Bellefleur, Zacharie
Title
Bellefleur, Zacharie
Subject
pensionnat; enseignement en forêt; Uanamen-shipu; chef; village; magasin baie d'hudson; partage; territoire
Description
histoire innue; récit de vie
Creator
Bellefleur, Zacharie (interviewé)
St-Onge, Evelyne (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)
Source
Production Manitu inc.
Publisher
Production Manitu inc.
Date
2000
Rights
Production Manitu inc.
Relation
Language
Innu
Coverage
Entretien à Mani Utenam (Québec, Canada)
Type
récit de vie | oral history
Format
MP4, 33:42 minutes
Original Format
vidéo | video
Transcription
Evelyne Pourquoi es-tu à Maliotenam ?
Zac. Je viens de Uanamen shipu et je suis venu ici à cause du pensionnat. Ma femme vient de Maliotenam.
Evelyne Retournes-tu à Uanamen shipu des fois
Zac Des fois, qua, nd j’ai un peu de temps je retourne voir ma mère.
1min 11
Evelyne Qu’est-ce que tu fais à Mani Utenam
Zac J’amène les enfants dans le bois
Evelyne S’il n’y a pas d’enfant, qu’est-ce que tu fais?
Zac Je vais dans le bois, dans le territoire. Je suis toujours dans le bois
Evelyne Est-ce que tu chasses pour la fourrure ou la nourriture ?
Zac C’est beaucoup plus pour la nourriture, les fourrures se vendent beaucoup moins cher qu’avant.
1min 44 C’est pour la nourriture, le caribou, le poisson, le castor. Si j’en tue beaucoup, je téléphonerai au conseil de bande pour qu’il distribue à ceux qui en ont besoin. 2min 14 C’est surtout pour les aînés, ça fait déjà plusieurs fois qu’on amène du poisson à la maison des ainés, comme la truite grise. Les vieux préfèrent le poisson.
Evelyne Tu enseignes des techniques en forêt, la survie en forêt, Comment as-tu appris ces techniques ?
2min 39
Zac
Je n’enseigne pas tellement mais je parle aux enfants, je leur donne des exemples et des explications pour qu’ils ne se perdent pas en forêt. Aussi, ils me regardent faire des choses, mais ce n’est pas vraiment l’enseignement structuré. 3min 03. Je leur dis aussi où c’est dangereux et des fois je les amène pour qu’ils voient le danger. Comme la glace, la neige,
3min 19
Evelyne Pourquoi aimes-tu la forêt ?
Zac Je suis né en forêt et pour moi, même si je travaille en forêt, c’est comme être en vacances toute l’année et je pense que les enfants que j’amène avec moi le sentent aussi.
3min 37
Evelyne Es-tu le seul qui montre aux enfants ces connaissances ?
Zac Je ne suis pas le seul à faire ce travail, Pour moi, ça fait 18 ans que je fais ce travail et avec moi, il y a une femme qui s’appelle Julienne et qui montre le travail qu’il y a à faire à l’intérieur de la tente, la cuisine, la couture, le tricot, etc, tout ce que les jeunes devraient savoir pour être autonome en forêt.
4min 14
Evelyne Et toi, que fais-tu pendant ce temps là ?
Zac Nous on se promène beaucoup en forêt, quelquefois près de la tente, on enseigne à fabriquer des raquettes, des traîneaux, toutes ces choses, ces outils nécessaires. Souvent on va à la chasse à la perdrix, au porc épic, on apprend à lire les pistes.
4min 35
Evelyne Est-ce que tu fais autre chose ? Je t’ai déjà vu faire des canots et montrer à mon fils comment en faire.
Zac Oui, moi je l’ai appris d’un ainé, François Pilot. Celui-ci m’a dit que quand je saurai faire un canot, va falloir que je l’enseigne ce savoir à d’autres.
Les jeunes à qui j’enseignent doivent d’abord aimer aller en forêt et à faire un canot. Il faut qu’il soit habile de ses mains. Ton garçon, lui aimait ça et c’est pourquoi, je lui ai enseigné.
5min 21
Evelyne Est-ce que les enfants aiment ça vivre en forêt?
Zac Oui, ils aiment ça, ils ne s’ennuient pas, ils font beaucoup d’activités. Mais dès qu’il y en a un qui s’ennui et qu’il veut descendre, alors on dirait qu’il donne le goût aux autres de s’ennuyer. Étant donné que l’on écoute beaucoup la radio dans le bois, quand il y a des tournois de hockey par exemple, c’est là qu’ils veulent descendre. C’est dans ces moments que les jeunes s’ennuient le plus.
6min 13
Evelyne Est-ce que vous accédez toujours à leur désir?
Zac Non, On essaie toujours d’être ensemble et de garder le groupe intact, on est monté ensemble et on devrait redescendre ensemble. C’est comme ça qu’on faisait autrefois.
6min 37
Evelyne Toi, tu l’as appris avec tes parents, mais aujourd’hui avec l’école et tout, ce n’est pas facile. Les parents n’ont pas appris à cause du pensionnat.
Zac C’est ce qu’on fait avec les jeunes, on leur montre l’innu aitun, les connaissances traditionnelles innues. Autrefois, les enfants montaient avec leurs parents et apprenaient automatiquement ces connaissances,
C’était leur quotidien. On doit leur faire vivre ces choses, c’est comme ça qu’ils vont retenir les informations. Il faut aussi vérifier si tout le monde a saisi la situation. Chaque journée amène son lot de situations différentes et il faut vivent ces situations pour acquérir l’expérience nécessaire à assurer sa survie. La langue innue est nécessaire pour apprendre cette transmission. Nous devons donc leur enseigner en langue innue.
On répétera souvent, jusqu’à temps qu’on voit que les enfants ont retenu la leçon.
7min 54
Evelyne Est-ce que tu vois aujourd’hui des jeunes qui suite à leur séjour en forêt ont le goût d’y retourner ?
8min 02
Zac Oui, il y en a beaucoup, ceux qui revienne, ce sont des jeunes qui aiment beaucoup la forêt. Il y en a d’autres qui avaient abandonnés l’école pour venir avec nous et parfois il y en a qui retournent à l’école. Ça peut donner le goût de terminer quelques choses. Pour plusieurs autres, ce qui les retient, c’est qu’ils ont entendu des histoires négatives en forêt comme la famine ou encore un accident et ça les empêche de retourner en forêt.
C’est dur la vie en forêt, c’est sûr, mais quand tu arrives le soir fatigué de ta journée, une bonne fatigue qui t’apporte de la fierté. Tu as appris beaucoup de chose propre à ta culture et c’est valorisant.
9min 35
Evelyne Est-ce que tu aimes ça vraiment vivre en forêt malgré tout ça ? Qu’est-ce que tu trouves de bon là-dedans?
Zac J’aime beaucoup être en forêt. Quand on reste ici au village, on écoute la télévision et c’est souvent des mauvaises nouvelles. Quand tu es en forêt, tu penses d’bord à t’occuper de toi à être bien. On vit au présent. Je m’occupe d’être confortable dans ma tente avec tout ce que j’ai besoin.
10min. 29
Evelyne Pourquoi moi quand je vais en forêt j’ai toujours peur, je regarde partout et j’ai peur.
10min.40
Zac Peut-être que quand tu étais jeune, pour t’empêcher d’aller trop loin, on te faisait peur. En fait on voulait te protéger.
Nous autres aussi, on nous faisait peur, par exemple au printemps quand les rivières sont grosses, on nous défendait d’aller trop loin.
En fait on avait peur que tu ne laisse pas de trace et qu’on risquait de ne pas te trouver ou peut-être qu’on était tannant un peu et on nous faisait peur pour qu’on arrête.
11min 40
Evelyne Dans le bois dans le fond, n’y a rien pour nous faire peur.
Zac Peut-être les animaux, mais les animaux ont peur de l’être humain.
11min 49
Evelyne Est-ce que les enfants ont peur eux-autres dans le bois ?
Zac Il y a des choses dangereuses dans le bois et on leur dit. Mais ils n’ont pas peur car ils ne le vivent pas. Mais quand ils vont vivent quelque chose comme les petites tornades, l’eau comme c’est dangereux, le vent…Tout ça c’est dangereux. On leur en parle. Quand ils se sont mouillés un peu, là ils s’en souviennent, c’est l’expérience qui entre. Il faut qu’ils le vivent pour comprendre vraiment.
12min 25
Evelyne Katshimetaushu, Carcajou, ce n’est pas dangereux ?
Zac Je n’ai jamais senti cette peur là et je n’ai jamais rencontré personne qui m’ai fait peur. Cependant, il y a une fois où quelqu’un à lancer une roche, mais qui, il n’y avait personne d’autre que moi, c’était comme une présence, j’ai eu peur.
Katshimetaushu, on en parle souvent, mais moi-même je n’ai jamais senti sa présence mais tout le monde en parle.
13min 28
Evelyne Est-ce que les enfants eux aussi sentent des choses en forêt, des présences ?
Zac C’est sûr que les enfants sentent ces choses, Des fois, quand il fait froid et que la glace et les arbres craquent. Les enfants se demandent c’est quoi et ils ont peur. Ils sont cependant curieux et à l’affût d’entendre ces choses-là.
14min 01
Evelyne Est-ce qu’un enfant t’a déjà parler de Katshimetaushu ?
Zac Non ce n’est jamais arriver.
14min 19
Evelyne Si en forêt quelqu’un se blesse, est-ce que vous utilisez la médecine traditionnelle ? Est-ce que tes parents l’utilisaient ?
14min 38
Zac Aujourd’hui, en forêt, s’il arrive un accident, on utilisera la radio CB et selon la gravité de la blessure, on fera venir l’avion. En même temps, les ainés nous donnent des conseils sur ce que tu dois faire.
Il y a aussi la boîte de premier soin, mais on ne voudrait jamais avoir besoin de l’utiliser.
15min. 21
Evelyne Comment tu te sens en forêt ? Comment tu vis ça ?
Zac Quand on est au village, je me sens paresseux. Tout est là, prêt. Dans le bois, tu ne peux pas être paresseux, il y a toujours quelque chose à faire. Tu dois planifier même pour manger. Au village on te dira simplement viens manger… Dans le bois, c’est moi qui dois s’occuper de mon bien être.
Il y a toujours quelque chose à faire. Quand tu tends des pièges, tu faire la tournée de ces pièges souvent. Il y a le bois de chauffage, l’eau à aller chercher. Alors là, je ne suis pas paresseux.
Ça me prend du temps des fois ici au village pour me décider à faire quelque chose.
Ici au village, même les distances de 1 mille 2 milles me semble loin. En forêt, tu n’as pas cette notion-là. Tout en faisant ce que tu as à faire, tu ne t’en aperçois même pas et tu as franchis ces distances-là. Ça ne paraît pas loin. Ce que j’aime bien forêt c’est qu’on a le temps de penser à soi aux autres, le temps de s’organiser.
17min 17
Evelyne Quand tu étais jeune, est-ce que vous étiez toujours dans le bois avec ta famille ?
Zac Oui, on était toujours en forêt jusqu’à un moment donné un prête est venu voir mon père pour lui dire qu’un de ses fils devait partir pour le pensionnat pour apprendre le français et servir d’interprète plus tard. Je suis allé au pensionnat de Mani utenam.
Quand j’ai fini l’école, mon père ne pouvait plus se fier sur moi car je ne connaissais pas assez le bois et c’était à peu près la même chose du côté des blancs. J’étais comme un ignorant, un. Mélangé. Je n’étais pas bon à grand-chose.
18min 17
Evelyne Qu’est que tu as fait à la Uanamen shipu comme travail après le pensionnat?
Zac J’ai travaillé à la Baie d’hudson comme commis, J’ai vécu 7 ans à Uanamen shipu. Je me suis marié et quatre ans plus tard on est déménagé à Mani utenam.
On trouvait que l’hôpital était trop loin quand les enfants étaient malades. C’était une question de sécurité surtout pour les enfants.
19min 04
Evelyne Tu as été chef à Uanamen shipu, je pense ?
Zac Je me sentais bien quand j’étais chef, car j’avais des sages qui me conseillait, ils me disaient quoi dire, quoi faire et moi étant donné que je parlais français, je pouvais faire des demandes en leur nom. Ça été une expérience très positive et j’ai appris beaucoup avec ces sages.
C’est qu’il fallait que je trouve les mots pour traduire leurs demandes. C’était l’époque de la construction du village et il y avait beaucoup à faire. Fallait que les demandes soient acceptées au ministère des affaires indiennes. Le français m’a aidé beaucoup pour cette tâche.
20min 07
Evelyne Tu as été chef pendant combien de temps ?
Zac Pas loin de 2 ans
On a fait beaucoup de choses pendant ce 2 ans, une coopérative de pêche. Ça été très difficile de comprendre tous les termes, qu’est-ce que c’est une coopérative et ses règles les assurances et tout expliquer en langue innue à mes conseillers. Ces mots-là n’existaient pas en innu. Tout comme l’argent et son système. Il fallait apprendre. Après 2 ans, ma femme était retournée à Uashat pour enseigner et je suis allé la rejoindre.
21min 24
Evelyne Quel travail as-tu fait ici à Maliotenam ?
Zac J’ai fait beaucoup de choses, J’ai été chauffeur d’autobus, j’ai appris la plomberie, j’ai suivi un cours de plomberie.
22min 15
Evelyne Quand tu t’est envenu ici à Maliotenam, est-ce que tu allais dans le bois avec des ainés ?
Zac Oui, je suis monté avec de bons amis comme Pierre Michel, Kunikuen, Mark Sandy, Ceux-ci oont continué à m’enseigner. Ils m’ont appris beaucoup. Je n’avais pas le choix d’apprendre ou de réapprendre ce que j’avais perdu au pensionnat.
22min 59
Evelyne Plus tard quand tu as monté au millage 110, est que tu avais l’autorisation de quelqu’un pour t’installer sur son territoire ?
Zac Non, c’était l’endroit où j’enseignais à Nutshimiu atteuseun avec les jeunes. Je connaissais très bien ce territoire.
On partait d’ici pour s’en aller au lac Siamois où était située l’école en forêt. Également, le train arrêtait à cet endroit. Le 110 était donc un relai entre Maliotenam et le lac Siamois.
23min 32
Evelyne Est-ce que tu penses qu’aujourd’hui, il va encore avoir des chasseurs traditionnels?
Zac Il faut qu’il en ait, sinon ça n’ira pas bien et on s’en irait alors vers l’extinction.
23min 48
Il faut que les jeunes apprennent comment ça se passait autrefois. S’ils vont à la chasse pour vendre leurs produits, il y a un gros problème. Autrefois on vivait en communauté et on partageait tout. Il faut que l’esprit du chasseur traditionnel innu persiste sinon on va vendre les produits et les jeunes ne se souviendront plus ce qu’était innu aitun.
Ça va être seulement ceux qui ont de l’argent qui vont pouvoir manger la nourriture innue, ceux qui n’ont pas d’argent ne pourront pas en avoir pour manger.
24min 08
Evelyne C’est comme ça que tu enseignes aux enfants ? Tu leur parle de partage ?
Zac On essaie de leur faire vivre ce partage et leur montrer comment départager la nourriture entre eux.
24min 32
Evelyne C’est difficile le partage. Qu’est-ce qu’on doit regarder quand on fait le partage ?
Zac Si tu regardes juste ta famille, ça sera assez simple de partager, mais si tu vas plus large et que tu penses à
Ceux qui en ont vraiment besoin, et que personne est là pour les aider, alors là ça se complique. Il faut voir plus large car nous vivons en communauté.
Evelyne Qu’est-ce que tu penses des personnes qui manifestent pour le territoire et contre ces réalisations minières gigantesques dans le territoire ?
25min 11
Zac La plupart des personnes qui manifestent pour le territoire ne vivent pas dans le territoire, ils se servent d’écrits, de cartes, d’avis juridiques. Je pense que pour défendre la terre, le territoire, il faut y vivre. Si tu laisses le territoire à l’abandon, tu auras beaucoup de misère à le défendre. C’est quand même rare depuis que je vis ici à Maliotenam que je rencontre quelqu’un qui vit dans le bois ou encore qui s’organise pour le faire. Aujourd’hui, on parle plus du territoire comme d’une propriété et non comme un endroit pour y vivre. J’en rencontre qui y vont une semaine ou deux, mais c’est rare quelqu’un qui va passer l’hiver et faire sa tournée de pièges à chaque jour. Quand tu prends le train, tu remarqueras que les camps sont pratiquement tous sur le bord de la voie ferrée, un peu comme des touristes. Les innus ne vont plus à l’intérieur du territoire. Ils n’habitent pas là, ils ne font que passer.
26min 32
Evelyne Tu trouves qu’il n’y a pas assez de gens qui vont dans le bois ?
Zac Si on veut vraiment vivre en forêt, cela implique qu’on nettoie les portages pour commencer. Il y a des arbres qui peuvent tomber. On doit le faire régulièrement. Maintenant quand je vais en forêt, je vois beaucoup plus de blancs que d’innus.
Ceux-ci se construisent autour de beaux lacs, là où il y a beaucoup de poissons. Ils se construisent de beaux chalets et y vont en avion.
28min 28
Evelyne Est-ce que tu penses que notre façon de vivre en forêt « innu aitun » va continuer de vivre encore longtemps ?
Zac On doit continuer, bien sûr ça ne sera pas comme autrefois. Aujourd’hui, il y a des motoneiges et la raquette est devenue un accessoire mais demeure encore nécessaire. On ne rame plus, on utilise des embarcations à moteur. On va vivre l’innu aitun mais d’une autre façon, plus moderne. On ne pourra jamais vivre comme autrefois.
28min 22
Evelyne Comment vois-tu l’avenir ?
Zac Ce que j’aimerais bien, c’est qu’il y ait du monde un peu partout dans le territoire et qu’on se parlent, qu’on se visitent. Que ces gens habitent le territoire et y vivent.
Malheureusement, je pense que c’est terminé aujourd’hui, on ne peut pas revenir en arrière.
Autrefois, il n’y avait pas personne pour te dire que tu marchais sur son territoire. Il n’y avait pas de frontière et le territoire était à tout le monde. Aujourd’hui, on se fait dire que l’on est dans le territoire de l’autre. Ce n’est pas très drôle. Cette situation vient du fait que quand on a créé les lots de trappe, beaucoup d’innus ont pensés que ces lots leur appartenaient comme une propriété et non comme un gestionnaire du lot. On a arrêté de voir le territoire comme celui des familles et des ancêtres. Tu peux peut-être le dire à un blanc que c’est ton territoire, mais pas à un autre innu. Si on continue de cette façon, on ne pourra plus occuper le territoire comme on l’occupait auparavant.
30min.24
Evelyne Qu’est-ce que tu vas faire cet été ?
Zac J’aimerais aller à Sheshashit en canot, c’est un bon voyage. Je ne sais pas encore avec qui je vais y aller. C’est vraiment un voyage que j’aimerais faire. J’aimerais partir de la rivière Moisie, il y a beaucoup de portages et certains n’ont pas été nettoyés. Il y a sûrement encore des gens qui s’en souviennent un peu
Evelyne Avec qui aimerais-tu y aller ? Penses-tu qu’il y a des gens qui t’accompagneraient ?
Est-ce que tu lances l’invitation pour savoir qui serait intéressé ?
Zac Oui, j’aimerais ça, je vous donne jusqu’à Noël pour vous décider et pour savoir combien on serait.
Il faut préparer le voyage, penser aux tentes aux canots…
32min 18
Evelyne Ça va prendre combien de temps tu penses ?
Zac Avant on parlait de 1 mois, mais les gens étaient plus en forme que nous et connaissait très bien cette façon de vivre. En plus les portages étaient entretenus. Aujourd’hui, les repères vont être durs à trouver car il y a eu de la repousse partout, il y a eu des feux de forêt. Aujourd’hui, on peut parler de deux mois pour faire une pareille distance, si on ne se mélangent pas trop. On n’a pas la même capacité qu’autrefois.
L’invitation est lancée, il y a une première condition, il faut que tu aimes aller en forêt.
Zac. Je viens de Uanamen shipu et je suis venu ici à cause du pensionnat. Ma femme vient de Maliotenam.
Evelyne Retournes-tu à Uanamen shipu des fois
Zac Des fois, qua, nd j’ai un peu de temps je retourne voir ma mère.
1min 11
Evelyne Qu’est-ce que tu fais à Mani Utenam
Zac J’amène les enfants dans le bois
Evelyne S’il n’y a pas d’enfant, qu’est-ce que tu fais?
Zac Je vais dans le bois, dans le territoire. Je suis toujours dans le bois
Evelyne Est-ce que tu chasses pour la fourrure ou la nourriture ?
Zac C’est beaucoup plus pour la nourriture, les fourrures se vendent beaucoup moins cher qu’avant.
1min 44 C’est pour la nourriture, le caribou, le poisson, le castor. Si j’en tue beaucoup, je téléphonerai au conseil de bande pour qu’il distribue à ceux qui en ont besoin. 2min 14 C’est surtout pour les aînés, ça fait déjà plusieurs fois qu’on amène du poisson à la maison des ainés, comme la truite grise. Les vieux préfèrent le poisson.
Evelyne Tu enseignes des techniques en forêt, la survie en forêt, Comment as-tu appris ces techniques ?
2min 39
Zac
Je n’enseigne pas tellement mais je parle aux enfants, je leur donne des exemples et des explications pour qu’ils ne se perdent pas en forêt. Aussi, ils me regardent faire des choses, mais ce n’est pas vraiment l’enseignement structuré. 3min 03. Je leur dis aussi où c’est dangereux et des fois je les amène pour qu’ils voient le danger. Comme la glace, la neige,
3min 19
Evelyne Pourquoi aimes-tu la forêt ?
Zac Je suis né en forêt et pour moi, même si je travaille en forêt, c’est comme être en vacances toute l’année et je pense que les enfants que j’amène avec moi le sentent aussi.
3min 37
Evelyne Es-tu le seul qui montre aux enfants ces connaissances ?
Zac Je ne suis pas le seul à faire ce travail, Pour moi, ça fait 18 ans que je fais ce travail et avec moi, il y a une femme qui s’appelle Julienne et qui montre le travail qu’il y a à faire à l’intérieur de la tente, la cuisine, la couture, le tricot, etc, tout ce que les jeunes devraient savoir pour être autonome en forêt.
4min 14
Evelyne Et toi, que fais-tu pendant ce temps là ?
Zac Nous on se promène beaucoup en forêt, quelquefois près de la tente, on enseigne à fabriquer des raquettes, des traîneaux, toutes ces choses, ces outils nécessaires. Souvent on va à la chasse à la perdrix, au porc épic, on apprend à lire les pistes.
4min 35
Evelyne Est-ce que tu fais autre chose ? Je t’ai déjà vu faire des canots et montrer à mon fils comment en faire.
Zac Oui, moi je l’ai appris d’un ainé, François Pilot. Celui-ci m’a dit que quand je saurai faire un canot, va falloir que je l’enseigne ce savoir à d’autres.
Les jeunes à qui j’enseignent doivent d’abord aimer aller en forêt et à faire un canot. Il faut qu’il soit habile de ses mains. Ton garçon, lui aimait ça et c’est pourquoi, je lui ai enseigné.
5min 21
Evelyne Est-ce que les enfants aiment ça vivre en forêt?
Zac Oui, ils aiment ça, ils ne s’ennuient pas, ils font beaucoup d’activités. Mais dès qu’il y en a un qui s’ennui et qu’il veut descendre, alors on dirait qu’il donne le goût aux autres de s’ennuyer. Étant donné que l’on écoute beaucoup la radio dans le bois, quand il y a des tournois de hockey par exemple, c’est là qu’ils veulent descendre. C’est dans ces moments que les jeunes s’ennuient le plus.
6min 13
Evelyne Est-ce que vous accédez toujours à leur désir?
Zac Non, On essaie toujours d’être ensemble et de garder le groupe intact, on est monté ensemble et on devrait redescendre ensemble. C’est comme ça qu’on faisait autrefois.
6min 37
Evelyne Toi, tu l’as appris avec tes parents, mais aujourd’hui avec l’école et tout, ce n’est pas facile. Les parents n’ont pas appris à cause du pensionnat.
Zac C’est ce qu’on fait avec les jeunes, on leur montre l’innu aitun, les connaissances traditionnelles innues. Autrefois, les enfants montaient avec leurs parents et apprenaient automatiquement ces connaissances,
C’était leur quotidien. On doit leur faire vivre ces choses, c’est comme ça qu’ils vont retenir les informations. Il faut aussi vérifier si tout le monde a saisi la situation. Chaque journée amène son lot de situations différentes et il faut vivent ces situations pour acquérir l’expérience nécessaire à assurer sa survie. La langue innue est nécessaire pour apprendre cette transmission. Nous devons donc leur enseigner en langue innue.
On répétera souvent, jusqu’à temps qu’on voit que les enfants ont retenu la leçon.
7min 54
Evelyne Est-ce que tu vois aujourd’hui des jeunes qui suite à leur séjour en forêt ont le goût d’y retourner ?
8min 02
Zac Oui, il y en a beaucoup, ceux qui revienne, ce sont des jeunes qui aiment beaucoup la forêt. Il y en a d’autres qui avaient abandonnés l’école pour venir avec nous et parfois il y en a qui retournent à l’école. Ça peut donner le goût de terminer quelques choses. Pour plusieurs autres, ce qui les retient, c’est qu’ils ont entendu des histoires négatives en forêt comme la famine ou encore un accident et ça les empêche de retourner en forêt.
C’est dur la vie en forêt, c’est sûr, mais quand tu arrives le soir fatigué de ta journée, une bonne fatigue qui t’apporte de la fierté. Tu as appris beaucoup de chose propre à ta culture et c’est valorisant.
9min 35
Evelyne Est-ce que tu aimes ça vraiment vivre en forêt malgré tout ça ? Qu’est-ce que tu trouves de bon là-dedans?
Zac J’aime beaucoup être en forêt. Quand on reste ici au village, on écoute la télévision et c’est souvent des mauvaises nouvelles. Quand tu es en forêt, tu penses d’bord à t’occuper de toi à être bien. On vit au présent. Je m’occupe d’être confortable dans ma tente avec tout ce que j’ai besoin.
10min. 29
Evelyne Pourquoi moi quand je vais en forêt j’ai toujours peur, je regarde partout et j’ai peur.
10min.40
Zac Peut-être que quand tu étais jeune, pour t’empêcher d’aller trop loin, on te faisait peur. En fait on voulait te protéger.
Nous autres aussi, on nous faisait peur, par exemple au printemps quand les rivières sont grosses, on nous défendait d’aller trop loin.
En fait on avait peur que tu ne laisse pas de trace et qu’on risquait de ne pas te trouver ou peut-être qu’on était tannant un peu et on nous faisait peur pour qu’on arrête.
11min 40
Evelyne Dans le bois dans le fond, n’y a rien pour nous faire peur.
Zac Peut-être les animaux, mais les animaux ont peur de l’être humain.
11min 49
Evelyne Est-ce que les enfants ont peur eux-autres dans le bois ?
Zac Il y a des choses dangereuses dans le bois et on leur dit. Mais ils n’ont pas peur car ils ne le vivent pas. Mais quand ils vont vivent quelque chose comme les petites tornades, l’eau comme c’est dangereux, le vent…Tout ça c’est dangereux. On leur en parle. Quand ils se sont mouillés un peu, là ils s’en souviennent, c’est l’expérience qui entre. Il faut qu’ils le vivent pour comprendre vraiment.
12min 25
Evelyne Katshimetaushu, Carcajou, ce n’est pas dangereux ?
Zac Je n’ai jamais senti cette peur là et je n’ai jamais rencontré personne qui m’ai fait peur. Cependant, il y a une fois où quelqu’un à lancer une roche, mais qui, il n’y avait personne d’autre que moi, c’était comme une présence, j’ai eu peur.
Katshimetaushu, on en parle souvent, mais moi-même je n’ai jamais senti sa présence mais tout le monde en parle.
13min 28
Evelyne Est-ce que les enfants eux aussi sentent des choses en forêt, des présences ?
Zac C’est sûr que les enfants sentent ces choses, Des fois, quand il fait froid et que la glace et les arbres craquent. Les enfants se demandent c’est quoi et ils ont peur. Ils sont cependant curieux et à l’affût d’entendre ces choses-là.
14min 01
Evelyne Est-ce qu’un enfant t’a déjà parler de Katshimetaushu ?
Zac Non ce n’est jamais arriver.
14min 19
Evelyne Si en forêt quelqu’un se blesse, est-ce que vous utilisez la médecine traditionnelle ? Est-ce que tes parents l’utilisaient ?
14min 38
Zac Aujourd’hui, en forêt, s’il arrive un accident, on utilisera la radio CB et selon la gravité de la blessure, on fera venir l’avion. En même temps, les ainés nous donnent des conseils sur ce que tu dois faire.
Il y a aussi la boîte de premier soin, mais on ne voudrait jamais avoir besoin de l’utiliser.
15min. 21
Evelyne Comment tu te sens en forêt ? Comment tu vis ça ?
Zac Quand on est au village, je me sens paresseux. Tout est là, prêt. Dans le bois, tu ne peux pas être paresseux, il y a toujours quelque chose à faire. Tu dois planifier même pour manger. Au village on te dira simplement viens manger… Dans le bois, c’est moi qui dois s’occuper de mon bien être.
Il y a toujours quelque chose à faire. Quand tu tends des pièges, tu faire la tournée de ces pièges souvent. Il y a le bois de chauffage, l’eau à aller chercher. Alors là, je ne suis pas paresseux.
Ça me prend du temps des fois ici au village pour me décider à faire quelque chose.
Ici au village, même les distances de 1 mille 2 milles me semble loin. En forêt, tu n’as pas cette notion-là. Tout en faisant ce que tu as à faire, tu ne t’en aperçois même pas et tu as franchis ces distances-là. Ça ne paraît pas loin. Ce que j’aime bien forêt c’est qu’on a le temps de penser à soi aux autres, le temps de s’organiser.
17min 17
Evelyne Quand tu étais jeune, est-ce que vous étiez toujours dans le bois avec ta famille ?
Zac Oui, on était toujours en forêt jusqu’à un moment donné un prête est venu voir mon père pour lui dire qu’un de ses fils devait partir pour le pensionnat pour apprendre le français et servir d’interprète plus tard. Je suis allé au pensionnat de Mani utenam.
Quand j’ai fini l’école, mon père ne pouvait plus se fier sur moi car je ne connaissais pas assez le bois et c’était à peu près la même chose du côté des blancs. J’étais comme un ignorant, un. Mélangé. Je n’étais pas bon à grand-chose.
18min 17
Evelyne Qu’est que tu as fait à la Uanamen shipu comme travail après le pensionnat?
Zac J’ai travaillé à la Baie d’hudson comme commis, J’ai vécu 7 ans à Uanamen shipu. Je me suis marié et quatre ans plus tard on est déménagé à Mani utenam.
On trouvait que l’hôpital était trop loin quand les enfants étaient malades. C’était une question de sécurité surtout pour les enfants.
19min 04
Evelyne Tu as été chef à Uanamen shipu, je pense ?
Zac Je me sentais bien quand j’étais chef, car j’avais des sages qui me conseillait, ils me disaient quoi dire, quoi faire et moi étant donné que je parlais français, je pouvais faire des demandes en leur nom. Ça été une expérience très positive et j’ai appris beaucoup avec ces sages.
C’est qu’il fallait que je trouve les mots pour traduire leurs demandes. C’était l’époque de la construction du village et il y avait beaucoup à faire. Fallait que les demandes soient acceptées au ministère des affaires indiennes. Le français m’a aidé beaucoup pour cette tâche.
20min 07
Evelyne Tu as été chef pendant combien de temps ?
Zac Pas loin de 2 ans
On a fait beaucoup de choses pendant ce 2 ans, une coopérative de pêche. Ça été très difficile de comprendre tous les termes, qu’est-ce que c’est une coopérative et ses règles les assurances et tout expliquer en langue innue à mes conseillers. Ces mots-là n’existaient pas en innu. Tout comme l’argent et son système. Il fallait apprendre. Après 2 ans, ma femme était retournée à Uashat pour enseigner et je suis allé la rejoindre.
21min 24
Evelyne Quel travail as-tu fait ici à Maliotenam ?
Zac J’ai fait beaucoup de choses, J’ai été chauffeur d’autobus, j’ai appris la plomberie, j’ai suivi un cours de plomberie.
22min 15
Evelyne Quand tu t’est envenu ici à Maliotenam, est-ce que tu allais dans le bois avec des ainés ?
Zac Oui, je suis monté avec de bons amis comme Pierre Michel, Kunikuen, Mark Sandy, Ceux-ci oont continué à m’enseigner. Ils m’ont appris beaucoup. Je n’avais pas le choix d’apprendre ou de réapprendre ce que j’avais perdu au pensionnat.
22min 59
Evelyne Plus tard quand tu as monté au millage 110, est que tu avais l’autorisation de quelqu’un pour t’installer sur son territoire ?
Zac Non, c’était l’endroit où j’enseignais à Nutshimiu atteuseun avec les jeunes. Je connaissais très bien ce territoire.
On partait d’ici pour s’en aller au lac Siamois où était située l’école en forêt. Également, le train arrêtait à cet endroit. Le 110 était donc un relai entre Maliotenam et le lac Siamois.
23min 32
Evelyne Est-ce que tu penses qu’aujourd’hui, il va encore avoir des chasseurs traditionnels?
Zac Il faut qu’il en ait, sinon ça n’ira pas bien et on s’en irait alors vers l’extinction.
23min 48
Il faut que les jeunes apprennent comment ça se passait autrefois. S’ils vont à la chasse pour vendre leurs produits, il y a un gros problème. Autrefois on vivait en communauté et on partageait tout. Il faut que l’esprit du chasseur traditionnel innu persiste sinon on va vendre les produits et les jeunes ne se souviendront plus ce qu’était innu aitun.
Ça va être seulement ceux qui ont de l’argent qui vont pouvoir manger la nourriture innue, ceux qui n’ont pas d’argent ne pourront pas en avoir pour manger.
24min 08
Evelyne C’est comme ça que tu enseignes aux enfants ? Tu leur parle de partage ?
Zac On essaie de leur faire vivre ce partage et leur montrer comment départager la nourriture entre eux.
24min 32
Evelyne C’est difficile le partage. Qu’est-ce qu’on doit regarder quand on fait le partage ?
Zac Si tu regardes juste ta famille, ça sera assez simple de partager, mais si tu vas plus large et que tu penses à
Ceux qui en ont vraiment besoin, et que personne est là pour les aider, alors là ça se complique. Il faut voir plus large car nous vivons en communauté.
Evelyne Qu’est-ce que tu penses des personnes qui manifestent pour le territoire et contre ces réalisations minières gigantesques dans le territoire ?
25min 11
Zac La plupart des personnes qui manifestent pour le territoire ne vivent pas dans le territoire, ils se servent d’écrits, de cartes, d’avis juridiques. Je pense que pour défendre la terre, le territoire, il faut y vivre. Si tu laisses le territoire à l’abandon, tu auras beaucoup de misère à le défendre. C’est quand même rare depuis que je vis ici à Maliotenam que je rencontre quelqu’un qui vit dans le bois ou encore qui s’organise pour le faire. Aujourd’hui, on parle plus du territoire comme d’une propriété et non comme un endroit pour y vivre. J’en rencontre qui y vont une semaine ou deux, mais c’est rare quelqu’un qui va passer l’hiver et faire sa tournée de pièges à chaque jour. Quand tu prends le train, tu remarqueras que les camps sont pratiquement tous sur le bord de la voie ferrée, un peu comme des touristes. Les innus ne vont plus à l’intérieur du territoire. Ils n’habitent pas là, ils ne font que passer.
26min 32
Evelyne Tu trouves qu’il n’y a pas assez de gens qui vont dans le bois ?
Zac Si on veut vraiment vivre en forêt, cela implique qu’on nettoie les portages pour commencer. Il y a des arbres qui peuvent tomber. On doit le faire régulièrement. Maintenant quand je vais en forêt, je vois beaucoup plus de blancs que d’innus.
Ceux-ci se construisent autour de beaux lacs, là où il y a beaucoup de poissons. Ils se construisent de beaux chalets et y vont en avion.
28min 28
Evelyne Est-ce que tu penses que notre façon de vivre en forêt « innu aitun » va continuer de vivre encore longtemps ?
Zac On doit continuer, bien sûr ça ne sera pas comme autrefois. Aujourd’hui, il y a des motoneiges et la raquette est devenue un accessoire mais demeure encore nécessaire. On ne rame plus, on utilise des embarcations à moteur. On va vivre l’innu aitun mais d’une autre façon, plus moderne. On ne pourra jamais vivre comme autrefois.
28min 22
Evelyne Comment vois-tu l’avenir ?
Zac Ce que j’aimerais bien, c’est qu’il y ait du monde un peu partout dans le territoire et qu’on se parlent, qu’on se visitent. Que ces gens habitent le territoire et y vivent.
Malheureusement, je pense que c’est terminé aujourd’hui, on ne peut pas revenir en arrière.
Autrefois, il n’y avait pas personne pour te dire que tu marchais sur son territoire. Il n’y avait pas de frontière et le territoire était à tout le monde. Aujourd’hui, on se fait dire que l’on est dans le territoire de l’autre. Ce n’est pas très drôle. Cette situation vient du fait que quand on a créé les lots de trappe, beaucoup d’innus ont pensés que ces lots leur appartenaient comme une propriété et non comme un gestionnaire du lot. On a arrêté de voir le territoire comme celui des familles et des ancêtres. Tu peux peut-être le dire à un blanc que c’est ton territoire, mais pas à un autre innu. Si on continue de cette façon, on ne pourra plus occuper le territoire comme on l’occupait auparavant.
30min.24
Evelyne Qu’est-ce que tu vas faire cet été ?
Zac J’aimerais aller à Sheshashit en canot, c’est un bon voyage. Je ne sais pas encore avec qui je vais y aller. C’est vraiment un voyage que j’aimerais faire. J’aimerais partir de la rivière Moisie, il y a beaucoup de portages et certains n’ont pas été nettoyés. Il y a sûrement encore des gens qui s’en souviennent un peu
Evelyne Avec qui aimerais-tu y aller ? Penses-tu qu’il y a des gens qui t’accompagneraient ?
Est-ce que tu lances l’invitation pour savoir qui serait intéressé ?
Zac Oui, j’aimerais ça, je vous donne jusqu’à Noël pour vous décider et pour savoir combien on serait.
Il faut préparer le voyage, penser aux tentes aux canots…
32min 18
Evelyne Ça va prendre combien de temps tu penses ?
Zac Avant on parlait de 1 mois, mais les gens étaient plus en forme que nous et connaissait très bien cette façon de vivre. En plus les portages étaient entretenus. Aujourd’hui, les repères vont être durs à trouver car il y a eu de la repousse partout, il y a eu des feux de forêt. Aujourd’hui, on peut parler de deux mois pour faire une pareille distance, si on ne se mélangent pas trop. On n’a pas la même capacité qu’autrefois.
L’invitation est lancée, il y a une première condition, il faut que tu aimes aller en forêt.
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Citation
Bellefleur, Zacharie (interviewé), St-Onge, Evelyne (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “Bellefleur, Zacharie,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 13, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/334.