Vollant, Mario

Title

Vollant, Mario

Subject

Uashat; leucémie; hôpital; Ste Anne de Beaupré

Description

Entretien de Evelyne St-Onge avec Mario Vollant au Mont Ste Anne près de Québec

Creator

Vollant, Mario (interviewé)
St-Onge, Evelyne (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)

Source

Production Manitu inc.

Publisher

Production Manitu inc.

Date

2000

Rights

Production Manitu inc.

Language

Innu

Coverage

Mont Ste-Anne, Québec, Canada

Type

récit de vie | oral history

Format

MP4, 18 min 45 s

Original Format

vidéo | video

Transcription

Transcription par Philomène Jourdain
Esto = Evelyne St-Onge MV= Mario Vollant

ESTO: Bonjour Mario. Je suis contente de te rencontrer aujourd’hui. J’aimerais… euh quel âge as-tu ?
MV : J’ai trente ans.
ESTO : Ok, ok
MV : Je viens de Uashat.
ESTO : Où t’as grandi ?
MV : J’ai grandi à Schefferville et nous avons déménagé. Nous demeurons à Uashat, ça doit faire deux ans déjà que nous sommes ici.
ESTO : Avec tes parents ?
MV : Oui. Mes parents sont Bernard Vollant et Yvonne (André).
ESTO : Tu avais vécu à Schefferville, n’est-ce pas ? Je me souviens de toi.
MV : Oui
ESTO : Tu es allé à l’école avec Katune (Michèle Audet) ou avec Benoît ?
MV : Katune, Katune.
ESTO : Muh
MV : Nous sommes allés à l’école ensemble.
ESTO : Muh. Euh… ça ne fait pas longtemps que tu es marié !
MV : Oui, je suis marié depuis deux mois. Je me suis marié avant la Fête des Mères.
ESTO : Muhm.
Mario, tu viens de te marier, n’est-ce pas ?
MV : Oui. Je me suis marié il y a deux mois avant la Fête des Mères. Parce que j’allais suivre des traitements. On m’avait annoncé que j’avais une maladie.
ESTO : C’est quoi qui se passe dans ta vie ? Quand est-ce que ça, ça s’est passé ?
MV : Ça fait un an que je sais que je suis malade. On a fait des vérifications pour ma santé. On a tout enlevé mes dents. Je suis allé chez le dentiste. Ça n’arrêtait pas de saigner. Je me suis rendu à l’hôpital et on a fait des prises de sang. C’est là qu’on me dit que je suis malade. On m’a direct transféré à Québec pour recevoir des traitements.
ESTO : Quelle maladie que tu avais, a-t-on dit ?
MV : La leucémie. Ça fait une semaine que je sais que les médecins ne peuvent rien faire. On ne pourra plus me guérir, m’a-t-on annoncé.
ESTO : mmm
MV : Je remercie beaucoup les médecins qui se sont occupés de moi. Je les remercie d’avoir essayé de me guérir. Il faut que je l’accepte. Dieu veut que j’aille vers lui. Il me faut bien accepter. Je ne peux rien faire, c’est son appel.
ESTO : La vie est ainsi. Tout le monde va passer par là.
MV : Oui.
ESTO : Comme euh… nous autres aussi. Mais nous, nous ne savons pas (quand).
MV : Oui
ESTO : C’est ça la vie. Quand on te l’a annoncé, c’était quoi ta réaction ? La première fois qu’on te l’a annoncé que tu avais cette maladie-là ?
MV : J’ai trouvé ça drôle, parce que je ne connaissais pas cette maladie. C’est seulement quand ma femme m’a dit : « C’est la même maladie que ma mère avait ». Là ça me faisait peur. J’ai trouvé ça drôle quand on m’a dit que j’avais la leucémie. Je ne connaissais pas cette maladie. Quand ma femme me l’a expliqué, là j’avais peur. La peur a passé après être hospitalisé pour une guérison.
ESTO : Combien de traitements as-tu reçu ?
MV : Je dois faire huit traitements en une année. Je m’ennuyais beaucoup quand j’étais hospitalisé. (À chaque fois) j’étais hospitalisé pendant un mois. J’avais congé deux semaines, parfois une semaine, pour ensuite être hospitalisé à nouveau.
Quand on me donnait congé, j’aimais bien être dans le bois. J’allais dans le bois pour la pêche. Les médecins et aussi les infirmières riaient de moi en me disant : « Tu es comme un écureuil, tu sors en vitesse et nous sommes à ta recherche. (rire)
ESTO : Est-ce que tes traitements sont douloureux ?
MV : Non.
MV : … j’ai un (.), c’est-pourquoi je n’ai pas d’injection à recevoir. C’est dans ce (.) que je reçois des traitements. On le nettoie une fois par semaine. J’en suis très content de ne pas recevoir d’injection dans mon bras. À mon admission (à l’hôpital), je recevais toujours des injections et j’avais des ecchymoses au bras. Quand on me piquait on me disait que mes veines pétaient. C’est pourquoi on a installé ce (.).
ESTO : Ok c’est là qu’on te piquait ?
MV : Oui. On me faisait une prise de sang tous les matins. J’étais content de ça (que cette machine soit (.)), et je n’avais plus à être piqué. Ça arrivait que je me chicanais avec les infirmières tellement (…). Je suis très content que l’on ait installé, car je ne sentais rien. On me donnait des ?Kilo? et une autre chose (.) qu’on me donnait des plaquettes en soluté quand je faiblissais.
ESTO : Ok tu n’avais pas de plaquette dans ton sang ?
MV : Il manquait des plaquettes. Oui. C’est ce qu’on me donnait. Ça prenait du temps à les recevoir. Je les ai reçu de l’ambulance St-Jean. Tu attends une journée complète. Quand ils arrivent, tu les reçois en-soluté en dedans de quinze minutes.
ESTO : Ah ! C’est du sang ?
MV : Non ce n’est pas du sang. C’est …
ESTO : De l’eau ?
MV : Du liquide jaune épais. C’est ce qu’on me donnait. Après les avoir reçus, je filais un peu mieux ce qui me faisait plaisir. Tu sens ça quand tu n’as pas de plaquettes, tu as des ecchymoses partout (dans ton corps). Quand tu as des ecchymoses, Tu sais qu’on va te donner le liquide. Quand tu es en bas de 10(?), direct on te le donne.
ESTO : Est-ce que ça t’a pris du temps pour accepter ce qui t’arrive, ou tu as tout de suite accepté ?
MV : Il faut que je l’accepte cette maladie, ça doit être la volonté de Dieu, c’est ce que je pensais dans ma tête. Je pensais « il faut que je l’accepte ».
C’est seulement que j’ai pitié de ma femme, elle a perdu sa mère avec cette maladie. Et je pense qu’elle va encore perdre une autre personne qu’elle aime, c’est ce que je pense. Je pense beaucoup à ma femme, on se parle beaucoup dans la soirée. Elle parlait toujours de sa mère. Aujourd’hui, quand je serai décédé, elle va beaucoup parler de moi, je crois. « C’est ce qu’il faisait », elle dira.
J’aimais beaucoup être à l’hôpital, mais quand il faisait beau, j’étais tellement triste et moi qu’il faut que je reçoive des traitements ici (hôpital). J’aimais ça moi aussi me promener.
ESTO : Est-ce qu’il y a plusieurs personnes qui ont cette maladie ?
MV : Il y a plusieurs Blancs, mais eux ils sont chanceux parce qu’ils ont la greffe de moëlle de leur frère. Quant à moi, j’ai sept frères et une seule sœur, on leur a fait une prise de sang pour savoir s’ils étaient compatibles. Non personne.
J’ai connu un Blanc de Sept-Iles, il avait deux enfants et l’un d’eux, avait cette maladie que j’ai. Son jeune frère était compatible. Aujourd’hui, il est en pleine forme et on dit qu’il patine. C’est juste ça que ça va me faire de la peine, ne pas patiner. J’y pense souvent. Je le trouve chanceux. J’avais arrêté d’aller à l’aréna depuis que je suis malade, de ne pas pouvoir aller voir mes amis patiner.
ESTO : Tu étais dans (l’organisation) n’est-ce pas ? C’est toi qui t’occupais de l’organisation de hockey ou ballon-balai ?
MV : Le hockey. On travaillait ensemble avec mon frère, avec celui qui organise les tournois de hockey. On avait travaillé ensemble. J’ai pitié de mes amis, depuis que je suis malade depuis un an, ils n’ont jamais gagné. Quand j’étais avec eux… je leur ai dit : « Il manque quelque chose, il manque un morceau du casse-tête. Le morceau du casse-tête qui manque, vous ne pourrez jamais le poser. Vous ne pourrez jamais gagner », leur ai-je dit. Ils ne font que me regarder et rire de ça. Ils ressentent mon absence.
Tout ce qui me reste à faire, il me faut accepter cette maladie. Tout ce que je vais faire maintenant, c’est de faire des activités que j’aime. J’aime beaucoup la pêche. C’est ça que j’aime le plus, aller dans le bois pour pêcher.
On m’invite à Schefferville. Je vais y aller après la Fête de Ste-Anne. Avec mon épouse, nous y resterons une semaine. Je veux aller pêcher, car là-bas il y a des grosses truites de cinq livres. Je veux en attraper une. À Port-Cartier il n’y a que des petites. Nous allons nous y rendre en avion (c’est ce qui ont décidé ceux qui nous ont invités). Je veux les voir aussi, car c’est de là que je viens. Les Innus veulent me voir. Ils ne peuvent pas se rendent à Québec, ils disent que je suis très loin d’eux.
ESTO : C’est toi qui vas aller les voir ?
MV : Oui, nous y allons mon épouse et moi, car mon transport d’avion est payé. Ce sera un aller-retour.
ESTO : Tu dois avoir beaucoup d’amis ?
MV : Oui, j’en ai beaucoup. J’ai un jeune que j’ai élevé, (je ne sais pas trop comment dire), ce jeune n’avait pas de place où rester, j’ai pitié de lui. Quand il a appris que les médecins ne pouvaient plus rien faire pour moi, il avait entendu (cette nouvelle) à la radio communautaire, Mitushapeu (Paul-Arthur Mckenzie) qui priait pour moi. J’étais très fâché, j’avais de la peine. Pourquoi ils ne m’ont pas dit à moi directement (pour la prière). C’était une aide indispensable (garçon qu’il a accueilli chez-lui), lui aussi doit regretter ce qu’il m’arrive, qu’il va me perdre. C’était notre gardien (je ne sais pas si c’est un garçon ou une fille). Il gardait mes enfants. Mes enfants ne peuvent entrer à l’hôpital. (Pour entrer à l’hôpital), il faut que l’enfant ait douze ans et plus
ESTO : Quel âge ont tes enfants ?
MV : Un a huit ans…
ESTO : Son nom ?
MV : Marie-Maude, Tartine son surnom. L’autre c’est Shelum.
ESTO : Tartine, c’est quoi qu’elle fait comme activité, chanson, couture… ?
MV : On dit qu’elle est très intelligente et qu’elle aime bien l’éducation. Je croyais qu’on allait s’occuper de moi, que j’allais recevoir une greffe, on aurait pu rester ici (Québec) pour une année. J’aurais pu faire entrer ma fille dans une école renommée. Elle est très forte (dans ses cours). Elle a de grosses notes. Son bulletin est très satisfaisant.
Mon garçon a cinq et mon dernier a quatre ans.
ESTO : Shelum (Jérôme)c’est quoi son activité ?
MV : Lui il est fort mentalement. Une fois il a été frappé par un autobus. Tout le monde en était affecté par cet accident.
Quand j’étais à Uashat, on demeurait dans une maison, on n’avait pas encore notre maison à nous, Il s’est brûlé sur les ronds d’un poêle, on voyait les traces de rond sur son ventre (rire). Il n’avait pas pleuré. Un peu avant que l’école finisse, il a été frappé par un autobus. On est venu me chercher chez-nous. « Que se passe-t-il », ai-je demandé. « Ton garçon a été frappé ». Moi, je n’avais pas peur, car je pensais la fois qui s’est brûlé, il n’avait pas pleuré. On voyait la trace des ronds rouges (sur son ventre). ET qu’il soit frappé par l’autobus, je m’étais dit « pourquoi j’aurais peur ». Je n’avais pas peur du tout. Il était très drôle. Son grand-père le trouvait drôle.
Parfois il allait chez ma mère, il sautait et il devait croire qu’il sautait très haut. On lui donnait 2,00$ après avoir sauté. C’est mon père qui le lui donnait pour qu’il puisse aller s’acheter quelque chose. (rire)
ESTO : Il pensait qu’il sautait très haut ? __ Oui Et l’autre Aissimeu.
MV : Lui, c’est mon dernier. C’était mon boss. La journée que je me suis marié, il avait hâte que je sois là, Mon dernier, lui voulait manger le gâteau. « Je veux manger le gâteau », m’a-t-il dit. C’est dans la soirée qu’on aurait mangé le gâteau. Et il a réussi à me faire couper le gâteau. (rire) Et c’est seulement après qu’on s’est fait photographié. Il était mon boss.

ESTO : C’est quoi son activité ?
MV : Lui c’est de faire son bébé. Je le surprotège. On ne peut pas le disputer. Sa mère ne peut pas le punir, car je viens crier : « Ne le touchez pas ». Il fait son BB, c’est son style. On ne peut pas le toucher, car c’est le dernier de la famille.
ESTO : C’est comme ça qu’ils agissent. Toi aussi tu es le dernier de la famille, n’est-ce pas
MV : Oui moi aussi. On disait à mon épouse, c’était le jour où nous allions nous marier, mon père lui disait : « Tu nous voles notre bidou ». Mon épouse en a ri elle aussi.
ESTO : T’as d’autres enfants, n’est-ce pas ?
MV : Oui, à Mani-utenam, j’ai un autre enfant, il doit avoir douze ans. Il s’appelle Enrico. Il patine, il adore ça. Il est malcommode, il reçoit toujours des punitions. « Tu ne seras jamais capable si tu reçois toujours des punitions », lui ai-je dit. « Si tu veux être un bon joueur, il faut que tu sois sur la glace », lui-ai-je dit. « Il faut que t’arrête (à occuper) les bancs de punition », de continuer. J’étais comme ça moi aussi quand j’étais jeune, quand je jouais au hockey. Mon père m’avait toujours dit : « Arrête d’avoir toujours des punitions. Ce n’est pas ça qui va t’aider à faire des buts.
ESTO : Quel message tu livrerais pour les jeunes aujourd’hui ?
MV : Ce que je dirais aux jeunes, de ne pas avoir cette maladie que j’ai présentement. C’est vraiment difficile d’avoir cette maladie. C’est très difficile de longs séjours à l’hôpital. Car un enfant n’est pas très patient, n’est-ce pas ? Moi je pouvais y rester, un mois, deux mois à l’hôpital. Il me fallait y rester car on veut me guérir, ai-je dit à mon épouse. Ma femme elle, elle avait très hâte que je sorte de l’hôpital. Elle me disait : « Ce serait le temps que tu sortes de l’hôpital ». Elle était déjà (.).
Ce que je dirais aux jeunes, que je ne leur souhaite pas cette maladie. Une grave maladie que tu peux en mourir. C’est une grave maladie que j’ai là. Je leur souhaite une bonne santé. Une maladie très grave.
ESTO : C’est quoi qu’ils devraient faire pour être en bonne santé ?
MV : Moi, on m’avait toujours dit de manger de la nourriture de bois pour être en bonne santé. Et j’aime beaucoup cette nourriture de bois. On me donnait toujours du poisson. Il paraît qu’une femme de Fort Chimo, elle a été guérie avec des plantes innues médicinales. Elle avait exactement ce que j’avais, et elle était guérie. Je dirais aux jeunes d’accepter la volonté de Dieu. Profiter de la vie aussi. C’est ce que j’aurais à dire aux jeunes.
ESTO : Et à tes enfants ?
MV : Également à mes enfants, je leur souhaite la santé. Après le rassemblement de Ste-Anne, rendu chez-nous, je vais toujours rester avec eux. C’est mon souhait.
ESTO : Ta famille ?
MV : Pour ma famille, il faut que je les voie tous. J’ai de la parenté à Schefferville, il me faut aller les voir aussi. Également (ceux) de Uashat mak Mani-utenam.
C’est ici que nous allons terminer, n’est-ce pas ?
ESTO : Oui. As-tu d’autres choses à rajouter ?
MV : C’est ici que je termine. Je vais beaucoup prier demain, car c’est le 26 (juillet), n’est-ce pas?
ESTO : Tu as confiance (en elle) ?
MV : J’ai confiance en elle. Elle a guéri plusieurs personnes. Peut-être me donnera-t-elle que je vive un peu plus longtemps, c’est ce que je pense, quand j’irais l’implorer demain.
ESTO : Tes parents ont une grande foi, n’est-ce pas ? Ils vont beaucoup t’aider.
MV : Oui, ils prient beaucoup pour moi. Les aînés aussi, ils prient beaucoup pour moi. Quand je vois les Innus, ils me disent tout le temps, qu’ils prient très fort pour moi.
Avant que je sois malade, je faisais toujours des activités pour eux, jouer aux cartes shikaku (une sorte de jeu), la dame de pique et le 31. C’est pour ça qu’ils m’appréciaient beaucoup. Quand je les rencontre, ils me disent tout le temps : « On va prier très fort pour toi ». Depuis que je suis (sur le terrain) de Ste-Anne de Beaupré, je vais les voir et je les remercie énormément (pour leurs prières). Je bois du thé avec eux et je leur raconte des histoires.

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Citation

Vollant, Mario (interviewé), St-Onge, Evelyne (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “Vollant, Mario,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 21, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/365.

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