canot traditionnel innu (innu ush)

Title

canot traditionnel innu (innu ush)

Subject

canot; gabarit; épinette; sapin; toile; importance; particularité; assemblage

Description

Outil inestimable, le canot sert à plusieurs fins dont la subsistance et le transport des familles et des équipements. Si une pièce se brise dans un rapide par exemple, le canot est conçu de façon à ce qu’il soit possible de remplacer la pièce brisée sans trop de mal en fabriquant une autre pièce sur place. Léger, flexible, solide, il peut transporter de bonnes charges. En tout temps, il doit faire corps avec son propriétaire.

Creator

Bellefleur, Jean-Baptiste (constructeur)
Bellefleur, Zacharie (assistant)
Malenfant, Eddy (cinéaste)

Source

Production Manitu inc.

Publisher

Production Manitu inc.

Date

2005

Contributor

Musique - Rodrigue Fontaine, Bill St-Onge, Luc Bacon

Rights

Production Manitu inc.

Language

Innu

Type

vidéo | video

Format

Mp4 24 min. 14 s.

Original Format

vidéo | video

Transcription

english version follow

Narration - Avant de songer à pénétrer son territoire, l'Innu devait tout d'abord se fabriquer un canot parfaitement adapté à sa mesure. Il était même possible, selon le nombre d'enfants devant faire partie du voyage, qu'il faille en construire un deuxième. Outil inestimable, le canot servait à plusieurs fins dont la subsistance et le transport des équipements.
Jean-Baptiste Bellefleur - De cet arbre, je vais prélever les quatre pièces nécessaires au contour du canot. C'est ici qu'on commence à mesurer pour déterminer la longueur du canot. La mesure entre mon coude et ma main m'indique l'endroit du premier travers, le « petit travers ». Si j'ajoute une longueur équivalente à la mesure entre mes deux bras allongés, j'arrive au centre du canot; c'est l'emplacement du « travers central ».
Narration - Comme il faut pouvoir fendre l'arbre de façon bien précise, l'Innu utilisera un outil de bois bien séché. Il enlèvera le moins d'écorce possible afin de ne pas attirer les mouches.
Jean-Baptiste Bellefleur - Je me sers d'épinette pour les contours du canot et les travers. Cette essence n'a pas beaucoup de noeuds et est très souple. Par contre, j'utiliserai du sapin pour le fond du canot, question de le rendre le plus léger possible. Il faut bien vérifier des deux côtés pour voir si le bois est fendu égal.
Narration - Puisqu'il n'y avait pas d'écorce de bouleau sur la Basse-Côte-Nord, matériau essentiel au revêtement des canots, les Indiens se regroupaient en été et remontaient le fleuve afin de s'en procurer. Il leur arrivait même de se rendre jusqu'au lac Ontario.
Jean-Baptiste Bellefleur - Il faut que je fasse attention aux noeuds. Il me faut passer à côté.
Narration - Pour amincir les planches, Jean-Baptiste Bellefleur se sert d'un couteau croche, un outil universel que connaissent tous les Innus.
Jean-Baptiste Bellefleur - C'est cet arbre-là que je vais prendre! Voici un sapin bien droit et sans noeuds. Je vais en tirer les deux pièces du fond, c'est-à-dire la quille du canot.
Antoine Mark - À partir du moment où, enfant, on jugea que j'étais assez grand pour porter un canot, on m'en donna un. J'avais enfin mon propre canot avec lequel je pouvais transporter mes bagages et voyager tout seul. J'étais autonome! Je pouvais faire comme mon grand frère! Mais j'amenais mon petit frère avec moi.
Narration - Pour donner sa forme au canot, il faut que le bois soit assez assoupli pour bien se plier. Le constructeur en fera donc tremper les contours pendant une semaine. La quille du canot, elle, est séchée au soleil. Cette opération la rend plus facile à être ajustée au « couteau croche ». Une fois séchée, cette pièce de bois que l'on nomme « mishkuatak » sera fendue en quatre parties égales pour être placée aux deux extrémités du canot. Cette technique conférera une allure identique aux deux extrémités de l'embarcation.
Jean-Baptiste Bellefleur - Avec la corde je peux trouver le milieu de mes varennes. Il faut que la ligne du milieu que j'inscris sur les varennes corresponde à la ligne que j'ai tracée sur le centre de la toile. Je plie les varennes, une par une, afin de leur donner leur courbe. Ensuite, je les replierai en paquets de sept.
Les varennes sont taillées et pliées pendant que le sapin est encore vert. Je me sers de toile plutôt que de corde pour ne pas faire de marques inutiles sur le bois. Ces marques doivent être alignées avec la ligne centrale de la toile du canot.
Je vais ajuster ces varennes pour qu'elles soient collées les unes aux autres. Ensuite je vais leur donner de la rondeur de chaque côté, jusqu'au rebord. Comme la varenne est accotée après le rebord du canot, la pression s'exerce dans sa courbe.
Narration - Jean-Baptiste prépare six paquets de varennes. Même si chacun en contient sept, on n'en utilisera que six, la septième étant considérée comme varenne de remplacement. Pour les extrémités, les paquets n'en contiendront que quatre. Une fois le contour bien moulé et séché, il faut le percer complètement, pour pouvoir apporter les ajustements nécessaires.
Jean-Baptiste Bellefleur - Ce canot-ci a la même grandeur que celui que j'avais à La Romaine. Il peut contenir douze sacs de farine de 50 livres, une tente, un poêle, en plus de ma personne et de tous mes bagages. Ce gabarit est très ancien. Il vient de mon grand-père. Chaque morceau porte un nom. Le bois de ce gabarit vient de Mashkuanu. On le préserve et s'il se brise, on ne remplace que le morceau endommagé. En s'aidant de ce gabarit, les Innus revêtaient leurs canots d'écorce de bouleau, un matériau qui se trouve loin d'ici. De nos jours, on se sert de toile, ce qui rend l'opération beaucoup plus simple.
Jean-Baptiste Bellefleur - Tire un peu, on n'est pas tout à fait au centre. Trois roches seront suffisantes pour maintenir la toile et le gabarit par terre. On va écarter la toile pour placer la pièce du dessus. Cette pièce-ci va servir à tenir la structure du canot en place. Je vais placer une autre roche ici. J'ai déjà la bonne mesure. Je l'ai prise avec mon bâton sur l'autre côté du canot et ce côté-ci doit être parfaitement identique. Il me faut cependant lui donner une petite pente; c'est de cette façon que l'on pourra vérifier le niveau du canot. Pour bien fixer la toile, je me sers de clous. C'est différent du temps des canots d'écorce où on utilisait des racines. Il me reste à finir cette pièce. C'est ici que vient s'ajuster le morceau de toile de finition qui recouvre le bois du canot. À ce stade-ci, on retire le gabarit. Il ne faut surtout pas attendre que le devant du canot soit fermé, on n'y arriverait plus. Plante-moi des perches à chaque bout du canot; il faut étirer la toile. Le devant du canot va ressembler à cela. Pour que le demi-cercle soit égal des deux côtés, on utilise ce gabarit. La petite pièce du gabarit qui est au sol sert à donner au canot sa courbure dans la longueur. Porte attention à la marque sur la pièce de bois. Il faut faire une marque semblable sur la toile, juste vis-à-vis. C'est à cet endroit que la pièce de bois entre dans la toile. Je perce mes trous d'avance avec cet outil.
De cette façon, je ne risque pas d'endommager ma pièce de bois en clouant. Pour ne pas avoir de plis dans la toile, il faut percer ses trous à intervalles égaux, environ aux quatre pouces. Il faut river tous les clous, en particulier celui-ci. On les rendra étanches plus tard.
C'est ici que le nez du canot viendra s'accoter. C'est un point du canot très stratégique: les planches et la quille viennent s'imbriquer complètement. Plus tard, j'aurai à réajuster la quille en l'avançant un peu. Une fois mes planches placées et descendues vers la quille, l'ouverture d'en avant se retrouvera complètement fermée.
Dans un paquet de sept varennes, une est conservée comme unité de remplacement (à moins qu'elle ne serve de soutien temporaire). Les autres alternent d'une extrémité à l'autre du canot. Autrement dit, les planches 1, 3 et 5 vont à une extrémité, tandis que les 2, 4 et 6 vont à l'autre. Maintenant que mon premier paquet de varennes est placé, je vais descendre les planches vers la quille du canot, la pièce centrale, afin qu'elles soient bien collées. Et il en sera ainsi pour chaque paquet de varennes. C'est à partir de cette étape-ci qu'on réalise que le fond du canot sera plat. Plus tard, j'aurai à replacer minutieusement toutes ces planches jusqu'à ce qu'elles soient bien collées ensemble. Toutes ces planches avanceront sûrement par en avant et j'aurai encore à les replacer. Les varennes avanceront également avec l'ajustement. C'est à ce moment que le canot prend sa forme. Il devient plus plat et plus stable. On va fermer le canot par le centre, ce qui implique l'amincissement des planches au centre du canot. À cet endroit, les planches sont une par-dessus l'autre. Comme les varennes ne sont pas clouées, il est possible de les changer en cas de bris.
C'est de la gomme d'épinette qu'il faut prendre, la gomme de sapin n'est pas faite pour ça.
Narration - Pour que la colle à base d'épinette reste flexible et collante, il faut graduellement lui ajouter du gras, mais pas trop, seulement la bonne dose. Cette pièce de finition vient d'une varenne que l'on a modifiée. En plus de servir de finition, elle sert à retenir les planches des deux côtés. Cette pièce de toile viendra sceller le tout.
Narration - Même la longueur de la corde est personnalisée. Elle correspond à la longueur du cou du porteur. Cette façon de faire donne la possibilité au portageur de reposer soit sa tête, s'il lève les épaules, soit ses épaules s'il utilise sa tête.
Jean-Baptiste Bellefleur - Tu ne mets jamais un canot neuf à l'eau le vendredi. Tu peux le mettre le samedi si tu veux. Mais pas un vendredi. C'est comme un dimanche. Par contre, une fois que tu l'as mis à l'eau, ton canot, tu peux t'en servir n'importe quand, vendredi, samedi, dimanche, comme tu veux.



Narrator - Before he could even think of going onto his land, an Innu first had to make himself a canoe perfectly suited to his size. Depending on the number of children that would be part of the trip, he might have to build two. An invaluable tool, the canoe served many purposes.
Jean-Baptiste Bellefleur - I'm going to take the four pieces for the canoe's gunwale from this tree. This is where we start measuring to determine the canoe's length. The measurement between my elbow and my hand tells me where to put the first crossbeam, the small crossbeam. If I add a length equivalent to the distance between my two outstretched arms, I arrive at the centre of the canoe: that's where the central crossbeam goes.
Narrator - Since the tree must be split very precisely, the Innu use a tool made from very dry wood. They remove the smallest possible amount of bark to avoid attracting flies.
Jean-Baptiste Bellefleur - I use spruce for the canoe's gunwale. This species has few knots and is very flexible. However, I'll use fir for the hull, to make it as light as possible. You have to check to make sure the wood has split evenly on both sides.
Narrator - Since there was no birch bark, an essential material for covering canoes, on the Lower North Shore, Indians gathered in the summer and traveled up the river to obtain it. Sometimes, they even went as far as Lake Ontario.
Jean-Baptiste Bellefleur - I have to be careful about knots. I must avoid them.
Narrator - Jean-Baptiste Bellefeur uses a crooked knife, an all-purpose tool known to every Innu, to shape the plank.
Jean-Baptiste Bellefleur - This is the tree I'll use! Here's a fir tree that's straight and doesn't have any knots. I'll use it to make the two bottom pieces, the canoe's keel.
Antoine Mark - I was given a canoe as a child, as soon as I was considered old enough to carry one. I finally had my own canoe in which I could transport my luggage and travel alone. I was self-sufficient! I could imitate my big brother! But I took my little brother along with me.
Narrator - To give the canoe its shape, the wood has to be flexible enough to bend. The builder therefore soaks the gunwale pieces for a week. The keel is dried in the sun. This operation makes it easier to adjust with the crooked knife. Once dry, this piece of wood called "mishkuatak" is split into 4 equal parts to be placed at the canoe's two extremities. This technique will give the boat's two extremities an identical appearance.
Jean-Baptiste Bellefleur - I use the cord to find the centre of the ribs. The central line that I draw on the ribs must correspond to the line I traced on the centre of the canvas. I bend the ribs one at a time to give them their curve. Then I bend them again in packs of seven.
The ribs are cut and bent while the fir is still green. I use canvas instead of string so as not to mark the wood unnecessarily. These marks must align with the central line on the canoe's canvas.
I'll adjust these ribs so that they press against each other. Then I'll bend them on each side, up to the gunwale. Since the rib fits into the canoe's gunwale, the pressure is on its curve.
Narrator - Jean-Baptiste prepares six bundles of ribs. Although each bundle contains seven ribs, only six are used, since the seventh is a replacement rib. The bundles used for the extremities only contain four ribs each. Once the gunwale has been carefully molded and dried, it must be pierced through, in order to make the necessary adjustments.
Jean-Baptiste Bellefleur - This canoe is the same size as the one I had in La Romaine. It can hold twelve 50-pound bags of flour, a tent and a stove, in addition to myself and all my luggage. This template is very old, it comes from my grandfather. Each piece has a name. The wood from which this template is made, comes from Mashkuanu. We take great care with it, and if it breaks, we only replace the damaged piece. Using this template, the Innu covered their canoes in birch bark, which can only be found far from here. Nowadays, we use canvas, which makes the operation much simpler.
Jean-Baptiste Bellefleur - Pull a little, it's not quite centered. Three rocks will be sufficient to hold the canvas and template on the ground. We'll push the canvas aside to place the top piece. This piece will be used to hold the canoe's structure in place. I'll place another rock here. I already have the right measurement. I measured it with my stick on the other side of the canoe, and this side must be identical. I have to give it a little slope; that's how we can check the canoe's level. I use nails to attach the canvas properly. It's different from the time of bark canoes, when we used roots. I still need to finish this piece. This is where we adjust the canvas piece that covers the wood in the centre. This is where we remove the template. You can't wait till the end of the canoe is covered, or you won't be able to remove it. Drive in some poles at each end of the canoe: we have to stretch the canvas. The canoe's bow will look like this. We use the template to make the half-circle identical on both sides. This little piece of the template, here on the ground, is used to give the canoe its curve along its length. Pay attention to the mark on the piece of wood. You must make a similar mark on the canvas, in exactly the same place. This is where the piece of wood is inserted inside the canvas. I make my holes in advance, using this tool.
That way, I don't risk damaging my piece of wood while nailing. To avoid folds in the canvas, you have to make holes at regular intervals, about 4 inches apart. You must drive in all the nails, especially this one. We'll waterproof them later.
This is where the bow of the canoe will fit. It's a very strategic spot in the canoe: the planks and the keel interlock tightly here. Later, I'll have to readjust the keel by advancing it a little. Once my planks have been lowered towards the keel, the opening in the bow will be completely closed.
In each bundle of 7 ribs, one is kept as a replacement (unless it's used as a temporary support). The others alternate from one end of the canoe to the other. In other words, planks numbered 1, 3, and 5 go at one end, while those numbered 2, 4, and 6 go at the other end. Now that my first bundle of ribs is in place, I'll bring the planks down towards the canoe's keel, the piece in the centre, so that they press against each other. And we'll continue like this for each bundle of ribs. After this step, you can see that the bottom of the canoe will be flat. Later, I'll have to meticulously adjust all these planks again, until they all press against each other. All these planks will surely advance towards the bow and I'll have to adjust them once again. The ribs will also advance as they're being adjusted. This is where the canoe gets its shape. It becomes flatter and more stable. We'll close up the canoe from the centre, which implies thinning the planks in the middle of the canoe. The planks overlap here. Since the ribs aren't nailed, they can be replaced if they break.
You have to use spruce resin, fir resin isn't made for that.
Narrator - To keep the spruce-based glue flexible and sticky, you must gradually add tallow, but not too much, just the right amount. This finishing piece comes from a rib that we modified. Besides its use in finishing, it will retain the planks on both sides. This piece of canvas will close it all up.
Narrator - Even the length of the cord is personalized. It corresponds to the length of the porter's neck. This way of doing things gives the person carrying the canoe the option of resting his head, if he raises his shoulders, or resting his shoulders, if he raises his head.
Jean-Baptiste Bellefleur - You never put a new canoe into the water on a Friday. You can do it on a Saturday if you like. But not on Friday. It's like Sunday. However, once you've put your canoe into the water, you can use it any time, Friday, Saturday, Sunday, whenever you like.
Music - Rodrigue Fontaine, Bill St-Onge, Luc Bacon

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Citation

Bellefleur, Jean-Baptiste (constructeur), Bellefleur, Zacharie (assistant), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “canot traditionnel innu (innu ush),” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 13, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/414.