André, Anne-Marie

Title

André, Anne-Marie

Subject

site sacré; mushau shipit; enseignements religieux; peur; caribou; chasse; Samis; caribou élevage; chasseur / éleveur; groupe Uapushkuss; reconnaissance des sites sacrés; rêve; pensée innue

Description

Anne-Marie André donne le sens du site sacré Mushau nipi

Creator

Malenfant, Eddy (cinéaste)

Source

Production Manitu inc.

Publisher

Production Manitu inc.

Date

2015

Rights

Production Manitu inc.

Coverage

Mushau nipi

Type

récit de vie | oral history

Format

MP4, 21 min 4 s

Original Format

vidéo | video

Transcription

Entretien avec Anne-Marie André, 2017 - 1

0 :00 Ça fait 3-4 ans que je viens ici. Et je viens comme me ressourcer. Je viens pour me dire vraiment c’est vrai là les Indiens y’ont passés ici. Y’ont vécu ici les Innus. De beaucoup, de très longtemps. Parce qu’en 73 là, quand Pierre Perrault a fait le film sur le..., mushuau.. Terres sans arbres. Et puis j’étais avec mon père,

0 :40 j’étais avec mon mari, Nicolas, puis David. On était ici. Et puis eux autres je les entendais parler le soir.. parce qu’eux autres y faisaient le repérage des sites où les Innus étaient tentés.. où il y avait des cimetières.. où il y avait toujours des trous à côtés des campements pour garder… pour garder la viande.. et puis, tu sais, t’arrives tout d’un coup tu te promènes, euh, t’arrives tout d’un coup y’a un gros trou là là.. de sable ou de pierre.. et puis comme j’étais jamais allée dans le bois moi. Quand j’enseignais, les vieux me parlaient des esprits. Et puis j’avais peur de ces trous-là, je me dis des esprits vont sortir de là.

1 :40 Et puis si on trouve un cercueil, y va avoir un esprit y va sortir de là.. soit c’était, y’a aussi le squelette même de… C’est l’enseignement religieux qui m’a appris à avoir peur de ces choses-là. Maintenant aujourd’hui, je sais que je fais partie des esprits et des… parce qu’on est connecté avec eux autres. Si t’es connecté à la Terre là. C’est vraiment avec les esprits. Et puis c’est de cette manière que, que j’ai appris la première fois.. C’était par peur là.

2 :20 Et puis aujourd’hui je fais partie d’un tout. Et pour le réaliser, j’ai enseigné aux enfants, les aînés m’ont appris beaucoup de choses, beaucoup d’histoires, comment enseigner et puis finalement, je me suis posée beaucoup beaucoup de questions : comment les sens mêmes des choses qu’on ne voit pas, comment qu’on va les transmettre. Comment qu’on va le dire aux enfants. Parce que je reviens à mes peurs, que j’avais là.. eux autres aussi ont les mêmes peurs.

2 :58 Parce qu’ils me le disent, il me le disent en innu « ça existe tu les esprits.. c’est qui ces légendes, ces géants.. ». Ils se posent beaucoup beaucoup de questions parce qu’ils ont entendu très très longtemps, euh.. ils se souviennent de très loin qu’ils ont déjà entendu ces choses-là. Et puis ça fait partie pareil de leur culture, même si euuh.. ils se promènent dans les rues aujourd’hui là.. Mais puisqu’ils ont ces connexions là à quelque part dans leur vie, il faut leur donner le plein. Tsé, comment se connecter avec ces esprits là.. comment étudier la.., juste l’histoire de leur famille.. comment.

3 :53 Tsé quand on.. quand j’étais avec mon mari, on voyageait à toutes les fin de semaines. On allait dans le bois. En ski-doo, à pied, en canot. On amenait tous les enfants. Et puis on allait là pour le caribou, pour manger le caribou, pour tuer le caribou, pour chasser le caribou. Et en même temps mes enfants apprenaient.

4 :20 Et moi aussi j’apprenais parce que moi je n’ai jamais connu cette vie-là. Comme Elizabeth dit, à neuf ans, à neuf ans mon mari c’était son dernier voyage des territoires, euh, du coin de Goose Bay pour rentrer au pensionnat après. Ça a été la coupure directe eux autres aussi.

4 :45 Et puis. Mais en même temps lui y’avait ces connaissances-là pis ils nous ont transmis de cette manière. Mais en même temps aussi.. je connaissais pas le bois. En même temps aussi les curés qui m’ont qu’il y avait le diable partout là, qu’il y avait des esprits, si je faisais mal, il y aurait des esprits. J’avais peur d’aller dans le bois.

5 :09 Et puis quand je suis arrivée ici c’était.. l’immense espace là, j’avais peur de rien. Je n’avais pas de mauvais esprits quand je suis rentrée ici. Et puis aussi, c’était pour transmettre aux jeunes l’immensité de ton territoire. Quand tu t’en vas en ski-doo là, t’as un petit ski doo, élan là, pis tout est grand grand grand là.. pis tu cours après le caribou, tu chasses le caribou et puis tu dis « qu’est-ce que je fais là, qu’est-ce que je fais ici ».

5 :50 J’ai dit à un moment donné, euh, un jour je vais aller voir les Samis. Parce qu’eux autres les Samis ont le caribou aussi. Ça m’a toujours resté là. Et puis un jour j’ai dit à Evelyne « tu viens-tu avec moi, je vais aller là-bas, on va se ramasser de l’argent. On a six mois pour se ramasser de l’argent. »

6 :15 On ne savait pas comment ça coutait, on ne savait rien. On ne connaissait rien des Samis. Et. Tout ce qu’on savait, y’avait le renne eux autres pis nous autres on avait le caribou. Parce que, avec les aînés j’ai appris que, l’essence même du caribou, c’est lui qui nous transmettait le respect. C’est lui qui gérait tout par le tambour.
6 :45 Et aussi, c’est le chasseur même qui apportait le manger à la maison. Et tous ces belles choses-là que les aînés m’ont donnée, j’ai dit ça ne se peut pas c’est juste moi qui garde. Ça ne se peut pas. Tous mes élèves qui ont passé dans ma vie là, faut que je leur donne. C’est ça qu’il leur manquait, c’est ça qui nous manquait quand nous autres on enseignait à l’école.

7 :13 On avait un horaire de deux heures à l’école des Blancs. Et puis, dans les écoles provinciales et puis l’essence même qui nous manque parce qu’on n’a pas le temps de.. avec les horaires très court, on n’a pas le temps de tout enseigner. On enseigne juste l’essentiel : comment lire et comment écrire. Et puis on se dit : un jour y’apprendront s’ils voient dans les livres écrits, des histoires ou écouter des enregistrements.

7 :45 Et c’est de cette manière que je suis arrivée ici avec l’équipe.. de douze personnes, treize a? On est treize. Et puis ces gens-là là.. On est allé en Finlande. On était invité à une réunion pour aller en Finlande. Et puis on s’est dit « on va aller en Finlande ».. Et puis on choisira pas les personnes, c’est eux autres qui vont être attirés par.. euuh.. connaissant le..

8 :27 ceux qui décident, les esprits qui décident en haut.. connaissant ces esprits-là, on a dit.. On leur a demandé pareil parce que dans l’étude des sites sacrés, quand on est allé en Finlande, y’avait des choses réservées pour les chefs spirituels. Et puis, on va toujours les approcher ceux qui sont dans la communauté. On est allé les voir, y’ont dit oui.

9 :03 Et puis, au moment où ce que le monde a dit oui là, chercher les douze personnes et puis euh.. On ne voulait pas exactement douze là. On aurait pu accepter d’autre monde aussi. Mais on s’est dit, eux autres se sont approchés vers nous, les gens qui se sont approchés vers nous, c’étaient des gens qui voulaient. Et c’étaient des gens qui ont été choisis d’en haut. Et puis on va les accepter. On part avec ça.

9 :34 Et on a fait un très très beau voyage, sans… rien de malheur qui nous est arrivé.
À rien, on a eu un gros gros plaisir à s’adapter entre nous. Ça a été très facile. C’était ça notre premier hic là « Est-ce qu’on va…. On va tu plaire à eux autres? Y vas-tu nous plaire? Y vont tu nous donner la misère..? » C’est juste euh,.. mon couteau qui a été oublié dans la valise à Evelyne.

Eddy ; Mais ça s’est bien..

Anne-Marie : ah oui ça s’est très bien passé. Et puis, une fois rendu ici, on s’est dit qu’est-ce qu’on fait dans notre communauté par rapport aux objectifs des sites sacrés mondiales.

10 :25 Bon qu’est-ce qu’on a fait? On a décidé avec eux autres.. euh.. qu’on ferait la publicité, aller voir le conseil de bande, aller chercher de l’argent pour un autre voyage, chercher des partenaires qui embarqueraient avec nous. Et puis aussi il fallait que.. les chefs, des conseillers.. Un des chefs de nos communautés. Y’avait Réal Mckenzie et il y avait Mike Mckenzie.. y fallait les présenter aux chefs là.. Est-ce qu’eux autres y vont subventionner? est-ce qu’y vont vouloir à ce qu’on empiète sur leur travail? Ou sur leur façon de voir eux autres aussi.

11 :12 Et puis, on a présenté le 29 mai au sommet.. au pré-sommet le travail qu’eux autres allaient faire là.. je l’ai présenté à eux autres, j’étais accompagnée avec Jean, Réal et Tabi. Et à ce moment-là, j’ai eu assez peur là. J’ai tout dit qu’est-ce que j’avais à dire.. Qu’est-ce que.. Après ça on leur a distribué la demande, tout ce qui comprenait les sites sacrés. Y’a pas un chef qui a parlé. Là on a resté longtemps à.. y vont tu accepter? Y’acceptera pas?

12 :05 Ce n’était rien de politique là. C’était juste un travail à reconnaître les sites sacrés sur les territoires d’Innus là. C’est pour marquer, marquer. que ces places-là là, y fallait pas toucher parce que les innus ont passé là.

12 :30 Parce que c’est des Innus qui disent.. euh.. de l’ancien temps jusqu’à maintenant là, aujourd’hui. Mais personne les connaît ces sites-là. Et puis aussi que les Blancs commencent à travailler sur nos territoires là qu’aujourd’hui, les reconnaissent sans qu’on aille à discuter. Ça, ça va être.. On va faire.. euh.. On va les marquer sur le GPS et le GPS va aller mondialement à l’UNESCO.
13 :05 et à ce moment-là, ça, n’y faut pas toucher à ça. Et on a encore le temps, aujourd’hui, d’aller chercher les histoires des sites sacrés et aussi de pourquoi qu’ils sont sacrés? Et pourquoi on veut les marquer. Parce que les enfants ne connaissent pas non plus leur territoire.
13 :26 Il faut que les Innus qui ont le territoire, qui décrivent leur territoire aillent la description. Parce que ces gens-là là, ces aînés-là là, c’est eux autres qui sont nés dans le bois. Comme Elizabeth est née dans le bois. Et puis ils retournent. Y’a toujours une attirance soit mentale ou intérieure là, émotionnelle que.. il faut, quand tu touches au territoire, ça fait partie de la personne.

14 :05 Ça c’est mon chez nous. Et puis les vieux aussi c’était de cette manière. Et puis ils retournaient chez eux quand ils allaient à l’intérieur des terres. Et.. il y a des coins où ils faisaient des gestes ou ils faisaient des choses pour marquer que ce soit.. euh.. des endroits spéciaux pour considérer que c’est sacré.

14 :33 Et c’est les aînés qui vont nous le dire. Ça va être l’histoire à transmettre aux jeunes qui appartiennent au territoire. Et puis c’est ça que.. C’est cette essence-là qui manquait toujours dans l’enseignement qu’on avait dans les écoles avec l’Institut Tshakapesh.

14 :58 C’est que.. on vient.. on vient compléter l’image de l’Innu, l’histoire de l’Innu. Et en même temps aussi, il faudrait qu’ils viennent.. qu’ils viennent voir de…, parce que quand tu es sur le territoire et que tu vois toute l’occupation millénaire qui a existée ici là.. C’est vraiment autre chose.. c’est vraiment.. tu te dis « mes ancêtres ont passés ici. Ça, ce n’est pas mon territoire, mais ça m’appartient dans ma culture à moi ».

15 :38 Même hier, lors des visites qu’on a faites, ils ont trouvé une pointe de flèche. Et puis il fallait le remettre à la Terre. Ça a été trouvé là, on le remet à la Terre. Les Innus c’est comme ça. Tu ne le gardes pas comme un trophée. Ça ne te donne absolument rien de le garder comme trophée, il faut que tu le remettes à … Parce que les gens à qui tu vas le montrer, ça leur diras absolument rien. Ça appartient aux Innus, on va le donner aux Innus. C’était ça mon grand rêve..

16 :24 Eddy : - Quand tu parlais de rêves là, c’est tu Puamun ou un désir, un grand désir..
Anne-Marie : - Quel puamun?
Eddy : - T’as-tu rêvé comme..

Anne-Marie : -Oh, c’est vraiment un désir parce qu’il y a un manque dans tout l’enseignement que j’ai donné, moi, j’ai donné 29 ans d’enseignement en langue innue. Et je travaillais avec les Innus et eux autres mes fournissaient le contenu. Et puis je savais ce qu’il me manquait.

17 :00 Je donnais beaucoup de choses : d’histoires, de petites anecdotes. Il fallait pas que.. il fallait toute une école pour enseigner ces choses-là et si l’école ça serait ça où, dans l’intérieur des terres là..

Eddy : - J’aimerais ça moi que tu débouches sur ce que vous voulez faire par la suite. Une université en fait.. du savoir innu
Anne-Marie : -oui, oui. Il faut continuer à donner ces enseignements-là…la pensée innue qu’on vit. Ils ne l’ont pas les enfants aujourd’hui. Ils ne l’ont vraiment pas. Et c’est ça qu’il faut donner parce que là, ils seraient forts ces enfants-là. Et personne ne veut leur donner.
17 :56 Nous autres, moi pis Evelyne, on s’est levées pis dit « bon on va aller à cette période-là leur donner le contenu innu ». Et plus on avance, plus on sait que le manque qu’il y a à l’intérieur des personnes. Et plus on croit et on veut que les chefs veuillent avoir ça aussi : une école innue. Une école des savoirs innus.

18 :39 Parce que c’est ça, parce que tu en apprends à tous les jours, tu apprends à toutes les minutes.. à toutes les… dépendant quoi? Il faut que l’enfant voit qu’est-ce qu’on fait pour.. pour apprendre. Il faut qu’il expérimente lui aussi, regarde et apprend et fais-le. Et puis à un moment donné tu vas acquérir des compétences de la chasses, tu vas connaître les animaux, tu vas connaître comment est le territoire, le fond du territoire, de la rivière.

19 :20 Et puis, quand les Innus partaient de Moisie, les parents enseignaient pendant les occasions qu’ils avaient, il fallait qu’ils expérimentent sur le moment, de l’incident ou de ce qu’il se passait dans la journée.
Eddy : - Le comportement innu
Anne-Marie : -Eshe, le comportement innu et le savoir innu. Et aussi, comme Elizabeth disait, elle dit « quand tu vas voir les non-indiens, tu lui donnes le thé. Tu les reçois comme eux faisaient entre autres ».

20:00 Elle fait à l’autre communauté aussi. C’est de cette manière. Et puis c’est l’approche de l’autre avec respect et puis finalement, on se respecte tous. On fait partie de la même planète. Et c’est de cette manière qu’on va vivre ensemble, je crois. C’est notre désir en même temps.

20:30 Mais en même temps, il faut que les Indiens soient forts. Et puis, c’était de.. enlever les dépendances aussi là..
Eddy : -les outiller là
Anne-Marie - oui, oui. C’est tout. Mon rêve c’est ça. C’est grand, mais c’est faisable. Je l’ai fait à une personne, là, on est douze. Là, en plus il y a le shaputuan ici là à Serge.. Ça doit faire une trentaine.

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Anne-Marie André.png

Citation

Malenfant, Eddy (cinéaste), “André, Anne-Marie,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed December 22, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/242.

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