur là-bas. Tout le monde regrettait quand il a fallu repartir. [00:16:59] Et si le mauvais existait là, disons-le...Mais, nos sensations étaient contraires et c’était beau. [00:17:08] Nos grands-pères sont heureux quand on est là. [00:17:10] Eux aussi, je me souviens très bien quand ils se rencontraient. Ils étaient heureux de se rencontrer à nouveau après un an sans leur parenté. [00:17:21] C’est comme ça que je le vois, maintenant que nous sommes venu ici et que nous prenons leur place. Ils doivent être contents. C’est comme un retour.

[00:17:31] Ici, (sous-entendu : dans le territoire), je ne me soucie pas de penser que ma mère est peut-être malade. Non, tu vis au présent. [00:17:40] Et c’est ça qui est beau. Et aussi les enfants que nous avions accompagnés, ils étaient adorables. [00:17:47] Ils le vivaient tellement fort. C’est comme ça qu’il faut faire pour transmettre aux enfants, comme à Mushaushipit où nous étions allés. [00:18:01] Tout ça est relié à nos traditions qui nous font du bien. « Il y a des choses qui nous font du mal ici, oui, mais pas dans le territoire », comme le disait mon père. [00:18:16] Vous allez comprendre les animaux comme eux ils les comprenaient. [00:18:23] Tu sais eux ils l’ont vécu, mais nous, on nous a enseigné en français. Ça l’a fait disparaître. [00:18:31] C’est tout de même dans ma tête, mais ce n’est pas arrivé à mon cœur. [00:18:35] Eux, ils l’ont vécu dans leur cœur. Malgré toutes leurs difficultés, ils retournaient chez eux (sous-entendu : dans le territoire) tellement ils aimaient leur façon de vivre.

[00:18:45] Et moi, quand je regarde maintenant ma communauté, les difficultés de notre communauté, j’utilise cette peine pour m’aider moi-même à mieux comprendre. [00:18:56] Je peux comprendre n’importe quel innu qui vient de n’importe quelle communauté. [00:19:02] Combien nos enfants et nos petits-enfants regorgent de trésors. C’est si beau. [00:19:11] Mais nous, il faut retourner dans le territoire de chasse. Eux, nos grands-pères ont grandi là-bas. [00:19:17] Par exemple, mon grand-père était vraiment un homme de bois. [00:19:21] Eux, ils ont vécu là, mais nous on était au pensionnat. La vie d’autrefois n’existe plus pour nous. On ne sait plus ce qui s’est passé. [00:19:32] Par exemple, je me souviens de ce plaisir que j’avais en forêt jusqu’à l’âge de six ans. [00:19:38] J’ai perdu ce plaisir. J’étais dans une vie de blanc. J’ai eu des problèmes de drogue et de boisson. [00:19:46] J’avais tant perdu, mais pas tant que ça. C’était présent en moi. Je devais seulement revenir à ça, moi et mes petits-enfants, maintenant que j’y pense. [00:20:00] Mais, je ne peux pas présentement. Je garde ma mère qui est malade. Elle ne peut plus aller dans le territoire. [00:20:06] Elle était allée au 137 et ça lui avait fait beaucoup de bien. [00:20:11] C’est mes petits frères et sœurs, ma grande sœur Marcelle et un de mes neveux qui l’ont amenée dans le territoire et m’ont dit qu’elle était bien. [00:20:18] C’est ce qui manque aux gens, la forêt. Un lieu où il n’y a pas de drogues et de boissons. [00:20:29] Moi, c’est ce que je vois…

Evelyne : [00:20:32] Quand je l’ai rencontré, ta mère m’a dit qu’elle dormait bien quand elle était dans le territoire : « Je sais que personne ne boit ici. J’ai beaucoup d’espoir ».

Tapi : [00:20:44] Oui, je ne hais pas les gens qui boivent, mais je veux préserver ma mère, moi-même et aussi les autres. [00:20:53] Je suis respectueux et je ne repousserai pas ceux qui veulent venir dormir chez moi la nuit. [00:21:01] Il y a des personnes qui ont dormi dans mon camp. Je leur ai dit : « Pourquoi n’êtes-vous pas venu cogner à ma porte ? » [00:21:07] Je craignais qu’ils fassent du feu pendant qu’ils étaient sous l’effet de l’alcool. [00:21:10] Ils veulent dormir ici. Il y en a qui y ont dormi. Je leur ai dit : « Venez plutôt cogner à ma porte ». [00:21:16] Je ne dis pas...Bien, moi aussi je vois combien j’ai souffert quand je buvais de la boisson. [00:21:24] C’est pourquoi je compatis avec cette autre personne. Je crois qu’elle peut se réveiller si on l’emmène avec nous dans le territoire. [00:21:30] Bien sûr, si on y retourne. Comme nous l’avions fait. Il y avait du monde...ça rejoint tellement de monde. [00:21:38] C’est simple. Ce n’est rien de mystérieux. [00:21:43] Ça vient du créateur et nos anciens sont contents de ce qu’ils voient...

Evelyne : [00:21:48] Toi, par exemple, as-tu vu Uapishkuss (note de Tapi : une montagne sacrée pour les innu) dans le territoire ?

Tapi : [00:21:53] Attend, je vais mettre mon bois… [00:22:01] Il faut que je ménage mon bois. (Tapi rigole) Je vais lui dire : « Je veux ménager mon bois ». [00:22:08]

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Mckenzie, Tapi (interviewé), St-Onge, Evelyne (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “Mckenzie, Tapi (1),” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 12, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/274.

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