Mark, Charles
Title
Mark, Charles
Subject
Uanamen-shipu déménagement; Pakua shipu retour; maisons; pensionnat; Pakua-shipu construction; négociation; école; rivière; anglais; loup marin
Description
histoire de pakua-shipu
Creator
Mark, Charles (interviewé)
St-Onge, Evelyne (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)
Source
Production Manitu inc.
Publisher
Production Manitu inc.
Date
2000
Rights
Production Manitu inc.
Relation
Language
Innu
Coverage
Enretien à Pakua shipu
Type
vidéo | video
Format
Mp4 36 min. 27 s.
Original Format
vidéo | video
Transcription
Evelyne. Autrefois, tu as dit que vous habitiez de l’autre côté?
Charles Mark. Autrefois quand nous sommes arrivés avec nos bagages, moi, c’est à peine si je m’en souviens, cela doit faire une dizaine d’année en 13 ou 14.
Marcel Lalo. C’était en 1926 je crois, c’étaient les maisons des Anglais et il en avait autour des tentes seulement.
Evelyne. C’est vrai?
Marcel Lalo. Oui
Charles Mark. Exactement à l’endroit où il y a quelque chose qui est circulaire.
Evelyne. Puis le gouvernement a décidé de vous envoyer ici?
Charles Mark. Non, nous avons habité ici après notre retour, on ne pouvait pas habiter là, là de l’autre côté, les Anglais y étaient déjà en plus ils ne nous aimaient les Mishtikuashuat, nous non plus on n’aimait pas y habiter, parce que ça ne se serait pas bien passé.
(1;10 inaudible. Il parle d’un genre de vol mais le son est trop bas pour que je puisse bien entendre. Il raconte qu’on leur mentait pour dérober ce qu’ils avaient donné en échange de services mais je n’en suis pas sûre.)
Evelyne. C’est si vous payez?
Charles Mark. oui
Evelyne. Et quand vous êtes allés à La Romaine?
Charles Mark. C’est ça, c’était en 1952 que nous sommes allés là-bas, vers le large…il y en a qui étaient partis d’avance, un an auparavant.
Ils sont partis par voie d’eau, puis nous sommes partis, nous tous sommes partis un an plus tard. Alors nous avons érigé un campement là-bas. On avait un petit bateau, on l’a amené à La Romaine. Nous, on est resté pendant deux ans. Quand on était à La Romaine on a débarqué au large, on ne nous a pas débarqué près du rivage, il n’y avait pas de quai. On nous traitait presque comme des chiens quand on est parti en bateau. On nous mettait au travers des chiens. C’est comme ça que je m’en rappelle, alors on est resté.
Evelyne. Combien d’années êtes-vous restés à La Romaine?
Charles Mark. Moi, je suis resté deux ans presque et Shimun (groupe), ils sont restés un an et demi. C’est au printemps qu’ils sont revenus ici.
Evelyne. On dit d’eux qu’ils ont marché.
Charles Mark. Oui, ils ont marché, Antan et Shapatishiss et Puniss et ses enfants. Nous sommes restés une autre année quand le printemps est arrivé nous sommes partis en avion, nous sommes arrivés ici en mars, mon père, Antan, et Mishen qui était marié, il y avait San Lalo, il y avait aussi Uniam Lalo le père de Shushep. C’était ces aînés qu’il y avait dans ce temps-là. Puis nous sommes arrivés, moi je suis arrivé en bateau, on était deux avec Shinapesht mon beau-frère, il était marié déjà depuis deux ans je pense, sa femme s’appelait Pinamen. Quand nous sommes arrivés ici on a dû rester trois ans, on a dû rester cinq ans puis on nous a donné des maisons.
Evelyne. Est-ce qu’on vous a bien installé avec les Innus de Uanaman-shipu?
Charles Mark. Oui, c’est nous qui n’avons pas aimé être là, ce sont les aînés qui n’aimaient pas être là parce qu’on nous avait menti. Quand on est parti d’ici on nous avait dit que les maisons étaient prêtes là-bas. Puis quand l’automne est arrivé au mois de décembre, elles seront terminées nous a-t-on dit. On est resté un an là-bas à La Romaine parce qu’on nous avait dit aussi qu’on nous amènerait sur nos terres de chasse, mais nos pièges sont là-bas. Ce n’est pas ce qui s’est passé en plus on a dit « on vous donnera du bois de chauffage », celui qu’on amène par traîneau ou motorisé. C’est ainsi que ça s’est passé. C’est pour ça qu’on est revenu ici. On nous a retenu, les agents du gouvernement nous ont retenu et le Père Joveneau aussi.
On nous a retenu à rester mais les aînés ne voulaient pas, ils étaient déjà partis depuis trois semaines. Mon grand-père m’a fait venir Uniam Pukue, il était là et mon père aussi, San Lalo et (?). Ils sont arrivés ici en automne. Puis nous aussi on est parti et on est resté là. L’agent du gouvernement est venu nous rejoindre, il nous a dit ; on va vous donner des maisons, on lui a dit; ça ne fait rien si on ne donne pas de maisons. On est resté ici peut-être pendant 5 ans. Tanien Vachon est venu nous rejoindre il était chef, il est venu ici et Max Gros-Louis aussi.
On parle de maison puis il a dit; est-ce que vous seriez contents d’avoir des maisons.Oui, on serait content qu’on nous donne des maisons, ont-ils dit, si on nous donne des maisons on ne retournera pas là-bas, on ne retournera pas à nouveau là-bas, lui a-t-on dit, ça suffit les mensonges, ce n’est pas le Gouvernement… (5 :44 inaudible) Nous aurions gaspillé pour toujours si on avait quitté notre terre. Puis nous sommes revenus ici avec ceux qui étaient forts, les aînés c’est eux qui étaient forts. Ils ont réussi à revenir ici
Pour y rester. De plus on ne nous donnait pas de nourriture, du bien-être au moins pendant 3 ans. On faisait une route pour des véhicules, pour faire passer (?) pendant 3 ans de temps, il y en avait déjà un que c’était fait, ça a continué un autre quatre ans, alors les Innus ont pu travailler et ont pu survivre et aussi grâce à la chasse aux castors. Mais ils continuaient à monter dans le bois quand même. L’hiver suivant après 5 années c’est alors qu’on a construit les maisons Quand Tanien est venu…c’est moi qui aurais dû partir alors c’est Pien Tenakan qui est parti là-bas où on discutait les maisons, on le considérait comme un chef de bande Pien Tenakan
C’est moi qu’on aurait élu, j’aurai été le premier mais moi, je suis monté dans le bois tandis que Pien Tenakan lui, est resté ici. Quand je suis revenu du bois c’est alors que j’ai entendu dire que les maisons seraient construites cette année-là ou encore l’été suivant. On s’est mis ensemble pour les maisons (7;09 inaudible à cause d’une pelle mécanique qui enterre la voix de Charles 7;36)
Evelyne. Vous deviez être contents de revenir?
Charles Mark. Oui, nous étions contents de rester à nouveau n’est-ce pas. Là-bas on pensait naturellement…On tentait de trop en faire pour s’installer, nous n’étions pas confortables de monter dans le bois là-bas parce qu’on était trop nombreux et le gouvernement nous mentait concernant l’aide pour monter dans le bois.
Evelyne. Vos enfants n’ont-ils pas….
Charles Mark. On voulait construire les maisons de l’autre côté mais on n’a pas accepté, on a dit qu’on voulait être de ce côté-ci
Evelyne. Au pensionnat, Il n’y avait pas de vos enfants qui sont allés étudier au Pensionnat n’est-ce pas?
Charles Mark. Non.
Marcel Lalo. On n’a pas envoyé d’enfants là-bas à Uashat.
Charles Mark. Il n’y a que deux qu’on a envoyé après…
Evelyne. Ils ne parlaient que l’anglais, vous-autres…n’est-ce pas?
Charles Mark. Oui, les jeunes parlaient beaucoup anglais. Nous, on parle anglais et les enfants aussi parlent anglais. Puis ça s’est brisé après deux ans, il a fallu qu’ils parlent français, on ne savait pas quoi faire. Naturellement nous avons été embêtés quand les agents du gouvernement sont venus, ils parlaient français, on ne savait pas quoi faire. Il y en avait qui parlaient anglais mais ils ne pouvaient pas venir. Avant les maisons étaient situées seulement du côté de la rivière, il n’y en avait que là. De plus on avait beaucoup de misère pour…(9;23 inaudible, il parle des maisons, des premiers maison 9;27)
09 :30 Evelyne., Bonjour, je suis heureuse de te rencontrer, j’aimerais que tu me racontes, est-ce ici que les Innus de Pakua-shipu restaient, où devaient être situés les tentes?
Charles Mark. Pour commencer moi aussi je te salue, je me sens prêt à raconter le passé. On pourrait dire qu’on était heureux quand il y avait encore des aînés, ceux qui ont vu, ont vécu ça comme mon père et Uiniam Pukue et Matshiu Pitin et Matshiu Lalo et Mishtanapeu. Ils étaient nombreux, ils devaient être cinq et les enfants vivaient ensemble, Autrefois on habitait là-bas tout droit là où il y a la pointe.
Là où il y a une île par ici, là où les traîneaux peuvent passés, là où je t’ai pointé c’est là que restaient les Innus. Il n’y avait pas encore de Mishtikushus, il n’y avait pas beaucoup…. Il devait y en avoir que quatre s’il n’y en avait 7, là il devait y en avoir quatre et là cinq, il devait y en avoir cinq ou sept, s’il n’y en avait pas neuf en tout. C’étaient les maisons des Mishtikushus. Je me souviens du temps qu’on restait là, il y avait un marchand qu’on appelait Mr. Green(?), il était comme un agent du gouvernement, peut-être que vous l’avez vu quand il allait à Uashat. C’est lui qui nous avait envoyé de l’autre côté pour qu’on y habite. Donc comme on ne nous aimait pas alors on est allé rester là-bas, c’était comme si on nous déplaçait, sinon c’est nous qui aurions été maître ici, c’aurait été une terre innue quand je me rappelle du passé, il y a longtemps c’était 1970 qu’on nous racontait ça. En premier on est resté là-bas, on habitait de l’autre côté, il devait y avoir une dizaine de tentes et d’autres restait en face, il devait y avoir quatre tentes et là-bas peut-être cinq.
Evelyne. Là de l’autre côté?
Charles Mark. On devait être au nombre de cent deux, je parle des Innus. Puis les agents du gouvernement sont venus nous rejoindre et il y avait un Mr. Letouneau(?), il est venu ici puis on en a déplacer quelque uns en premier.
Ils sont partis l’année d’après, c’est donc l’été suivant qui sont venus… c’est 1961 quand ils sont venus, Puis nous sommes restés à Uanaman-shipu, moi je suis resté deux ans là-bas, presque trois ans, puis nous sommes revenus là-bas de l’autre côté (nom de lieu?), c’est là que nous sommes restés.
Evelyne. Pourquoi vous a-t-on déplacé?
Charles Mark. C’est parce que les femmes (tshitassuatupant(?) avec les femmes mishtikushus, volaient des choses parfois quand les Innus leur demandaient de faire des commissions on pourrait dire ça comme ça et quand les innus leur demandaient de les monter dans le bois (entrée de la forêt) en chaloupe. Quand les Blancs revenaient après avoir conduit les Innus, tout ce que les Innus laissaient derrière eux, ils le prenaient, comme les machines à coudre et même le bois utile qu’ils laissaient pour fabriquer leur canot etc.) C’était ainsi et de plus on a voulu nous déplacer parce que les Mishtikuashus ne nous aimaient pas.
Evelyne. Donc tu es resté là pendant une année, est-ce qu’il y avait des Innus à La Romaines ?
Charles Mark. Il y avait déjà des Innus, ceux qui étaient déjà là depuis trois semaines (?), Ceux-ci devaient déjà être partis, Penua Ashini était parti et Matshiu Pitin et Matshiu Mishtanapeu, étaient déjà partis. Puis après ça été notre tour après un an, c’était au mois d’août le premier, c’est alors que nous avons dû partir, c’est de l’autre côté qu’on s’est rassemblé, il y avait un quai, c’est là qu’on nous a amené, là où il y a une bute. On avait amené un petit bateau au large. Après qu’il y a eu une rencontre alors les agents du gouvernement nous on dit que si on voulait monter dans le bois ça ne serait pas difficile et que le Gouvernement allait payer l’avion et qu’on ne paierait pas, nous ont-ils dit. Mais ils nous ont menti, on ne nous a même pas traité tel quel et même les maisons qu’on nous donnerait là-bas, qu’elles étaient déjà prêtes nous avait-on dit, vous n’aurez qu’à y entrer nous avait-on dit et on vous donnera aussi du bois de chauffage, on allait en donner aux aînés, aux plus vieux, on va les transporter, le bois de chauffage nous avait-on dit. Quand on est arrivé là-bas on est resté, il n’y avait rien, on ne pouvait entrer dans les maisons, peut-être en décembre ou au mois de novembre qu’on a pu y entrer, c’était en date du quinze, il faisait déjà froid, puis les aînés ont parlé de revenir ici. Il y a un Innu qui avait été arrêté. C’est Etien qui avait été arrêté à Uanaman-shipu, c’est pour ça qu’on a essayé de revenir ici, on pourrait dire que ça n’allait pas bien, eux ils n’aimaient pas ça, ils ont marché pour revenir ici. Il y avait Antan et Shapatishiss et Puniss, ils étaient un groupe de quatre qui revenaient ici. Ça a dû leur prendre quatre mois, ils sont restés là-bas un peu plus d’un an, c’est au printemps qu’ils sont partis pour revenir ici, ils sont arrivés ici les rivières s’étaient déjà libérées de leurs glaces. Ils savaient comment ils étaient traités, qu’ils ne seraient pas aidés donc…ils regrettaient leur terre et leurs pièges, les aînés voulaient vraiment revenir à Pakut-shipu pour rester et ce sont eux qui étaient les premiers, qui connaissaient bien (le chemin) et ils savaient comment faire. Là-bas quand j’y pense naturellement c’était comme si on nous enfermait, on ne pouvait rien faire parce qu’on nous défendait tout, il n’y avait rien pour nous qu’on pourrait dire, il n’y avait rien, on avait construit des maisons mais il n’y en avait pas beaucoup. Les Innus ne donnaient aucune importance à ces maisons, ils donnaient plus d’importance à leur terre, c’est là qu’ils voulaient rester. Après le départ du groupe à Shimun, leur marchand les a aidés à monter dans le bois, le Gouvernement leur donnait de la nourriture (aide sociale), ils commençaient à avoir faim dit-on, Antan a voulu les suivre. Il a nommé son père. Ils ont payé l’avion pour revenir ici, ils ont utilisé leur pension de vieillesse pour payer. On ne leur a pas donné d’aide social ici, ils sont quand même restés. Puis ils sont finalement tous revenus, Pien Pitin est revenu et tout le groupe de Matshiu Lalo et San Lalo et Uniam Lalo, ils sont tous revenus ici. Puis nous sommes restés encore un autre quatre ans ou cinq ans à peu près nous y sommes restés, deux, un groupe sont revenus ici, Matshiu Pitin est revenu, il regrettait sa maison, (?) « je reviendrai » dit-il.
Evelyne. Était-il vieux?
Charles Mark. Non, il n’était pas vieux mais il n’aimait pas là-bas, on pourrait dire qu’il était déjà vieux. Il est revenu ici peut-être cinq ou six ans après nous.
À nouveau nous sommes restés ici de l’autre côté, quand nous sommes revenues, c’était en bateau, on nous a installé dans une cale comme si on était des chiens naturellement, on nous traitait ainsi et il y avait les canots et nos bagages, on était là avec tout ça. Puis nous sommes arrivés à Uananman-shipu au large c’est là qu’on nous a débarqué. Ce sont de petits bateaux qui venaient nous chercher c’est là que nous avons débarqué, il commençait à faire froid, puis nous sommes arrivés au rivage de Uanaman-shipu. Je me suis trompé un peu. Le temps que nous ayons été là, ça n’allait pas bien, on ne nous donnait pas d’aide social, on ne donnait pas à manger, on voulait qu’on revienne ici.
Evelyne. Combien de temps ne vous a-t-on pas donné d’aide social?
Charles Mark. À peu près pendant trois années on ne nous a pas donné d’aide social, ça a dû faire trois ans qu’on ne nous a pas donné d’aide social durant qu’on était là, il y avait une route qui était construite, une route d’hiver, un travail d’hiver c’est ainsi que les Innus ont réussi à s’en sortir, qu’ils ont pu subvenir à leurs besoins. Ça s’est arrêté après trois ans puis il y a eu les maisons en 1972, c’est alors qu’on a pu y entrer et rester là. Après qu’on eut été invité on nous avait oublié; ça n’allait pas bien pour nous, On nous les a redonnés, les maisons, ils ont été fini d’être construites. Nous étions contents d’avoir les maisons.
Evelyne. Tu me dis pendant trois ans vous n’avez pas…
Charles Mark. Oui, pendant trois ans à peu près nous n’avons pas reçu d’aide social, on ne nous a rien donné alors nous avons travaillé à des emplois d’hiver, ça a duré trois ans puis nous avons arrêté et c’est alors que nous avons eu le chômage, puis après nous avons eu les maisons. Alors les agents du gouvernement sont venus pour nous annoncer que des maisons seraient construites, c’est Tanien Vachon qui est venu de Uashat, il est arrivé en disant, seriez-vous contents d’avoir des maisons, il y a Max Kuniu qui était là,----Oui, dirent-ils , nous serions contents si le Gouvernement nous en donnait, mais pas ailleurs, oui nous serions content, c’est ici que nous aimerions qu’on donne les maisons, dirent-ils. --- D’accord on va essayer dit Tanien, on va parler politique et toi, tu devras partir, me dit-il, c’est toi qui seras chef, me dit-il. Je ne pouvais pas partir négocier car je montais dans le bois cet automne-là, alors Pien Tenekan est devenu chef, il a pris ma place. Après un an qu’on eut eu un chef c’est en automne qu’on a parlé des maisons qu’on allait nous donner, l’été a suivi. Alors elles ont été construites.
Evelyne. Alors les enfants donc… est-ce qu’on a construit une école?
Charles Mark. Non, il n’y avait pas d’école ici, on les traversait de l’autre côté pour l’école. Il y avait une vieille école, on l’avait déplacé, quelques temps après notre arrivée ici, ça ne fait pas longtemps, c’est là qu’on avait inscrit les enfants, ils parlaient anglais ceux qui y allaient et en plus c’était très difficile pour eux…
Evelyne. Est-ce qu’ils marchaient en hiver?
Charles Mark. Non, on nous avait donné un petit véhicule après que les enfants eurent commencé l’école, c’est avec ce petit véhicule qu’ils étaient amenés en été après la fonte des glaces. Au mois de juin, ils y allaient en canot et quand ils commençaient en juin ils prenaient le canot. Les enfants avaient de la misère avec l’école, on en a discuté pour qu’on nous en donne une, ça a fini par aboutir à force d’en parler. Alors l’agent du gouvernement m’a dit; Il faudra que vous soyez très loin, pour avoir droit à une école, nous a-t-il dit. Alors je lui ai dit, je te remercie pour ce que tu me dis, mais j’ai le temps de mourir, avant que tu nous donnes une école, lui dis-je, ça veut dire la même chose, c’est tellement difficile pour les enfants quand c’est le printemps. Il faut qu’ils traversent, ils sont tout mouillé, puis il y a le vent, et quand il fait froid, lui dis-je, c’est très dangereux qu’ils tombent à l’eau quand ils traversent avec le petit véhicule. Il y a des trous d’eau quand on les y amène avec le véhicule.
Evelyne. Ça fait combien de temps que les enfants ne traversent plus?
Charles Mark. Ça fait peut-être dix-neuf ans qu’ils ne traversent plus.
Evelyne. Il y a une école maintenant n’est-ce pas?
Charles Mark. Oui, quand on a construit la première école à l’ouest de la réserve celle qui se trouve de l’autre côté, celle qui est au milieu c’était notre école, au début elle n’était pas grande, trois ans plus tard puis cinq ans et après sept ans, on en a discuté encore…il y avait suffisamment d’enfants, nous a-t-on dit. Maintenant les enfants, il y en a plein. Notre population augmente très vite, donc les enfants sont devenus nombreux.
Evelyne. D’où viennent ces Anglais?
Charles Mark. Naturellement il devait y avoir des Anglais autrefois, quelques-uns d’entre eux viennent de l’est et ils sont venus à Pakut-shipu, il y en a qui viennent de la grande île, les Mishtikushus, c’est eux qui ont construit leurs maisons.
Evelyne. Est-ce que ce sont tous des Anglais?
Charles Mark. Il devait y avoir d’autres Anglais, ils se seraient sauvés, ils se seraient échappés.
Evelyne. J’ai entendu parler aussi des Aissimeus, il y aurait eu une bataille ici une fois?
Charles Mark. Non, c’est du côté de l’est, les Innus auraient descendus la rivière pour se rendre à l’ouest pour aller chasser le castor naturellement, il n’y en avait pas tellement dans l’intérieur des terres, ils sont allés à l’est pour en chercher, c’est là que ça s’appelle Aissimeu-shipu c’est là qu’il y avait des Aissimeus, c’est là qu’ils les ont bloqués, qu’ils les attendaient sur une hauteur quand ceux-là sont passés en canot pour les tirer avec leurs flèches. Les Innus connaissaient les lieux, alors ils sont passés en canot de l’autre côté, il y avait là-bas une baie. C’est là qu’ils avaient dû débarquer, à la pointe et c’est de là qu’ils ont tiré avec leurs fusils sur les Aissimeus. C’est comme s’ils se faisaient la guerre alors ils ont été décimés, les Innus les ont décimés, un des Aissimeu partout sur lui ici (geste) s’était fait une armure en hache sur lui, on dit que le fusil ne le blessait pas, alors il a dit en chantant; je ne sais pas ce qu'il devait chanter ---si nous avions eu les mêmes armes, chantait-il ainsi, vous n’auriez pas pu nous faire avoir si facilement, dit-on de Aissimeu. Après qu’on eut tué les Aissimeus, les Innus sont montés dans le bois aussitôt, les Innus sont allés plus loin dans l’intérieur des terres.
Evelyne. Pour quelle raison se sont-ils battus?
Charles Mark. À cause du loup marin, ils avaient peur que les Innus chassent le loup marin, ils devaient penser que les Innus tueraient le loup marin.
Evelyne. Aujourd’hui est-ce qu’il y a des changements dans le mode de vie?
Charles Mark. Oui, ça a beaucoup changé dirait-on, il y a quelque chose qui a été perdue pour nous, comme à l’école, il manque l’enseignement de l’innu-aimun pour les enfants, on leur enseigne seulement un peu la langue innue du moins ce dont je suis témoin et de plus il y a la drogue, s’il n’y avait pas eu la drogue peut-être que c’aurait été moins pire et de plus on ne les amène pas dans le bois. Aujourd’hui on ne montre pas ça aux enfants du moins pas suffisamment… quand tout a commencé dans le passé, ils allaient bien, on montait dans le bois et tous les enfants, même les tous petits, on montait tous dans le bois alors que maintenant… c’est un peu différent les Innus ne peuvent pas monter dans le bois autant, il y a ceux qui montent dans le bois pour peu de temps comme deux semaines, ça c’est toujours là, ils ne vont pas loin, ils y vont en avion et ils amènent tous les enfants aussi qui vont à l’école et parfois au printemps c’est au large pas loin…
Evelyne. Ici, vous autres?
Charles Mark. Ils ne peuvent pas rester longtemps et il y a cette chose qui leur fait de la misère, ils ont de la misère…comme la bière et la drogue parce que les Kakusseshiht en vendent les Mishtikushus et même des jeunes. Aujourd’hui ça fait quatre ans qu’ils en prennent.
Evelyne. Est-ce que ça va s’améliorer ?
Charles Mark. Je pense que tout ira bien dans un an si on leur donne le temps…c’est possible peut-être s’ils vont chercher de l’aide et s’ils ne prennent pas beaucoup de drogue. Si les Innus s’aident, s’ils ont envie de se rapprocher des ainés, peut-être qu’ils ne seront pas assez forts pour s’en sortir. Il se peut qu’ils ne soient pas assez forts pour s’en sortir du moins pour quelques-uns parce qu’il faut croire en soi…parfois… « c’est notre vie à nous » disent parfois ceux qui boivent, comme les femmes de Pakut-shipu et les jeunes ne…quand on les empêche de continuer, ils ne vont pas là où se trouve l’aide, ils ne sont pas nombreux à chercher de l’aide. Moi, j’aimerais qu’il y en ait plus qui veulent s’aider et c’est comme ça peut-être que tout pourrait arriver pour s’entraider, peut-être que ça prendra du temps, un six ans ou un sept ans, ça pourrait peut-être être possible.
Evelyne. Comment vois-tu le futur?
Charles Mark. Moi la façon que je vois le futur, il me semble que je serais heureux si on amenait les enfants dans le bois et qu’on les aide. Qu’on puisse aider ceux qui rencontrent des problèmes et qu’ils ne se découragement pas de monter dans le bois pour le moment, essayer de croire qu’on peut s’en sortir et qu’ils ne pensent pas que c’est impossible, qu’ils aiment être dans le bois et que les jeunes aiment plus être dans l’intérieur des terres., du moins ceux qui ont dix-huit ans et ceux qui ont vingt ans aussi, qu’il ait du travail, qu’il y ait de plus en plus de gens qui travaillent, là-bas il manque des travailleurs peut-être qu’il en manque six pour ceux qui n’ont rien à faire et si on continue toujours de monter dans le bois.
Peut-être que ça pourrait arriver plus souvent qu’on puisse voir (nutshimit) et j’y crois moi, on n’y va pas assez souvent, les jeunes ne peuvent pas rester assez longtemps. Ce n’est pas suffisant d’être là deux semaines, peut-être il faudrait y être au moins un mois ou deux mois, ce serait bien, les jeunes apprendraient plus.
Evelyne. Quel message donnerais-tu aux jeunes?
Charles Mark. Moi je pourrais dire que ça irait mieux, peut-être que vous iriez mieux si vous ne preniez pas trop de drogue. Moi par exemple ça fait peut-être six ans que je n’ai pas touché à la bière, c’était vraiment ça que je consommais. Il arrivait parfois que j’en consomme jusqu’au lendemain, ou pendant une semaine, quatre jours en ligne que je devais boire.
J’ai su d’où j’arrivais dans mon passé, quand j’y pense que ça me causait des problèmes. Je croyais que ça ne me causait pas de problème dans le temps que je buvais je ne…pour ma femme et mes enfants. Les jeunes me disent --- tu faisais ça toi aussi quand tu buvais, me disent-ils. Oui, c’est vrai ce qu’ils disent, c’est la même chose quand une femme parle de son mari, je ne lui dis rien, je l’écoute car je sais ce qu’elle me raconte est vrai donc je lui dit ---c’est vrai ce que tu me racontes, moi aussi je ne savais pas quoi faire quand je buvais encore mais je vais essayer de plus boire et j’irai visiter les aînés, je me décourage parfois d’essayer de ne pas boire, de résister à la boisson, j’ai pitié de moi-même, ça fait deux ans que je n’ai rien pris et je voulais aller voir le prêtre pour une rencontre. Après avoir réussi un an, deux ans de sobriété j’étais complètement différent. Ça va faire quatre ans cet automne au mois de décembre le 6 décembre que je ne bois plus, je me sens mieux il me semble et je réussis mieux ce que je fais comme m’adresser aux Innus, je ne suis plus gêné.
Evelyne. Est-ce que les jeunes pourraient faire la même chose?
Charles Mark. Si on leur montrait lentement, qu’on ne leur disait pas « Arrêtez de boire », il ne faudrait pas leur dire comme ça.
Evelyne. Maintenant il y a beaucoup de ressources pour aider les jeunes, n’est-ce pas?
Charles Mark. Oui, il en aurait beaucoup, si on les amenait dans l’intérieur des terres c’est ce qu’ils les aideraient beaucoup. Par exemple quand on amène les jeunes dans le bois…il faudrait aussi que les adultes y aillent, s’ils restaient là deux mois c’est alors que ça irait mieux pour eux, ils aimeraient l’intérieur des terres. Alors qu’ici il n’y rien, ils ne font que se promener, ils ne font rien et ils ne dorment pas la nuit. C’est évident que ceux qui sont petits aillent des problèmes eux aussi comme pour les petits bateaux, ils se rendent là aussi, les jeunes de Sheshatshit viennent les rejoindre, certains sont originaires de là, ce sont des jeunes de Sheshatshit, même ceux qui restent en concubinage ils viennent ici et y restent. Il doit y en avoir aussi qui venaient de La Romaine, quelques-uns d’entre eux qui viennent ici. Moi je pense que tout a commencé chez les Mishtikushus, Moi je pense que c’est les Mishtikushus qui ont vraiment tout commencé (drogue).
Evelyne. Y a-t-il autre chose que tu aimerais dire?
Charles Mark. Oui, là-bas de l’autre côté (rivière) nous, on le nomme innuassi, nous y croyons qu’il soit appelé de cette façon même avec les agents du gouvernement. Comme si on nous l’avait emprunté dans le passé. Une fois on avait essayé de nous déloger, il y a neuf ans, on voulait nous déménager, on voulait nous construire des maisons, je me demande où est-ce qu’on voulait nous installer, peut-être là-bas ou plus à l’ouest c’est là qu’on voulait nous construire des maisons on a refusé---ça fait déjà trois fois, leur ai-je dit, ça suffit, c’est la dernière fois que vous nous faites ça, ai-je dit aux agents du gouvernement. On a écrit une lettre, Antane Mak m’a aidé. On est allé à Ekuanitshit puis on n’en a plus jamais entendu parler (déménager).
Evelyne. Donc aujourd’hui c’est une vraie innuassi?
Charles Mark. Oui, maintenant c’est une vraie innuassi pour nous, c’est ainsi qu’on l’appelle. Si le Gouvernement ne la nomme pas ainsi pour nous c’est ainsi qu’on la nomme. On à l’école, tout va bien maintenant, ça n’allait pas bien parce qu’on n’avait pas bien inspecté, peut-on dire et elle avait été mal construite, on nous a donné une école qui n’était pas adéquate.
C’est ce qu’on nous avait donné, on l’avait d’abord réparé, on l’a rapiécée pour qu’elle ait l’air belle, le patron avait dû travailler un mois ou deux dans le temps. Elle semblait terminée, on avait emmené par voie d’eau tout ce dont on avait de besoin. On avait dû lui donner du temps (innus) pour travailler… si vous embouchez un Mishtikuashu on va donner du travail à beaucoup d’Innus avaient-ils dit. Alors on leur a donné des heures aux Innus, on leur a donné six milles heures.
Charles Mark. Autrefois quand nous sommes arrivés avec nos bagages, moi, c’est à peine si je m’en souviens, cela doit faire une dizaine d’année en 13 ou 14.
Marcel Lalo. C’était en 1926 je crois, c’étaient les maisons des Anglais et il en avait autour des tentes seulement.
Evelyne. C’est vrai?
Marcel Lalo. Oui
Charles Mark. Exactement à l’endroit où il y a quelque chose qui est circulaire.
Evelyne. Puis le gouvernement a décidé de vous envoyer ici?
Charles Mark. Non, nous avons habité ici après notre retour, on ne pouvait pas habiter là, là de l’autre côté, les Anglais y étaient déjà en plus ils ne nous aimaient les Mishtikuashuat, nous non plus on n’aimait pas y habiter, parce que ça ne se serait pas bien passé.
(1;10 inaudible. Il parle d’un genre de vol mais le son est trop bas pour que je puisse bien entendre. Il raconte qu’on leur mentait pour dérober ce qu’ils avaient donné en échange de services mais je n’en suis pas sûre.)
Evelyne. C’est si vous payez?
Charles Mark. oui
Evelyne. Et quand vous êtes allés à La Romaine?
Charles Mark. C’est ça, c’était en 1952 que nous sommes allés là-bas, vers le large…il y en a qui étaient partis d’avance, un an auparavant.
Ils sont partis par voie d’eau, puis nous sommes partis, nous tous sommes partis un an plus tard. Alors nous avons érigé un campement là-bas. On avait un petit bateau, on l’a amené à La Romaine. Nous, on est resté pendant deux ans. Quand on était à La Romaine on a débarqué au large, on ne nous a pas débarqué près du rivage, il n’y avait pas de quai. On nous traitait presque comme des chiens quand on est parti en bateau. On nous mettait au travers des chiens. C’est comme ça que je m’en rappelle, alors on est resté.
Evelyne. Combien d’années êtes-vous restés à La Romaine?
Charles Mark. Moi, je suis resté deux ans presque et Shimun (groupe), ils sont restés un an et demi. C’est au printemps qu’ils sont revenus ici.
Evelyne. On dit d’eux qu’ils ont marché.
Charles Mark. Oui, ils ont marché, Antan et Shapatishiss et Puniss et ses enfants. Nous sommes restés une autre année quand le printemps est arrivé nous sommes partis en avion, nous sommes arrivés ici en mars, mon père, Antan, et Mishen qui était marié, il y avait San Lalo, il y avait aussi Uniam Lalo le père de Shushep. C’était ces aînés qu’il y avait dans ce temps-là. Puis nous sommes arrivés, moi je suis arrivé en bateau, on était deux avec Shinapesht mon beau-frère, il était marié déjà depuis deux ans je pense, sa femme s’appelait Pinamen. Quand nous sommes arrivés ici on a dû rester trois ans, on a dû rester cinq ans puis on nous a donné des maisons.
Evelyne. Est-ce qu’on vous a bien installé avec les Innus de Uanaman-shipu?
Charles Mark. Oui, c’est nous qui n’avons pas aimé être là, ce sont les aînés qui n’aimaient pas être là parce qu’on nous avait menti. Quand on est parti d’ici on nous avait dit que les maisons étaient prêtes là-bas. Puis quand l’automne est arrivé au mois de décembre, elles seront terminées nous a-t-on dit. On est resté un an là-bas à La Romaine parce qu’on nous avait dit aussi qu’on nous amènerait sur nos terres de chasse, mais nos pièges sont là-bas. Ce n’est pas ce qui s’est passé en plus on a dit « on vous donnera du bois de chauffage », celui qu’on amène par traîneau ou motorisé. C’est ainsi que ça s’est passé. C’est pour ça qu’on est revenu ici. On nous a retenu, les agents du gouvernement nous ont retenu et le Père Joveneau aussi.
On nous a retenu à rester mais les aînés ne voulaient pas, ils étaient déjà partis depuis trois semaines. Mon grand-père m’a fait venir Uniam Pukue, il était là et mon père aussi, San Lalo et (?). Ils sont arrivés ici en automne. Puis nous aussi on est parti et on est resté là. L’agent du gouvernement est venu nous rejoindre, il nous a dit ; on va vous donner des maisons, on lui a dit; ça ne fait rien si on ne donne pas de maisons. On est resté ici peut-être pendant 5 ans. Tanien Vachon est venu nous rejoindre il était chef, il est venu ici et Max Gros-Louis aussi.
On parle de maison puis il a dit; est-ce que vous seriez contents d’avoir des maisons.Oui, on serait content qu’on nous donne des maisons, ont-ils dit, si on nous donne des maisons on ne retournera pas là-bas, on ne retournera pas à nouveau là-bas, lui a-t-on dit, ça suffit les mensonges, ce n’est pas le Gouvernement… (5 :44 inaudible) Nous aurions gaspillé pour toujours si on avait quitté notre terre. Puis nous sommes revenus ici avec ceux qui étaient forts, les aînés c’est eux qui étaient forts. Ils ont réussi à revenir ici
Pour y rester. De plus on ne nous donnait pas de nourriture, du bien-être au moins pendant 3 ans. On faisait une route pour des véhicules, pour faire passer (?) pendant 3 ans de temps, il y en avait déjà un que c’était fait, ça a continué un autre quatre ans, alors les Innus ont pu travailler et ont pu survivre et aussi grâce à la chasse aux castors. Mais ils continuaient à monter dans le bois quand même. L’hiver suivant après 5 années c’est alors qu’on a construit les maisons Quand Tanien est venu…c’est moi qui aurais dû partir alors c’est Pien Tenakan qui est parti là-bas où on discutait les maisons, on le considérait comme un chef de bande Pien Tenakan
C’est moi qu’on aurait élu, j’aurai été le premier mais moi, je suis monté dans le bois tandis que Pien Tenakan lui, est resté ici. Quand je suis revenu du bois c’est alors que j’ai entendu dire que les maisons seraient construites cette année-là ou encore l’été suivant. On s’est mis ensemble pour les maisons (7;09 inaudible à cause d’une pelle mécanique qui enterre la voix de Charles 7;36)
Evelyne. Vous deviez être contents de revenir?
Charles Mark. Oui, nous étions contents de rester à nouveau n’est-ce pas. Là-bas on pensait naturellement…On tentait de trop en faire pour s’installer, nous n’étions pas confortables de monter dans le bois là-bas parce qu’on était trop nombreux et le gouvernement nous mentait concernant l’aide pour monter dans le bois.
Evelyne. Vos enfants n’ont-ils pas….
Charles Mark. On voulait construire les maisons de l’autre côté mais on n’a pas accepté, on a dit qu’on voulait être de ce côté-ci
Evelyne. Au pensionnat, Il n’y avait pas de vos enfants qui sont allés étudier au Pensionnat n’est-ce pas?
Charles Mark. Non.
Marcel Lalo. On n’a pas envoyé d’enfants là-bas à Uashat.
Charles Mark. Il n’y a que deux qu’on a envoyé après…
Evelyne. Ils ne parlaient que l’anglais, vous-autres…n’est-ce pas?
Charles Mark. Oui, les jeunes parlaient beaucoup anglais. Nous, on parle anglais et les enfants aussi parlent anglais. Puis ça s’est brisé après deux ans, il a fallu qu’ils parlent français, on ne savait pas quoi faire. Naturellement nous avons été embêtés quand les agents du gouvernement sont venus, ils parlaient français, on ne savait pas quoi faire. Il y en avait qui parlaient anglais mais ils ne pouvaient pas venir. Avant les maisons étaient situées seulement du côté de la rivière, il n’y en avait que là. De plus on avait beaucoup de misère pour…(9;23 inaudible, il parle des maisons, des premiers maison 9;27)
09 :30 Evelyne., Bonjour, je suis heureuse de te rencontrer, j’aimerais que tu me racontes, est-ce ici que les Innus de Pakua-shipu restaient, où devaient être situés les tentes?
Charles Mark. Pour commencer moi aussi je te salue, je me sens prêt à raconter le passé. On pourrait dire qu’on était heureux quand il y avait encore des aînés, ceux qui ont vu, ont vécu ça comme mon père et Uiniam Pukue et Matshiu Pitin et Matshiu Lalo et Mishtanapeu. Ils étaient nombreux, ils devaient être cinq et les enfants vivaient ensemble, Autrefois on habitait là-bas tout droit là où il y a la pointe.
Là où il y a une île par ici, là où les traîneaux peuvent passés, là où je t’ai pointé c’est là que restaient les Innus. Il n’y avait pas encore de Mishtikushus, il n’y avait pas beaucoup…. Il devait y en avoir que quatre s’il n’y en avait 7, là il devait y en avoir quatre et là cinq, il devait y en avoir cinq ou sept, s’il n’y en avait pas neuf en tout. C’étaient les maisons des Mishtikushus. Je me souviens du temps qu’on restait là, il y avait un marchand qu’on appelait Mr. Green(?), il était comme un agent du gouvernement, peut-être que vous l’avez vu quand il allait à Uashat. C’est lui qui nous avait envoyé de l’autre côté pour qu’on y habite. Donc comme on ne nous aimait pas alors on est allé rester là-bas, c’était comme si on nous déplaçait, sinon c’est nous qui aurions été maître ici, c’aurait été une terre innue quand je me rappelle du passé, il y a longtemps c’était 1970 qu’on nous racontait ça. En premier on est resté là-bas, on habitait de l’autre côté, il devait y avoir une dizaine de tentes et d’autres restait en face, il devait y avoir quatre tentes et là-bas peut-être cinq.
Evelyne. Là de l’autre côté?
Charles Mark. On devait être au nombre de cent deux, je parle des Innus. Puis les agents du gouvernement sont venus nous rejoindre et il y avait un Mr. Letouneau(?), il est venu ici puis on en a déplacer quelque uns en premier.
Ils sont partis l’année d’après, c’est donc l’été suivant qui sont venus… c’est 1961 quand ils sont venus, Puis nous sommes restés à Uanaman-shipu, moi je suis resté deux ans là-bas, presque trois ans, puis nous sommes revenus là-bas de l’autre côté (nom de lieu?), c’est là que nous sommes restés.
Evelyne. Pourquoi vous a-t-on déplacé?
Charles Mark. C’est parce que les femmes (tshitassuatupant(?) avec les femmes mishtikushus, volaient des choses parfois quand les Innus leur demandaient de faire des commissions on pourrait dire ça comme ça et quand les innus leur demandaient de les monter dans le bois (entrée de la forêt) en chaloupe. Quand les Blancs revenaient après avoir conduit les Innus, tout ce que les Innus laissaient derrière eux, ils le prenaient, comme les machines à coudre et même le bois utile qu’ils laissaient pour fabriquer leur canot etc.) C’était ainsi et de plus on a voulu nous déplacer parce que les Mishtikuashus ne nous aimaient pas.
Evelyne. Donc tu es resté là pendant une année, est-ce qu’il y avait des Innus à La Romaines ?
Charles Mark. Il y avait déjà des Innus, ceux qui étaient déjà là depuis trois semaines (?), Ceux-ci devaient déjà être partis, Penua Ashini était parti et Matshiu Pitin et Matshiu Mishtanapeu, étaient déjà partis. Puis après ça été notre tour après un an, c’était au mois d’août le premier, c’est alors que nous avons dû partir, c’est de l’autre côté qu’on s’est rassemblé, il y avait un quai, c’est là qu’on nous a amené, là où il y a une bute. On avait amené un petit bateau au large. Après qu’il y a eu une rencontre alors les agents du gouvernement nous on dit que si on voulait monter dans le bois ça ne serait pas difficile et que le Gouvernement allait payer l’avion et qu’on ne paierait pas, nous ont-ils dit. Mais ils nous ont menti, on ne nous a même pas traité tel quel et même les maisons qu’on nous donnerait là-bas, qu’elles étaient déjà prêtes nous avait-on dit, vous n’aurez qu’à y entrer nous avait-on dit et on vous donnera aussi du bois de chauffage, on allait en donner aux aînés, aux plus vieux, on va les transporter, le bois de chauffage nous avait-on dit. Quand on est arrivé là-bas on est resté, il n’y avait rien, on ne pouvait entrer dans les maisons, peut-être en décembre ou au mois de novembre qu’on a pu y entrer, c’était en date du quinze, il faisait déjà froid, puis les aînés ont parlé de revenir ici. Il y a un Innu qui avait été arrêté. C’est Etien qui avait été arrêté à Uanaman-shipu, c’est pour ça qu’on a essayé de revenir ici, on pourrait dire que ça n’allait pas bien, eux ils n’aimaient pas ça, ils ont marché pour revenir ici. Il y avait Antan et Shapatishiss et Puniss, ils étaient un groupe de quatre qui revenaient ici. Ça a dû leur prendre quatre mois, ils sont restés là-bas un peu plus d’un an, c’est au printemps qu’ils sont partis pour revenir ici, ils sont arrivés ici les rivières s’étaient déjà libérées de leurs glaces. Ils savaient comment ils étaient traités, qu’ils ne seraient pas aidés donc…ils regrettaient leur terre et leurs pièges, les aînés voulaient vraiment revenir à Pakut-shipu pour rester et ce sont eux qui étaient les premiers, qui connaissaient bien (le chemin) et ils savaient comment faire. Là-bas quand j’y pense naturellement c’était comme si on nous enfermait, on ne pouvait rien faire parce qu’on nous défendait tout, il n’y avait rien pour nous qu’on pourrait dire, il n’y avait rien, on avait construit des maisons mais il n’y en avait pas beaucoup. Les Innus ne donnaient aucune importance à ces maisons, ils donnaient plus d’importance à leur terre, c’est là qu’ils voulaient rester. Après le départ du groupe à Shimun, leur marchand les a aidés à monter dans le bois, le Gouvernement leur donnait de la nourriture (aide sociale), ils commençaient à avoir faim dit-on, Antan a voulu les suivre. Il a nommé son père. Ils ont payé l’avion pour revenir ici, ils ont utilisé leur pension de vieillesse pour payer. On ne leur a pas donné d’aide social ici, ils sont quand même restés. Puis ils sont finalement tous revenus, Pien Pitin est revenu et tout le groupe de Matshiu Lalo et San Lalo et Uniam Lalo, ils sont tous revenus ici. Puis nous sommes restés encore un autre quatre ans ou cinq ans à peu près nous y sommes restés, deux, un groupe sont revenus ici, Matshiu Pitin est revenu, il regrettait sa maison, (?) « je reviendrai » dit-il.
Evelyne. Était-il vieux?
Charles Mark. Non, il n’était pas vieux mais il n’aimait pas là-bas, on pourrait dire qu’il était déjà vieux. Il est revenu ici peut-être cinq ou six ans après nous.
À nouveau nous sommes restés ici de l’autre côté, quand nous sommes revenues, c’était en bateau, on nous a installé dans une cale comme si on était des chiens naturellement, on nous traitait ainsi et il y avait les canots et nos bagages, on était là avec tout ça. Puis nous sommes arrivés à Uananman-shipu au large c’est là qu’on nous a débarqué. Ce sont de petits bateaux qui venaient nous chercher c’est là que nous avons débarqué, il commençait à faire froid, puis nous sommes arrivés au rivage de Uanaman-shipu. Je me suis trompé un peu. Le temps que nous ayons été là, ça n’allait pas bien, on ne nous donnait pas d’aide social, on ne donnait pas à manger, on voulait qu’on revienne ici.
Evelyne. Combien de temps ne vous a-t-on pas donné d’aide social?
Charles Mark. À peu près pendant trois années on ne nous a pas donné d’aide social, ça a dû faire trois ans qu’on ne nous a pas donné d’aide social durant qu’on était là, il y avait une route qui était construite, une route d’hiver, un travail d’hiver c’est ainsi que les Innus ont réussi à s’en sortir, qu’ils ont pu subvenir à leurs besoins. Ça s’est arrêté après trois ans puis il y a eu les maisons en 1972, c’est alors qu’on a pu y entrer et rester là. Après qu’on eut été invité on nous avait oublié; ça n’allait pas bien pour nous, On nous les a redonnés, les maisons, ils ont été fini d’être construites. Nous étions contents d’avoir les maisons.
Evelyne. Tu me dis pendant trois ans vous n’avez pas…
Charles Mark. Oui, pendant trois ans à peu près nous n’avons pas reçu d’aide social, on ne nous a rien donné alors nous avons travaillé à des emplois d’hiver, ça a duré trois ans puis nous avons arrêté et c’est alors que nous avons eu le chômage, puis après nous avons eu les maisons. Alors les agents du gouvernement sont venus pour nous annoncer que des maisons seraient construites, c’est Tanien Vachon qui est venu de Uashat, il est arrivé en disant, seriez-vous contents d’avoir des maisons, il y a Max Kuniu qui était là,----Oui, dirent-ils , nous serions contents si le Gouvernement nous en donnait, mais pas ailleurs, oui nous serions content, c’est ici que nous aimerions qu’on donne les maisons, dirent-ils. --- D’accord on va essayer dit Tanien, on va parler politique et toi, tu devras partir, me dit-il, c’est toi qui seras chef, me dit-il. Je ne pouvais pas partir négocier car je montais dans le bois cet automne-là, alors Pien Tenekan est devenu chef, il a pris ma place. Après un an qu’on eut eu un chef c’est en automne qu’on a parlé des maisons qu’on allait nous donner, l’été a suivi. Alors elles ont été construites.
Evelyne. Alors les enfants donc… est-ce qu’on a construit une école?
Charles Mark. Non, il n’y avait pas d’école ici, on les traversait de l’autre côté pour l’école. Il y avait une vieille école, on l’avait déplacé, quelques temps après notre arrivée ici, ça ne fait pas longtemps, c’est là qu’on avait inscrit les enfants, ils parlaient anglais ceux qui y allaient et en plus c’était très difficile pour eux…
Evelyne. Est-ce qu’ils marchaient en hiver?
Charles Mark. Non, on nous avait donné un petit véhicule après que les enfants eurent commencé l’école, c’est avec ce petit véhicule qu’ils étaient amenés en été après la fonte des glaces. Au mois de juin, ils y allaient en canot et quand ils commençaient en juin ils prenaient le canot. Les enfants avaient de la misère avec l’école, on en a discuté pour qu’on nous en donne une, ça a fini par aboutir à force d’en parler. Alors l’agent du gouvernement m’a dit; Il faudra que vous soyez très loin, pour avoir droit à une école, nous a-t-il dit. Alors je lui ai dit, je te remercie pour ce que tu me dis, mais j’ai le temps de mourir, avant que tu nous donnes une école, lui dis-je, ça veut dire la même chose, c’est tellement difficile pour les enfants quand c’est le printemps. Il faut qu’ils traversent, ils sont tout mouillé, puis il y a le vent, et quand il fait froid, lui dis-je, c’est très dangereux qu’ils tombent à l’eau quand ils traversent avec le petit véhicule. Il y a des trous d’eau quand on les y amène avec le véhicule.
Evelyne. Ça fait combien de temps que les enfants ne traversent plus?
Charles Mark. Ça fait peut-être dix-neuf ans qu’ils ne traversent plus.
Evelyne. Il y a une école maintenant n’est-ce pas?
Charles Mark. Oui, quand on a construit la première école à l’ouest de la réserve celle qui se trouve de l’autre côté, celle qui est au milieu c’était notre école, au début elle n’était pas grande, trois ans plus tard puis cinq ans et après sept ans, on en a discuté encore…il y avait suffisamment d’enfants, nous a-t-on dit. Maintenant les enfants, il y en a plein. Notre population augmente très vite, donc les enfants sont devenus nombreux.
Evelyne. D’où viennent ces Anglais?
Charles Mark. Naturellement il devait y avoir des Anglais autrefois, quelques-uns d’entre eux viennent de l’est et ils sont venus à Pakut-shipu, il y en a qui viennent de la grande île, les Mishtikushus, c’est eux qui ont construit leurs maisons.
Evelyne. Est-ce que ce sont tous des Anglais?
Charles Mark. Il devait y avoir d’autres Anglais, ils se seraient sauvés, ils se seraient échappés.
Evelyne. J’ai entendu parler aussi des Aissimeus, il y aurait eu une bataille ici une fois?
Charles Mark. Non, c’est du côté de l’est, les Innus auraient descendus la rivière pour se rendre à l’ouest pour aller chasser le castor naturellement, il n’y en avait pas tellement dans l’intérieur des terres, ils sont allés à l’est pour en chercher, c’est là que ça s’appelle Aissimeu-shipu c’est là qu’il y avait des Aissimeus, c’est là qu’ils les ont bloqués, qu’ils les attendaient sur une hauteur quand ceux-là sont passés en canot pour les tirer avec leurs flèches. Les Innus connaissaient les lieux, alors ils sont passés en canot de l’autre côté, il y avait là-bas une baie. C’est là qu’ils avaient dû débarquer, à la pointe et c’est de là qu’ils ont tiré avec leurs fusils sur les Aissimeus. C’est comme s’ils se faisaient la guerre alors ils ont été décimés, les Innus les ont décimés, un des Aissimeu partout sur lui ici (geste) s’était fait une armure en hache sur lui, on dit que le fusil ne le blessait pas, alors il a dit en chantant; je ne sais pas ce qu'il devait chanter ---si nous avions eu les mêmes armes, chantait-il ainsi, vous n’auriez pas pu nous faire avoir si facilement, dit-on de Aissimeu. Après qu’on eut tué les Aissimeus, les Innus sont montés dans le bois aussitôt, les Innus sont allés plus loin dans l’intérieur des terres.
Evelyne. Pour quelle raison se sont-ils battus?
Charles Mark. À cause du loup marin, ils avaient peur que les Innus chassent le loup marin, ils devaient penser que les Innus tueraient le loup marin.
Evelyne. Aujourd’hui est-ce qu’il y a des changements dans le mode de vie?
Charles Mark. Oui, ça a beaucoup changé dirait-on, il y a quelque chose qui a été perdue pour nous, comme à l’école, il manque l’enseignement de l’innu-aimun pour les enfants, on leur enseigne seulement un peu la langue innue du moins ce dont je suis témoin et de plus il y a la drogue, s’il n’y avait pas eu la drogue peut-être que c’aurait été moins pire et de plus on ne les amène pas dans le bois. Aujourd’hui on ne montre pas ça aux enfants du moins pas suffisamment… quand tout a commencé dans le passé, ils allaient bien, on montait dans le bois et tous les enfants, même les tous petits, on montait tous dans le bois alors que maintenant… c’est un peu différent les Innus ne peuvent pas monter dans le bois autant, il y a ceux qui montent dans le bois pour peu de temps comme deux semaines, ça c’est toujours là, ils ne vont pas loin, ils y vont en avion et ils amènent tous les enfants aussi qui vont à l’école et parfois au printemps c’est au large pas loin…
Evelyne. Ici, vous autres?
Charles Mark. Ils ne peuvent pas rester longtemps et il y a cette chose qui leur fait de la misère, ils ont de la misère…comme la bière et la drogue parce que les Kakusseshiht en vendent les Mishtikushus et même des jeunes. Aujourd’hui ça fait quatre ans qu’ils en prennent.
Evelyne. Est-ce que ça va s’améliorer ?
Charles Mark. Je pense que tout ira bien dans un an si on leur donne le temps…c’est possible peut-être s’ils vont chercher de l’aide et s’ils ne prennent pas beaucoup de drogue. Si les Innus s’aident, s’ils ont envie de se rapprocher des ainés, peut-être qu’ils ne seront pas assez forts pour s’en sortir. Il se peut qu’ils ne soient pas assez forts pour s’en sortir du moins pour quelques-uns parce qu’il faut croire en soi…parfois… « c’est notre vie à nous » disent parfois ceux qui boivent, comme les femmes de Pakut-shipu et les jeunes ne…quand on les empêche de continuer, ils ne vont pas là où se trouve l’aide, ils ne sont pas nombreux à chercher de l’aide. Moi, j’aimerais qu’il y en ait plus qui veulent s’aider et c’est comme ça peut-être que tout pourrait arriver pour s’entraider, peut-être que ça prendra du temps, un six ans ou un sept ans, ça pourrait peut-être être possible.
Evelyne. Comment vois-tu le futur?
Charles Mark. Moi la façon que je vois le futur, il me semble que je serais heureux si on amenait les enfants dans le bois et qu’on les aide. Qu’on puisse aider ceux qui rencontrent des problèmes et qu’ils ne se découragement pas de monter dans le bois pour le moment, essayer de croire qu’on peut s’en sortir et qu’ils ne pensent pas que c’est impossible, qu’ils aiment être dans le bois et que les jeunes aiment plus être dans l’intérieur des terres., du moins ceux qui ont dix-huit ans et ceux qui ont vingt ans aussi, qu’il ait du travail, qu’il y ait de plus en plus de gens qui travaillent, là-bas il manque des travailleurs peut-être qu’il en manque six pour ceux qui n’ont rien à faire et si on continue toujours de monter dans le bois.
Peut-être que ça pourrait arriver plus souvent qu’on puisse voir (nutshimit) et j’y crois moi, on n’y va pas assez souvent, les jeunes ne peuvent pas rester assez longtemps. Ce n’est pas suffisant d’être là deux semaines, peut-être il faudrait y être au moins un mois ou deux mois, ce serait bien, les jeunes apprendraient plus.
Evelyne. Quel message donnerais-tu aux jeunes?
Charles Mark. Moi je pourrais dire que ça irait mieux, peut-être que vous iriez mieux si vous ne preniez pas trop de drogue. Moi par exemple ça fait peut-être six ans que je n’ai pas touché à la bière, c’était vraiment ça que je consommais. Il arrivait parfois que j’en consomme jusqu’au lendemain, ou pendant une semaine, quatre jours en ligne que je devais boire.
J’ai su d’où j’arrivais dans mon passé, quand j’y pense que ça me causait des problèmes. Je croyais que ça ne me causait pas de problème dans le temps que je buvais je ne…pour ma femme et mes enfants. Les jeunes me disent --- tu faisais ça toi aussi quand tu buvais, me disent-ils. Oui, c’est vrai ce qu’ils disent, c’est la même chose quand une femme parle de son mari, je ne lui dis rien, je l’écoute car je sais ce qu’elle me raconte est vrai donc je lui dit ---c’est vrai ce que tu me racontes, moi aussi je ne savais pas quoi faire quand je buvais encore mais je vais essayer de plus boire et j’irai visiter les aînés, je me décourage parfois d’essayer de ne pas boire, de résister à la boisson, j’ai pitié de moi-même, ça fait deux ans que je n’ai rien pris et je voulais aller voir le prêtre pour une rencontre. Après avoir réussi un an, deux ans de sobriété j’étais complètement différent. Ça va faire quatre ans cet automne au mois de décembre le 6 décembre que je ne bois plus, je me sens mieux il me semble et je réussis mieux ce que je fais comme m’adresser aux Innus, je ne suis plus gêné.
Evelyne. Est-ce que les jeunes pourraient faire la même chose?
Charles Mark. Si on leur montrait lentement, qu’on ne leur disait pas « Arrêtez de boire », il ne faudrait pas leur dire comme ça.
Evelyne. Maintenant il y a beaucoup de ressources pour aider les jeunes, n’est-ce pas?
Charles Mark. Oui, il en aurait beaucoup, si on les amenait dans l’intérieur des terres c’est ce qu’ils les aideraient beaucoup. Par exemple quand on amène les jeunes dans le bois…il faudrait aussi que les adultes y aillent, s’ils restaient là deux mois c’est alors que ça irait mieux pour eux, ils aimeraient l’intérieur des terres. Alors qu’ici il n’y rien, ils ne font que se promener, ils ne font rien et ils ne dorment pas la nuit. C’est évident que ceux qui sont petits aillent des problèmes eux aussi comme pour les petits bateaux, ils se rendent là aussi, les jeunes de Sheshatshit viennent les rejoindre, certains sont originaires de là, ce sont des jeunes de Sheshatshit, même ceux qui restent en concubinage ils viennent ici et y restent. Il doit y en avoir aussi qui venaient de La Romaine, quelques-uns d’entre eux qui viennent ici. Moi je pense que tout a commencé chez les Mishtikushus, Moi je pense que c’est les Mishtikushus qui ont vraiment tout commencé (drogue).
Evelyne. Y a-t-il autre chose que tu aimerais dire?
Charles Mark. Oui, là-bas de l’autre côté (rivière) nous, on le nomme innuassi, nous y croyons qu’il soit appelé de cette façon même avec les agents du gouvernement. Comme si on nous l’avait emprunté dans le passé. Une fois on avait essayé de nous déloger, il y a neuf ans, on voulait nous déménager, on voulait nous construire des maisons, je me demande où est-ce qu’on voulait nous installer, peut-être là-bas ou plus à l’ouest c’est là qu’on voulait nous construire des maisons on a refusé---ça fait déjà trois fois, leur ai-je dit, ça suffit, c’est la dernière fois que vous nous faites ça, ai-je dit aux agents du gouvernement. On a écrit une lettre, Antane Mak m’a aidé. On est allé à Ekuanitshit puis on n’en a plus jamais entendu parler (déménager).
Evelyne. Donc aujourd’hui c’est une vraie innuassi?
Charles Mark. Oui, maintenant c’est une vraie innuassi pour nous, c’est ainsi qu’on l’appelle. Si le Gouvernement ne la nomme pas ainsi pour nous c’est ainsi qu’on la nomme. On à l’école, tout va bien maintenant, ça n’allait pas bien parce qu’on n’avait pas bien inspecté, peut-on dire et elle avait été mal construite, on nous a donné une école qui n’était pas adéquate.
C’est ce qu’on nous avait donné, on l’avait d’abord réparé, on l’a rapiécée pour qu’elle ait l’air belle, le patron avait dû travailler un mois ou deux dans le temps. Elle semblait terminée, on avait emmené par voie d’eau tout ce dont on avait de besoin. On avait dû lui donner du temps (innus) pour travailler… si vous embouchez un Mishtikuashu on va donner du travail à beaucoup d’Innus avaient-ils dit. Alors on leur a donné des heures aux Innus, on leur a donné six milles heures.
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Citation
Mark, Charles (interviewé), St-Onge, Evelyne (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “Mark, Charles,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 13, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/345.