André, Anne-Marie, Uashat

Title

André, Anne-Marie, Uashat

Subject

éducation; Matimekush; parents / éducation; organisation communautaire; futur

Description

constat système d'éducation.

Creator

André, Anne-Marie (interviewé)
St-Onge, Evelyne (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)

Source

Production Manitu inc.

Publisher

Production Manitu inc.

Date

Juin 2000

Rights

Production Manitu inc.

Language

Innu

Coverage

Entretien à Matimekush

Type

récit de vie | oral history

Format

MP4, 25min. 32 s.

Original Format

vidéo | video

Transcription

Evelyne: Kuei Anne-Marie, je suis heureuse de te rencontrer.

Anne-Marie: Kuei Kuei petite soeur.

Evelyne: J’aimerais que tu me parle de ton travail et depuis combien d’années occupes-tu cet emploi.

Anne-Marie: Cela va faire 28 ans cet hiver que j’enseigne l’Innu à l’école Kanatamat Tshitipenitamunu. (À la recherche de nos droits)

Evelyne: C’est un nom très long !

Anne-Marie: Oui mais ils n’accordent pas d’importance au nom complet, il a été coupé pour Kanatamat tout court. Le Tshitipenitamunu est oublié.

0:36 Evelyne: C’est des jeunes qui ont donné ce nom? Quelle est la raison de ce nom ?

Anne-Marie: Il y a dix ans, lorsque le Conseil a annoncé que l’école serait géré par eux, un concours a eu lieu pour lui trouver un nouveau nom. Au début le nom Kanatamat avait été choisi comme gagnant, ensuite ils ont trouvé que le Tshitipenitamunu adonnait bien avec le Kanatamat. Ils ont donc regroupé les deux mots et ont faits deux gagnants.

1:17 Evelyne: Vient-on chercher le Tipenitamun (notre droit) ici?

Anne-Marie: L’école est géré par le Conseil, toutefois il doit suivre les règles de la Commission scolaire pour tous les travaux, qui fait en sorte que nous oublions d’aller chercher nos droits. L’appartenance Innue.

Evelyne: Comme s’il serait perdue? Ils ne viennent pas vraiment la chercher. Ils l’ont oublié ou ils n’en parlent pas trop ?

La raison pour cela est la façon de vivre aujourd’hui. De nos jours, nous avons tendance à suivre les pas des allochtones au lieu que d’aller chercher son identité Innue. On n’y consacre plus de temps, et le Conseil ne priorise pas l’appartenance Innue. Il est évident que le Conseil ne gère que l’argent et il ne mets pas d’emphase et ne démontre rien sur nos droits, sauf lorsque ça leur pose des problèmes.

2:40 Evelyne: Mais cela ne se produit pas à tous les jours

Anne-Marie: Non. Ils disent que l’étudiant doit passer ses examens, obtenir son diplôme, terminer ses études, et que le jeune sera plus tard en emploi chez les allochtones.
Ils disent que le jeune n’oubliera pas sa culture.

3:06 Evelyne: Pendant toutes ces années de travail, y a t-il des étudiants qui ont terminés leur secondaire?

Anne-Marie: Il y en a quelques-uns. Ils ont des difficultés et doivent souvent prendre une année sabbatique. Ils se rendent compte par après qu’ils auraient dû poursuivre et le terminer.
Présentement Donat vient de terminer ses études en Éducation physique.

3:42 Evelyne: Est-ce que les jeunes aiment l’école? Est-ce qu’ils se sentent comme à la maison ? Est-ce ces enfants sont à l’aise ?

Anne-Marie: Pas tout a fait car il n’y a pas de routine à la maison, tel que d’être capable de se lever à telle heure le matin et suivre des règles. À l’école lorsque le jeune doit se lever à 10h00 pour aller à la récréation et de retourner à l’intérieur, ils continuent à se promener au lieu de dire , je vais prendre mon crayon et faire mes travaux. Ils semblent avoir de la difficulté à suivre.

4:38 Evelyne: C’est les difficultés que le jeune traverse? C’est pour cette raison qu’il ne se sent pas bien à l’intérieur de l’école ?

Anne-Marie: Le jeune n’est pas bien car il veut créer ses propres règles et n’obéit pas aux règlements de l’école.

5:09 Evelyne: Est-ce que le jeune est en mesure de trouver sa culture à l’école?

Anne-Marie: Il n’y a pas de temps consacré pour intégrer la culture Innue à l’école. Il y aurait du temps à prendre sauf qu’il n’y a seulement qu’une fois par année, lors des remises des bulletins, lorsqu’il est temps de se reposer, que la culture est pratiquée.

5:42 Evelyne: Est-ce que les parents ou les résidents ont leurs places à l’école? Peuvent-ils y aller facilement?

Anne-Marie: Oui ils ont leurs place sauf qu’ils ne viennent pas. Ils croient que c’est à nous d’enseigner leurs enfants vus que nous avons suivis des formations. La mère est convoquée à l’école seulement lorsqu’ils ont beaucoup de difficultés avec son enfant. Des changements sont toujours effectués afin que les parents puissent aisément venir à l’école, soit pour rendre visite, venir voir leurs enfants ou pour qu’ils puissent venir voir les travaux de leurs enfants, toutefois ça ne semble pas fonctionner. C’est toujours les mêmes parents qui s’impliquent. Il semble y avoir quelque chose qui bloque mais nous cherchons toujours à trouver une solution. Par contre, beaucoup de parents se présenteraient si on leurs invitaient à venir à un goûter.

6:51 Evelyne: Toi qui enseigne l’Innu, est-ce que la langue Innue est entrain de se perdre?

Anne-Marie: Oui elle se perd vraiment. Nous pouvions le voir il y a 5 ans. Les jeunes de 4 ans mélangent le français et l’Innu lorsqu’ils parlent. Lorsqu’ils viennent en classe et que tu veux leur apprendre à maintenir la langue Innue, cela ne fonctionne pas car la langue française est utilisée une fois rendu à la maison. C’est à ce moment que l’enfant devient mêlé. Il faudrait quasiment obliger le parent mais Il est toutefois impossible d’entrer dans une maison pour obliger un parent d’enseigner la langue Innue. La langue française est utilisée beaucoup plus que la langue Innue et c’est alors que l’enfant perd sa mentalité Innue. Il n’y est plus, il est loin dans le passé. Les jeunes croient qu’ils ne perdront jamais leur langue maternelle car ils parlent la langue.

Les Naskapis eux parlent l’anglais, ils se servent de trois langues aussi. Quelqu’un pourrait de dire ‘Peta black Mitaines’ (Donne-moi une mitaine noire), je trouve cela vraiment triste.

8:48 Evelyne: C’est cet qu’ils disent?

Anne Marie: Oui c’est ce qu’ils disent et il arrive que certains créent leur propre mots Innus.
Cela vient de ou ?! Cela vient de leur maison. Le parent doit comprendre qu’il est Innu et qu’il doit parler la langue à son enfant. Les jeunes âgés de 4 et 5 ans n’apprennent que l’Innu à l’école. Il arrive parfois que les jeunes de 5 ans parlent mieux la langue Innue que leurs parents.
On nous appelle souvent pour avoir le nom d’un objet qu’il y a dans une maison ou bien comment vais-je dire cela à mon enfant. Les parents se rendent compte aujourd’hui que la langue Innue est en voie de disparition.

Evelyne: et. La culture Innue elle ?

Anne-Marie: On ne peut également l’intégrer car les parents disent que l’enfant ne peut perdre sa culture parce qu’ils amènent leurs enfants en forêt et qu’ils voient la culture. Nous les amenons parfois en forêt et lors de la fin de l’année scolaire, ils sont capables de nommer les choses en Innus, toutefois les parents continuent à leur parler en français. Exemple ‘nete aku à la tente itute’ (va en arrière de la tente). L’enfant doit prendre quelle langue dans ces cas-là !

10:32 Les parents doivent avoir les connaissances pour pouvoir transmettre la culture Innue?

Anne-Marie: Oui ils l’ont et le transmettent mais ils ne perçoivent pas l’ampleur de leurs savoirs. Ils n’y accordent pas d’importance et croient qu’ils vont toujours garder leur culture.
Les sortes d’animaux, la terre, l’enfant doit apprendre de son parent. Le parent doit également instruire les jeunes enfants sur ses descendances. Suis-je originaire de Uashat ? Suis-je un Innu de l’intérieur des terres ? Suis-je un Naskapi? Ils n’enseignent pas non plus ; Qui est ma grand-mère ? C’est de cette manière que tout se perd. Si l’enfant ne connait pas ses origines, comment suis-je arrivé à Matimekush ? l’enfant est déjà perdu, il grandit et tout commence à aller mal rendu à l’adolescence. Il ne se reconnait pas et il se dit qu’il ne vaut rien, qu’il n’est pas bon à l’école des allochtones, je ne peux travailler, le Conseil ne m’engage pas. Rendue à cette phase, l’estime de la jeune baisse et il se décourage rapidement au point où il voit la mort et les jeunes peuvent également avoir des idées noires.

12:19 On entend souvent dire qu’il n’y a rien à faire à Schefferville pourtant il y a plein de choses. Tu peux retourner dans ta culture, mais il y a toujours le manque d’argent qui empêche de poursuivre. Le jeune manque de confiance en soi-même. Le fait qu’il ne se reconnaisse pas lui mène à ne plus se faire confiance en grandissant. La vitesse dont va la vie, nous avons tendance à s’accrocher aux façons de vivre des allochtones.

Même si les fonds proviennent des allochtones, du Gouvernement, tu peux t’arranger à ce que tu puisses reconnaître que tu es un Innu, que tu vas parler la langue et que tu vas pratiquer ta culture. Ce qui rends tout ça difficile, afin de garder sa culture chaque personne doit chercher sa propre vie. On ne peut forcer une personne, elle doit se reconnaitre par lui-même. C’est de cette façon que je vois les choses et ce sont des faits.

13:40 Evelyne: Si on te demandait d’arranger l’école à ta façon, comment vois-tu ton école?, que ferais-tu ?

Anne-Marie : Aujourd’hui, depuis les changements de la gestion de l’école, les enseignants travaillent en double. Le 1 et 2, le 3 et 4, ainsi que le 5 et le 6. Depuis ce changement, la Commission scolaire nous donne le droit de combiner nos savoirs culturels avec les travaux français afin que l’on puisse connaître notre culture avant tout, et par la suite élargir nos connaissances. Ce qui est aussi très important est ; que l’enfant puisse venir à l’école avec les connaissances de ce que son parent lui a éduqué. Ce que tu apprends à la maison est très comptabilisé. Comme par exemple, Où est la ville de Québec ? Comment sont les gens à la ville de Québec ? As-tu déjà vue la ville de Québec ? Y a-t-il plusieurs nationalités à Québec ? Cela peut être aussi d’autre villes. C’est avec ce que l’enfant apprend à la maison que son éducation est basée pour élargir son apprentissage sur le changement vers langue française, en intégrant aussi les chiffres.

15:47 Anne-Marie Tout va beaucoup mieux cette année. La façon d’enseigner change à tous les dix ans. Il serait un très bon moment aujourd’hui de dire que nous allons beaucoup intégrer la culture Innue et la langue Innue dans l’enseignement. En y mettant beaucoup d’emphase, c’est à ce moment que l’enfant pourrait se reconnaitre.

16:21 Evelyne: Comment vois-tu le futur. Est-ce que le peuple Innu va toujours exister ? Est-ce que la langue Innue va perdurer ?

Anne-Marie: Dans le future, non vraiment pas. Nous les perdons très vite. Dans le passé les enfants de 4 et 5 ans mélangeaient les deux langues à 50%. Aujourd’hui il faut souvent utiliser la langue française à pour qu’ils puissent comprendre. La langue Innue se perd à une très grande vitesse. Chacun doit faire sa part pour aller chercher et à sauvegarder sa langue Innue, et les dirigeants de la communauté doivent prioriser la langue Innue et de le mettre de première importance.

17:24 Anne-Marie: Plusieurs ont déjà perdus leur territoires et en ce moment nous perdons la langue Innue. Dans 20 ans nous serons comme les autochtones d’Essipit ou de Wendake. Nos sommes des Innus et nous ne parlons plus la langue.

17:46 Evelyne: Quel messages donnerais-tu aux jeunes?

Ils sont adorables dans leurs façons de penser. Ils leur reste encore beaucoup de temps pour aller chercher leur langue Innue, mais il faut toutefois s’efforcer à utiliser que la langue Innue lorsqu’on converse avec le jeune. Si le jeune connait sa langue, rien ne pourra le bloquer plus tard. C’est alors qu’il y aura une vrai Innu.

Evelyne: Les Innus seront de retour?!

Anne-Marie: Oui, l’Innu sera de retour. Il faut que cela provienne de la maison et se dire que nous ne perdrons pas notre langue et que nous sommes de vraies enfants Innus.

18:54 Evelyne: As-tu autre chose à rajouter?

Anne-Marie: Oui, le Conseil devra aider à mettre des priorités ; en donnant un budget, en faisant une demande d’aide financière afin de pouvoir engager des remplaçants, d’inclure la participation des aînés à l’école, et de pouvoir donner de l’aide aux jeunes adolescents qui ne fréquentent pas l’école ou ceux qui ont lâché l’école. Il faudrait avoir des fonds afin de les amener en forêt, faire de la même façon que lorsqu’il y avait des projets de travaux sur les territoires. D’envoyer un jeune rejoindre un aîné en foret pour qu’il puisse aller chercher sa culture, ou que ce soit d’apprendre la couture, confection de mocassins, apprendre a faire des plis, avec une aînée. Les fonds pourraient servir dans plusieurs domaines. Dans le passé tout cela s’apprenait à la maison. Il semble que le manque de fonds est souvent la raison, toutefois si on s’efforçait à planifier, il pourrait y avoir une continuité. Une seule personne pourrait travailler sur les demandes d’aide financière et tout cela pourrait déjà débuter.

Ce qui est difficile, personne ne peut être forcée, elle doit reconnaître ce qu’elle a perdue par elle-même, et pendant que nous sommes en attente des fonds, nous perdons d’avantage notre culture.

21:07 Evelyne: Depuis tous ces années à occuper cet emploi, j’ai l’impression que tu ressens de la colère par rapport à ta vision envers ce que tu voudrais, et ce qui n’arrive pas. C’est ce que je vois en toi parfois!

Anne-Marie: C’est parce-que cela me décourage. Chacun voit ce qui pourrait être dans le futur, mais cela n’arrive pas car personne ne s’efforce à se dire ; qu’il va utiliser la langue Innue avec son enfant, je suis Innu et je ne mettrais pas de mots français lorsque je conte une histoire. C’est de la paresse et ce qui me rends frustré est d’écouter un enfant essayé de s’exprimer et qu’il doit réfléchir et le dire en français avant qu’il puisse s’exprimer. J’ai l’impression que j’enseigne de reculons car je dois refaire le même travail plusieurs fois. Aujourd’hui je dois reprendre encore plus souvent avec mes élèves

22:25 Evelyne: J’ai l’impression que tu enseignes les enfants et les parents?!

Anne-Marie: Je devrais enseigner aux parents comment s’y prendre avec leurs enfants en ce qui a trait à la langue. Nous sommes déjà vraiment en retard même si l’on dit de travailler sur des livres innus eu que tu n’as jamais vu cela. Il y a longtemps, cela fait déjà 3 générations, j’enseigne présentement leurs petits-enfants. Nous sommes toujours entrain de reculer. Oui nous allons faire des travaux innus, toutefois si tu n’ouvres jamais ton livre, tu ne réussira jamais à apprendre à aller chercher ta culture. Ce qui me rend en colère c’est le fait que le monde ne prenne pas le temps de prendre et de lire un livre. <<Oh, je suis trop lâche de lire ce livre, c’est trop long, ou ce n’est pas bien écrit >> , c’est ce qui est difficile.

23:39 Anne-Marie: C’est pour cette raison que j’ai mentionné que chaque personne doit s’efforcer et prendre au moins une demie-heure par jour, c’est tout ce que je demande.

23:49 Evelyne: Et Kaianuet (personnage de récits) lui?

Anne-Marie: Kaianuet travaille beaucoup mais il manque d’employés pour faire la transcription de documents, il manque d’écrivains. C’est encore la même raison qui revient, le manque de fonds. Il y a des gens de disponible, ceux qui ont suivis des formations en langue et culture Innue au Cégep. Le Conseil qui est géré de Malioténam doit croire en eux. Ceux qui ne trouvent jamais d’emploi existent encore. Ils vont finir par oublier ce qu’ils ont appris ; à lire les textes Innus car tu oublis à force de ne pas lire. Il faudrait les engager et les faire travailler dans le projet Kaianuet. Le Kaianuet est très agréable, il trouve toujours des moyens de mettre le travail en priorité. Je travaille avec une aînée Mme. Philomène Vollant dans ce projet, et chaque communauté devrait avoir un aîné pour les aider.

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Citation

André, Anne-Marie (interviewé), St-Onge, Evelyne (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “André, Anne-Marie, Uashat,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 21, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/330.