Grégoire, Alphonse (2)
Title
Grégoire, Alphonse (2)
Subject
Matimekush; réserve; Naskapis; pensionnat; lac le fer; Innus / Naskapis / gouvernement; tente à suer (matutishan); langue
Description
histoire innue; récit de vie
Creator
Grégoire, Alphonse (interviewé)
Malenfant, Eddy (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)
Source
Production Manitu inc.
Publisher
Production Manitu inc.
Date
2021
Rights
Production Manitu inc.
Relation
Language
Innu
Coverage
Entretien à Matamek
Type
récit de vie | oral history
Format
Mp4 28 min. 18 s.
Original Format
vidéo | video
Transcription
Il y avait une station où le train s’arrêtait. C’est où notre père nous attendait. Il y avait aussi un aîné qui se nommait Shushep Tsheni ainsi que sa femme. L’histoire que je vous raconte se passe à l’ancien aéroport.
En débarquant, nous avons passé la nuit à l’aéroport de la ville, de l’autre côté de l’ancien aéroport, dans une tente que mon père et Shushep Tsheniss avaient déjà monté. Lors de notre réveil le lendemain matin, nous nous sommes rendus à l’ancien aéroport. C’est l’endroit où étaient les aînés dont je vous parle. Mishta-Anikashan et Tshishenniu-Kapanien étaient là aussi.
Nous étions jeunes, c’était notre endroit pour jouer. Je jouais avec Gaston Mckenzie, Grégoire Aster le fils à Penashue et il y avait une seule fille, la fille à Mathieushiss, elle se nommait Annie Vachon. Il y avait des maisons dans le boisé, nous jouions au caribou. Nous faisions des grognements semblables au caribou. Nous courions après le joueur qui portait des panaches sur la tête afin de le tuer. C’était vraiment amusant.
2:00 L’aîné Mathiushiss, il avait plusieurs filles, Ishkuesh, Minian, Shalut, Kananin et je crois qu’il y avait le grand-frère Mathieu Vachon. Il y avait aussi Shinepesh, mais lui était gardé dans une autre famille chez Tshishenniu-Kapenien où il a été élevé.
2:38 Et lorsque nous allions à l’école, mon frère Shapatesh était le seul qui fréquentait l’école en ville. Ils allaient le chercher pour le reconduire en haut de la côte du radar où il y avait des soldats, pour ensuite le reconduire à l’école.
Au début, nous habitions dans une tente à l’ancienne réserve où la rivière coule sur le bord du chemin. Il se faisait ramasser où il y a des gros tas de sable qui servait à réparer le chemin de la ville. C’est de cet endroit qu’il partait pour aller à l’école et revenait le soir. Je ne fréquentais pas encore l’école.
Nous avons déménagé et c’est à ce moment que j’ai débuté l’école. Notre curé s’appelait Père Cyr et c’est lui qui était notre enseignant. Par la suite ils ont aménagé un bureau et une infirmerie pour soigner les gens malades. Advenant qu’une personne devait consulter le médecin, il se faisait reconduire à l’hôpital. C’était notre mode de vie lorsque nous habitions à l’ancienne réserve.
4:23 Aujourd’hui je suis content. Ce qui me surprend est le fait que ces gens puissent être propriétaire d’un aussi vaste territoire. Pourtant ils n’ont jamais été vues dans cette région. Depuis le temps que j’aborde les aînés, aucuns d’eux n’ont fait mention de ces gens. Le seul aîné, Tshishenniu-Kapenien était la seule personne ayant eu de la visite de l’aîné Nametshekapu. Il était le seul aîné ayant été vu au Champ-Dôré, et c’est le seul endroit où il avait été vu.
5:15 Jusqu’à mon âge aujourd’hui, je n’ai jamais entendu parler que ces gens avaient été vues à des places quelconques. Soit en écoutant ma famille ou les aînés parler.
J’avais l’habitude d’écouter les aînés parler et se conter des légendes et en parlant de leurs anciens modes de vie. C’est pour cette raison que je mentionne ces gens. Pour m’informer. Bien sûr que je dois m’informer, car ils vivaient dans la misère, comment pourraient-ils être propriétaire de ce territoire. Il est probable qu’ils se faisaient mentir eux aussi.
L’aîné Joe Guanish m’avait raconté que s’il avait su ce qu’ils subissaient lorsqu’il était Chef, et que si ses avocats ne lui avaient pas menti, il n’aurait jamais signé l’entente avec le Gouvernement attestant que le territoire sur le plan qui leur a été remis, leur appartenait. Il disait qu’il aurait refusé de prendre un territoire qui ne leur appartenait pas.
6:36 Je pense aujourd’hui de ce que l’aîné Noah m’avait également raconté. Du fait qu’ils avaient vécu dans la misère ayant été en manque de nourriture, et des maladies qu’ils y avaient. Les gens d’ici ainsi que les gens de Uashat sont tous entourés de partout. Nous sommes dans le centre dans tout ça.
Vous avez surement entendu l’aîné Joe Dominique parler de Schefferville, de la rivière qui coulait vers le Caniapiscau, vers Uashat et vers le Fort-George. Tout cette eau est rendu à ces endroits. Nous sommes dans le centre entouré des gens de Sheshatshiu, de Uashat, des Naskapis ainsi que des Cris. Les Cris ne sont pas les gens qui nous empêchent le plus, ce sont les Naskapi, les gens de Uashat ainsi que les gens de Sheshatshiu qui nous empiètent le plus. Les gens de Sheshatshiu ont un très grand territoire, à ce qu’ils disent.
8:12 Mon oncle Meshkushish parlait souvent d’eux. Il en savait d’avantage car sa femme était originaire de cet endroit et ses enfants habitaient là. Il disait que ces gens n’avaient pas besoin de partir très loin car ils s’étaient approprié un très grand territoire.
8:39 Il disait qu’il y avait des anglais qui chassaient à cet endroit, et ils allaient plus loin que les innus de Sheshatshiu. Aujourd’hui j’entends souvent parler ces gens, et j’entends aussi Elisabeth Penashue parler. Elisabeth Penashue fait accroire qu’elle est originaire de Sheshatshiu, mais elle est originaire de Uashat. Sa parenté est de Uashat, et nous aussi sommes parenté avec elle. Elle parle souvent de son grand territoire et cela me surprends beaucoup.
9:31 La raison pour laquelle je fais ceci présentement est pour montrer à mes petit-enfants, à mes enfants et mes arrières petits-enfants et qu’ils puissent m’écouter plus tard. Qu’ils puissent voir à quel prix je voulais protéger notre territoire.
9:57 Je vais revenir un peu dans mon histoire lorsqu’on habitait à Malioténam. Un jour mon père voulait monter dans le bois avec nous. Un employé du Gouvernement a refusé qu’ils nous amènent avec lui, lui disant que nous devions aller au Pensionnat et que nous allions y habiter. Il s’est fait dire qu’il allait partir dans les bois seul, et s’il ne se confondait pas à cette ordonnance, il n’aurait plus jamais d’aide du Gouvernement pour quoi que ce soit, et qu’ils allaient tout prendre.
10:39 L’idée que mon père et ma mère m’aient envoyé au pensionnat m’enrageait. Je ne comprenais pas le pourquoi. Toutefois, depuis que mes parents m’ont expliqué pourquoi, je comprends maintenant. Ils disent que l’employé du Gouvernement les avaient étranglés, accotés aux murs disons. Leurs disant qu’ils n’auraient rien pour leurs enfants.
11:15 Mes frères Shapatesh et Shepashtien étaient également hébergés au pensionnat. Je n’y ai pas resté longtemps, car je m’ennuyais tellement que j’ai décidé de me sauver de cet endroit. Suite à ma fuite du pensionnat, on m’a envoyé dans le bois où mes parents étaient. J’étais tellement heureux de me faire envoyer dans le bois. C’est alors qu’on m’a embarqué dans le train. À mon arrivée, ils étaient tous en train de se préparer. Mon père attendait l’arrivée du train pour se rendre au campement du Nushkuau-shakaikan (Lac le fer).
Nous sommes parti le soir avec Monsieur Paul-Émile Gauthier abord de son véhicule. Rendu sur la côte, le véhicule est resté pris dans la neige. Mon père monta un abri avec de la toile et des sapins, et il mit un poêle à bois à l’intérieur. Nous avons passé la nuit pour dormir là.
12:38 Le lendemain matin, nous sommes repartis en descendant la côte vers le Lac le Fer.
Juste avant notre arrivée à destination, on pouvait entendre le chien de mon père aboyer de notre campement plus bas. Il lui enleva la corde d’où il était attaché en disant qu’il y avait surement un porc-épic aux alentours. Peu de temps après, il arrêta d’aboyer. Le porc-épic avait effectivement été tué.
13:16 Le porc-épic que ma mère avait apprêté était mon premier repas traditionnel. Mon père avait fait un genre de tipi. Les gens appelaient ce tipi, la maison où habitait l’homme d’âge mûr. Ils réparaient souvent le tipi en rattachant ses perches. Le tipi a fini par brûler, brûlant notre campement en même temps.
13:50 Nous nous sommes encore déplacé. Presque à l’arrivée, nous rencontrons l’aîné Shushep Jean-Pierre qui sort de la forêt. Il traînait 6 caribous qu’il avait tués. Il dit à mon père ; « Je traîne de la viande que nous allons manger. Nous avons notre campement au (Ashukanit) ». Nous sommes arrivés au campement qui se nommait Ashukan ka takuak (endroit où il y avait un pont). L’aîné dit à mon père « Nous allons aller récupérer nos caribous ». Il incluais mon père dans les caribous, et pourtant c’est lui-même qui les avait chassé. Le lendemain, ils partirent chercher les caribous pour les ramener en traîneau. Nous sommes restés un bon moment à cet endroit. Ils faisaient de la viande séchée et ils tannaient la peau.
15:04 Une fois que tout ai été terminé, c’est alors que la marche vers le Lac Le Fer reprenait. Nous y avons demeuré environs 6 mois. Pour Noël, nous prenions le train du sud
et nous revenions par après.
15:30 Joseph Jean-Pierre avait fait sa maison en camp où ils habitaient . Nous habitions dans une tente. Nous partions pour Noël et revenions après. Nous mangions des bons repas. Il y avait un aîné, son nom était François Upinak, lui tuait toujours plusieurs porc-épic. Lorsqu’il revenait le soir, il en avait soit deux ou trois. Une fois, il revenait avec un seul porc-épic et il nous racontait en riant qu’il n’avait pas réussi à tuer l’autre porc-épic parce qu’il été monté sur un grand arbre. Il disait retourner le lendemain pour aller le chercher, et s’il ne descendait pas, il allait abattre l’arbre. Je ne sais pas comment ça s’est terminé, il l’a surement ramené.
16:41 Il aimait surtout se promener avec un hameçon dans les mains. Le porc-épic entre souvent dans les creux de sable. Il attachait son hameçon sur une perche et attrapait le porc-épic en l’accrochant sur l’hameçon. Il ne réussissait pas à chaque fois. Il faisait un feu et bouchait le trou pour faire de la boucane. C’est ainsi que le porc-épic sortait à cause de la fumée, c’est alors qu’il le tuait. J’aimais beaucoup être là-bas.
17:33 C’est dommage que nous sommes toujours en guerre pour les territoires. Tout le territoire de Katshikaiat (Iron arm) appartient aux Naskapis. Ils n’ont jamais mentionné le nom de l’aîné Pierre Gabriel alias Mishkutatshi, le fils à Kaiuassiut, Joseph Gabriel. Ces gens avaient tous des maisons mais n’avaient jamais inclus cet aîné, pourtant ce Monsieur avait sa maison et j’en ai la preuve. Il avait construit sa maison en bois rond ….. Elle était encore visible dernièrement, elle doit être détruite par la moisissure. Aujourd’hui tous les gens ont des maisons, ils ont le pouvoir car ils disent que ce territoire leur appartient. Je ne sais pas comment ils ont pu avoir ce territoire alors qu’ils ont seulement été vus vers Fort Mckenzie. Ils disent également qu’ils étaient à Menihek, toutefois personne ne les a jamais vu à cet endroit.
19:10 Le Gouvernement est la cause de tout cela. Il nous détruit et brise tout. Dans le passé, lorsque mes grands-pères et mes oncles parlaient du territoire, ils racontaient que l’innu pouvait aller à n’importe quel endroit sans se faire empêcher par son semblable. Il ne se faisait jamais dire que le territoire appartenait à telle personne. Il avisait qu’il partait vers un endroit, et son semblable lui donnait des consignes où trouver le castor, où trouver les animaux ou le poisson.
19:49 Dans le passé ici partout au Québec, l’Innu partageait le territoire, c’était communautaire. Aujourd’hui c’est l’argent, le Gouvernement.
Lorsqu’on parle des territoires de castor, ces endroits n’appartiennent à personne. Ils engagent un gardien pour surveiller à ce que le castor ne soit pas tué et/ou pour comptabiliser le castor. Un plan du territoire à surveiller était remis au gardien. Il finissait par se l’approprier en insinuant que ça lui appartenait. L’Innu avait été rémunéré pour occuper cet emploi.
21:02 Les terres qu’ils avaient ne leurs appartenaient plus. L’Innu s’appropriait le territoire dont il devait être le gardien. Tout comme la rivière Sheshatshiu, mon père en était le propriétaire du territoire de Kanekuanakat (Lobstick). Ce territoire qui nous appartenait est maintenant inondé, il n’y est plus. Il est rendu sous l’eau. Je pourrais seulement voir ma terre en portant une combinaison de plongée. (Rire) Le Gouvernement ne me le fournira surement pas. Il a tellement rit de nous, il nous a tous brisé. Il a détruit la religion, la vie.
21:56 Dans le passé, l’Innu se servait de ceci (sa plume d’aigle), de la tente à suer. Aujourd’hui l’Innu se sert de la tente à suer pour se soigner. Cela peut aider de différentes manières, même pour le cerveau, en priant. Nos ancêtres se servaient de la tente à suer après des portages, et pour se soigner. Ils s’en servaient pout tout. Par exemple lorsqu’une personne avait un mal de dos, il entrait dans la tente à suer et se faisait souffler sur la partie du corps où il avait mal, et il se sentait mieux.
22:38 Je crois aux pouvoirs de la tente à suer. Lorsque j’ai participé aux rencontres et les rassemblements sur le caribou, je pouvais à peine bouger car j’avais très mal au bas du dos.
Je disais à ma femme que le rassemblement allait avoir lieu à Pessamit et que j’allais y aller. J’ai réussi à embarquer dans le véhicule. Mon garçon lui se chargeait d’embarquer mes valises. Je me suis rendu à Pessamit et à mon arrivé, j’ai mentionné mon mal à Monsieur Kenikuen Canapé. Il me répondit qu’il y allait y avoir une cérémonie de la tente à suer le soir même. Je lui dis alors que j’aimerais y prendre part pour me faire souffler dessus afin de soigner mon mal, et que j’avais confiance et que je croyais à ma guérison. Il me répondit qu’il n’y avait pas de (souffleur) mais que parfois son frère le faisait pour lui. Il me dit que son frère allait le faire pour moi. Je lui ai alors offert une offrande. Du tabac, des baies et un cadeau. Il m’a répondu en me disant que je devais donner le tout à celui qui allait souffler mon mal.
24:05 Nous sommes entrés et l’homme a soufflé sur mon mal. Avant d’entrer, j’avais très mal et j’avais beaucoup de difficulté à marcher, je bouettais avec une canne.
Lorsque le rassemblement au Shaputuan a terminé, nous sommes sortis. Je me servais d’une canne pour marcher. Ma femme me suivait en arrière et des femmes allochtones me suivaient de tout près. J’essayais de les fuir pour qu’elles ne soient pas trop proche derrière moi, que je ne me suis pas rendu compte que je courais pour monter la côte. Pourtant pas longtemps avant, je ne pouvais à peine marcher. J’ai alors attendu ma femme en haut de la côte et lui demanda si elle m’avait remarqué courir en montant. Depuis ce temps je n’ai jamais eu mal.
Il m’est arrivé une fois de ne plus être capable de bouger et lever mon épaule, il me faisait très mal. On m’a soigné dans une tente à suer.
25:26 Je disais à ma femme qu’on ne se servait plus des remèdes traditionnels que nos ancêtres nous avaient légués, tels que les feuilles ou les différentes sortes d’arbres. Que maintenant nous avions d’avantage confiance aux allochtones qui nous prescrivent des pilules. Alors que lorsqu’on se soigne avec des pilules, ils ne font que cacher la douleur, et une fois qu’ils ne faisaient plus effet, le mal revenait.
25:59 C’est les bienfaits de la tente à suer. Nos grands-pères s’en servait pour se détendre lorsqu’ils étaient fatigués. Nos grands-pères étaient remarquables, à marcher, à forcer à tous les jours, subvenir aux besoins de leurs enfants, tuer des animaux tels que le caribou, l’ours. L’ours était comestible auparavant.
26:33 La chasse à l’outarde ne se faisait pas comme ils font maintenant. Je me rappelle mon oncle Shimiu. Dans le passé, ils ne tuaient qu’une seule outarde, deux s’il y avait plusieurs personnes. Deux étaient suffisant. L’Innu était heureux lorsqu’il a eu mangé un seul repas d’outarde. Voilà les choses dont je peux parler.
27:13 Nous nous battons pour nos terres et le Gouvernement nous tue en nous donnant de l’argent. Je pense également à l’Innu-aitun et l’Innu-aimun. Je raconte souvent à ma femme que la langue innue est perdue parce qu’à la maison, la femme innue parle la langue française à son enfant. L'enfant finit par s'habituer à parler le français et lorsqu’il essaye de parler l’innu il ne comprend plus rien. Tu lui parles en français, il ne comprend rien non plus. Il est pris entre deux langues. On peut dire qu’il est mêlé dans sa langue.
En débarquant, nous avons passé la nuit à l’aéroport de la ville, de l’autre côté de l’ancien aéroport, dans une tente que mon père et Shushep Tsheniss avaient déjà monté. Lors de notre réveil le lendemain matin, nous nous sommes rendus à l’ancien aéroport. C’est l’endroit où étaient les aînés dont je vous parle. Mishta-Anikashan et Tshishenniu-Kapanien étaient là aussi.
Nous étions jeunes, c’était notre endroit pour jouer. Je jouais avec Gaston Mckenzie, Grégoire Aster le fils à Penashue et il y avait une seule fille, la fille à Mathieushiss, elle se nommait Annie Vachon. Il y avait des maisons dans le boisé, nous jouions au caribou. Nous faisions des grognements semblables au caribou. Nous courions après le joueur qui portait des panaches sur la tête afin de le tuer. C’était vraiment amusant.
2:00 L’aîné Mathiushiss, il avait plusieurs filles, Ishkuesh, Minian, Shalut, Kananin et je crois qu’il y avait le grand-frère Mathieu Vachon. Il y avait aussi Shinepesh, mais lui était gardé dans une autre famille chez Tshishenniu-Kapenien où il a été élevé.
2:38 Et lorsque nous allions à l’école, mon frère Shapatesh était le seul qui fréquentait l’école en ville. Ils allaient le chercher pour le reconduire en haut de la côte du radar où il y avait des soldats, pour ensuite le reconduire à l’école.
Au début, nous habitions dans une tente à l’ancienne réserve où la rivière coule sur le bord du chemin. Il se faisait ramasser où il y a des gros tas de sable qui servait à réparer le chemin de la ville. C’est de cet endroit qu’il partait pour aller à l’école et revenait le soir. Je ne fréquentais pas encore l’école.
Nous avons déménagé et c’est à ce moment que j’ai débuté l’école. Notre curé s’appelait Père Cyr et c’est lui qui était notre enseignant. Par la suite ils ont aménagé un bureau et une infirmerie pour soigner les gens malades. Advenant qu’une personne devait consulter le médecin, il se faisait reconduire à l’hôpital. C’était notre mode de vie lorsque nous habitions à l’ancienne réserve.
4:23 Aujourd’hui je suis content. Ce qui me surprend est le fait que ces gens puissent être propriétaire d’un aussi vaste territoire. Pourtant ils n’ont jamais été vues dans cette région. Depuis le temps que j’aborde les aînés, aucuns d’eux n’ont fait mention de ces gens. Le seul aîné, Tshishenniu-Kapenien était la seule personne ayant eu de la visite de l’aîné Nametshekapu. Il était le seul aîné ayant été vu au Champ-Dôré, et c’est le seul endroit où il avait été vu.
5:15 Jusqu’à mon âge aujourd’hui, je n’ai jamais entendu parler que ces gens avaient été vues à des places quelconques. Soit en écoutant ma famille ou les aînés parler.
J’avais l’habitude d’écouter les aînés parler et se conter des légendes et en parlant de leurs anciens modes de vie. C’est pour cette raison que je mentionne ces gens. Pour m’informer. Bien sûr que je dois m’informer, car ils vivaient dans la misère, comment pourraient-ils être propriétaire de ce territoire. Il est probable qu’ils se faisaient mentir eux aussi.
L’aîné Joe Guanish m’avait raconté que s’il avait su ce qu’ils subissaient lorsqu’il était Chef, et que si ses avocats ne lui avaient pas menti, il n’aurait jamais signé l’entente avec le Gouvernement attestant que le territoire sur le plan qui leur a été remis, leur appartenait. Il disait qu’il aurait refusé de prendre un territoire qui ne leur appartenait pas.
6:36 Je pense aujourd’hui de ce que l’aîné Noah m’avait également raconté. Du fait qu’ils avaient vécu dans la misère ayant été en manque de nourriture, et des maladies qu’ils y avaient. Les gens d’ici ainsi que les gens de Uashat sont tous entourés de partout. Nous sommes dans le centre dans tout ça.
Vous avez surement entendu l’aîné Joe Dominique parler de Schefferville, de la rivière qui coulait vers le Caniapiscau, vers Uashat et vers le Fort-George. Tout cette eau est rendu à ces endroits. Nous sommes dans le centre entouré des gens de Sheshatshiu, de Uashat, des Naskapis ainsi que des Cris. Les Cris ne sont pas les gens qui nous empêchent le plus, ce sont les Naskapi, les gens de Uashat ainsi que les gens de Sheshatshiu qui nous empiètent le plus. Les gens de Sheshatshiu ont un très grand territoire, à ce qu’ils disent.
8:12 Mon oncle Meshkushish parlait souvent d’eux. Il en savait d’avantage car sa femme était originaire de cet endroit et ses enfants habitaient là. Il disait que ces gens n’avaient pas besoin de partir très loin car ils s’étaient approprié un très grand territoire.
8:39 Il disait qu’il y avait des anglais qui chassaient à cet endroit, et ils allaient plus loin que les innus de Sheshatshiu. Aujourd’hui j’entends souvent parler ces gens, et j’entends aussi Elisabeth Penashue parler. Elisabeth Penashue fait accroire qu’elle est originaire de Sheshatshiu, mais elle est originaire de Uashat. Sa parenté est de Uashat, et nous aussi sommes parenté avec elle. Elle parle souvent de son grand territoire et cela me surprends beaucoup.
9:31 La raison pour laquelle je fais ceci présentement est pour montrer à mes petit-enfants, à mes enfants et mes arrières petits-enfants et qu’ils puissent m’écouter plus tard. Qu’ils puissent voir à quel prix je voulais protéger notre territoire.
9:57 Je vais revenir un peu dans mon histoire lorsqu’on habitait à Malioténam. Un jour mon père voulait monter dans le bois avec nous. Un employé du Gouvernement a refusé qu’ils nous amènent avec lui, lui disant que nous devions aller au Pensionnat et que nous allions y habiter. Il s’est fait dire qu’il allait partir dans les bois seul, et s’il ne se confondait pas à cette ordonnance, il n’aurait plus jamais d’aide du Gouvernement pour quoi que ce soit, et qu’ils allaient tout prendre.
10:39 L’idée que mon père et ma mère m’aient envoyé au pensionnat m’enrageait. Je ne comprenais pas le pourquoi. Toutefois, depuis que mes parents m’ont expliqué pourquoi, je comprends maintenant. Ils disent que l’employé du Gouvernement les avaient étranglés, accotés aux murs disons. Leurs disant qu’ils n’auraient rien pour leurs enfants.
11:15 Mes frères Shapatesh et Shepashtien étaient également hébergés au pensionnat. Je n’y ai pas resté longtemps, car je m’ennuyais tellement que j’ai décidé de me sauver de cet endroit. Suite à ma fuite du pensionnat, on m’a envoyé dans le bois où mes parents étaient. J’étais tellement heureux de me faire envoyer dans le bois. C’est alors qu’on m’a embarqué dans le train. À mon arrivée, ils étaient tous en train de se préparer. Mon père attendait l’arrivée du train pour se rendre au campement du Nushkuau-shakaikan (Lac le fer).
Nous sommes parti le soir avec Monsieur Paul-Émile Gauthier abord de son véhicule. Rendu sur la côte, le véhicule est resté pris dans la neige. Mon père monta un abri avec de la toile et des sapins, et il mit un poêle à bois à l’intérieur. Nous avons passé la nuit pour dormir là.
12:38 Le lendemain matin, nous sommes repartis en descendant la côte vers le Lac le Fer.
Juste avant notre arrivée à destination, on pouvait entendre le chien de mon père aboyer de notre campement plus bas. Il lui enleva la corde d’où il était attaché en disant qu’il y avait surement un porc-épic aux alentours. Peu de temps après, il arrêta d’aboyer. Le porc-épic avait effectivement été tué.
13:16 Le porc-épic que ma mère avait apprêté était mon premier repas traditionnel. Mon père avait fait un genre de tipi. Les gens appelaient ce tipi, la maison où habitait l’homme d’âge mûr. Ils réparaient souvent le tipi en rattachant ses perches. Le tipi a fini par brûler, brûlant notre campement en même temps.
13:50 Nous nous sommes encore déplacé. Presque à l’arrivée, nous rencontrons l’aîné Shushep Jean-Pierre qui sort de la forêt. Il traînait 6 caribous qu’il avait tués. Il dit à mon père ; « Je traîne de la viande que nous allons manger. Nous avons notre campement au (Ashukanit) ». Nous sommes arrivés au campement qui se nommait Ashukan ka takuak (endroit où il y avait un pont). L’aîné dit à mon père « Nous allons aller récupérer nos caribous ». Il incluais mon père dans les caribous, et pourtant c’est lui-même qui les avait chassé. Le lendemain, ils partirent chercher les caribous pour les ramener en traîneau. Nous sommes restés un bon moment à cet endroit. Ils faisaient de la viande séchée et ils tannaient la peau.
15:04 Une fois que tout ai été terminé, c’est alors que la marche vers le Lac Le Fer reprenait. Nous y avons demeuré environs 6 mois. Pour Noël, nous prenions le train du sud
et nous revenions par après.
15:30 Joseph Jean-Pierre avait fait sa maison en camp où ils habitaient . Nous habitions dans une tente. Nous partions pour Noël et revenions après. Nous mangions des bons repas. Il y avait un aîné, son nom était François Upinak, lui tuait toujours plusieurs porc-épic. Lorsqu’il revenait le soir, il en avait soit deux ou trois. Une fois, il revenait avec un seul porc-épic et il nous racontait en riant qu’il n’avait pas réussi à tuer l’autre porc-épic parce qu’il été monté sur un grand arbre. Il disait retourner le lendemain pour aller le chercher, et s’il ne descendait pas, il allait abattre l’arbre. Je ne sais pas comment ça s’est terminé, il l’a surement ramené.
16:41 Il aimait surtout se promener avec un hameçon dans les mains. Le porc-épic entre souvent dans les creux de sable. Il attachait son hameçon sur une perche et attrapait le porc-épic en l’accrochant sur l’hameçon. Il ne réussissait pas à chaque fois. Il faisait un feu et bouchait le trou pour faire de la boucane. C’est ainsi que le porc-épic sortait à cause de la fumée, c’est alors qu’il le tuait. J’aimais beaucoup être là-bas.
17:33 C’est dommage que nous sommes toujours en guerre pour les territoires. Tout le territoire de Katshikaiat (Iron arm) appartient aux Naskapis. Ils n’ont jamais mentionné le nom de l’aîné Pierre Gabriel alias Mishkutatshi, le fils à Kaiuassiut, Joseph Gabriel. Ces gens avaient tous des maisons mais n’avaient jamais inclus cet aîné, pourtant ce Monsieur avait sa maison et j’en ai la preuve. Il avait construit sa maison en bois rond ….. Elle était encore visible dernièrement, elle doit être détruite par la moisissure. Aujourd’hui tous les gens ont des maisons, ils ont le pouvoir car ils disent que ce territoire leur appartient. Je ne sais pas comment ils ont pu avoir ce territoire alors qu’ils ont seulement été vus vers Fort Mckenzie. Ils disent également qu’ils étaient à Menihek, toutefois personne ne les a jamais vu à cet endroit.
19:10 Le Gouvernement est la cause de tout cela. Il nous détruit et brise tout. Dans le passé, lorsque mes grands-pères et mes oncles parlaient du territoire, ils racontaient que l’innu pouvait aller à n’importe quel endroit sans se faire empêcher par son semblable. Il ne se faisait jamais dire que le territoire appartenait à telle personne. Il avisait qu’il partait vers un endroit, et son semblable lui donnait des consignes où trouver le castor, où trouver les animaux ou le poisson.
19:49 Dans le passé ici partout au Québec, l’Innu partageait le territoire, c’était communautaire. Aujourd’hui c’est l’argent, le Gouvernement.
Lorsqu’on parle des territoires de castor, ces endroits n’appartiennent à personne. Ils engagent un gardien pour surveiller à ce que le castor ne soit pas tué et/ou pour comptabiliser le castor. Un plan du territoire à surveiller était remis au gardien. Il finissait par se l’approprier en insinuant que ça lui appartenait. L’Innu avait été rémunéré pour occuper cet emploi.
21:02 Les terres qu’ils avaient ne leurs appartenaient plus. L’Innu s’appropriait le territoire dont il devait être le gardien. Tout comme la rivière Sheshatshiu, mon père en était le propriétaire du territoire de Kanekuanakat (Lobstick). Ce territoire qui nous appartenait est maintenant inondé, il n’y est plus. Il est rendu sous l’eau. Je pourrais seulement voir ma terre en portant une combinaison de plongée. (Rire) Le Gouvernement ne me le fournira surement pas. Il a tellement rit de nous, il nous a tous brisé. Il a détruit la religion, la vie.
21:56 Dans le passé, l’Innu se servait de ceci (sa plume d’aigle), de la tente à suer. Aujourd’hui l’Innu se sert de la tente à suer pour se soigner. Cela peut aider de différentes manières, même pour le cerveau, en priant. Nos ancêtres se servaient de la tente à suer après des portages, et pour se soigner. Ils s’en servaient pout tout. Par exemple lorsqu’une personne avait un mal de dos, il entrait dans la tente à suer et se faisait souffler sur la partie du corps où il avait mal, et il se sentait mieux.
22:38 Je crois aux pouvoirs de la tente à suer. Lorsque j’ai participé aux rencontres et les rassemblements sur le caribou, je pouvais à peine bouger car j’avais très mal au bas du dos.
Je disais à ma femme que le rassemblement allait avoir lieu à Pessamit et que j’allais y aller. J’ai réussi à embarquer dans le véhicule. Mon garçon lui se chargeait d’embarquer mes valises. Je me suis rendu à Pessamit et à mon arrivé, j’ai mentionné mon mal à Monsieur Kenikuen Canapé. Il me répondit qu’il y allait y avoir une cérémonie de la tente à suer le soir même. Je lui dis alors que j’aimerais y prendre part pour me faire souffler dessus afin de soigner mon mal, et que j’avais confiance et que je croyais à ma guérison. Il me répondit qu’il n’y avait pas de (souffleur) mais que parfois son frère le faisait pour lui. Il me dit que son frère allait le faire pour moi. Je lui ai alors offert une offrande. Du tabac, des baies et un cadeau. Il m’a répondu en me disant que je devais donner le tout à celui qui allait souffler mon mal.
24:05 Nous sommes entrés et l’homme a soufflé sur mon mal. Avant d’entrer, j’avais très mal et j’avais beaucoup de difficulté à marcher, je bouettais avec une canne.
Lorsque le rassemblement au Shaputuan a terminé, nous sommes sortis. Je me servais d’une canne pour marcher. Ma femme me suivait en arrière et des femmes allochtones me suivaient de tout près. J’essayais de les fuir pour qu’elles ne soient pas trop proche derrière moi, que je ne me suis pas rendu compte que je courais pour monter la côte. Pourtant pas longtemps avant, je ne pouvais à peine marcher. J’ai alors attendu ma femme en haut de la côte et lui demanda si elle m’avait remarqué courir en montant. Depuis ce temps je n’ai jamais eu mal.
Il m’est arrivé une fois de ne plus être capable de bouger et lever mon épaule, il me faisait très mal. On m’a soigné dans une tente à suer.
25:26 Je disais à ma femme qu’on ne se servait plus des remèdes traditionnels que nos ancêtres nous avaient légués, tels que les feuilles ou les différentes sortes d’arbres. Que maintenant nous avions d’avantage confiance aux allochtones qui nous prescrivent des pilules. Alors que lorsqu’on se soigne avec des pilules, ils ne font que cacher la douleur, et une fois qu’ils ne faisaient plus effet, le mal revenait.
25:59 C’est les bienfaits de la tente à suer. Nos grands-pères s’en servait pour se détendre lorsqu’ils étaient fatigués. Nos grands-pères étaient remarquables, à marcher, à forcer à tous les jours, subvenir aux besoins de leurs enfants, tuer des animaux tels que le caribou, l’ours. L’ours était comestible auparavant.
26:33 La chasse à l’outarde ne se faisait pas comme ils font maintenant. Je me rappelle mon oncle Shimiu. Dans le passé, ils ne tuaient qu’une seule outarde, deux s’il y avait plusieurs personnes. Deux étaient suffisant. L’Innu était heureux lorsqu’il a eu mangé un seul repas d’outarde. Voilà les choses dont je peux parler.
27:13 Nous nous battons pour nos terres et le Gouvernement nous tue en nous donnant de l’argent. Je pense également à l’Innu-aitun et l’Innu-aimun. Je raconte souvent à ma femme que la langue innue est perdue parce qu’à la maison, la femme innue parle la langue française à son enfant. L'enfant finit par s'habituer à parler le français et lorsqu’il essaye de parler l’innu il ne comprend plus rien. Tu lui parles en français, il ne comprend rien non plus. Il est pris entre deux langues. On peut dire qu’il est mêlé dans sa langue.
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Grégoire, Alphonse (interviewé), Malenfant, Eddy (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “Grégoire, Alphonse (2),” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 13, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/343.
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