raquettes traditionnelles innues (ashamat)
Title
raquettes traditionnelles innues (ashamat)
Subject
bouleau; moccasins; babiche; raquettes dépannage; raquettes; raquettes fabrication
Description
Aussitôt le caribou abattu, les Innus entreprennent la fabrication des raquettes et des mocassins du chasseur. Ce dernier, personnage essentiel à leur survie, est l’objet du plus grand respect. Le même respect est présent envers son équipement, c’est-à-dire ses vêtements, sa nourriture et ses raquettes.
Creator
Bellefleur, Pelashe (babiche et tressage)
Gabriel, kunikuen (raquette de dépannage)
Bellefleur, Jean-Baptiste (fût)
Source
Production Manitu inc.
Publisher
Production Manitu inc.
Date
2005
Contributor
Musique - Rodrigue Fontaine, Bill St-Onge, Luc Bacon
Rights
Production Manitu inc.
Relation
Language
Innu
Type
vidéo | video
Format
Mp4 24 min. 4 s.
Original Format
vidéo | video
Transcription
english version follow
Pelashe Mark - En hiver, les chasseurs partaient très tôt et revenaient très tard. Comme les journées étaient courtes, les Innus travaillaient beaucoup à l'intérieur de la tente. Et quand ils entendaient, au loin, le bruit des raquettes sur la neige, ils savaient que c'était les chasseurs qui revenaient.
Kanikuen Grabriel et Antoine Mark - Bonjour! Bonjour! De la visite qui arrive. D'où venez-vous? De Unaman-shipu. Ha! de Unaman-shipu!
M. Aster - Le plus important en forêt, l'hiver, c'est la raquette. Sans cela, tu ne peux te déplacer. L'Innu éprouve un très grand respect envers la raquette. Par exemple, s'il en voit une paire par terre, il va immédiatement la ramasser et l'accrocher. Vous comprenez maintenant son importance.
Narration - Je suis né à 45 milles au nord de Schefferville. C'est dans ce territoire que nous allons à chaque année, depuis le temps de mon grand-père. À partir de la mer, c'est-à-dire de Uashat (Sept-Îles), nous parcourions environ 600 milles pour atteindre cet endroit.
Kanikuen Gabriel - Nous partions vers la fin août. Parfois, nous voyagions de nuit à cause du vent; il fallait arriver avant les gels. Une fois rendus dans le territoire, nous chassions le caribou et l'ours pour nous faire des provisions. Nous savions que nous en aurions besoin plus tard.
Nous en profitions également pour nous fabriquer des vêtements, des mocassins et des raquettes. C'était juste avant le trappage. Avec cette raquette, le devant n'étant pas tressé, je vais me servir d'une corde...
J'utilise ces raquettes de dépannage en début d'hiver, quand il n'y a pas beaucoup de neige, pour ne pas avoir à utiliser mes raquettes de marche. Il nous fallait seulement une journée pour fabriquer ce genre de raquettes. Nous en avions besoin immédiatement.
Narration - Aussitôt le caribou abattu, les Innus entreprenaient la fabrication des raquettes et des mocassins du chasseur.
Narration - On accorde beaucoup de respect au chasseur et à son équipement, c'est-à-dire ses vêtements, sa nourriture et ses raquettes. En sachant pour qui on fait des raquettes, automatiquement on connaîtra les dimensions de celles-ci.
Jean-Baptiste Bellefleur - Je ne pourrai pas transporter ce bouleau au campement, il est trop lourd. Je vais plutôt le tailler ici. Il va me falloir mes outils de bois. C'est un bon bouleau; il est très résistant. Je vais le prendre pour fabriquer les fûts de raquettes.
Narration - Ce n'est pas toujours possible de trouver du bouleau de cette taille. Autrement, on est obligé de le remplacer par du bouleau de plus petite taille ou par du mélèze qui, lui aussi, est un bois dur très résistant. Souvent, nous sommes plusieurs à travailler sur une paire de raquettes. C'est le cas de celle-ci, par exemple, qui sera assemblée par Antoine et tressée par Pelashe. L'important, c'est que tous les collaborateurs aient la même intention, c'est-à-dire d'aider le chasseur à nourrir tout son monde.
Jean-Baptiste Bellefleur - Je les laisse sécher trois jours, après je vais les égaliser pour que mes contours soient égaux.
Kanikuen Gabriel - Quand l'aîné finit ses raquettes, c'est comme un mécanicien qui finit sa propre voiture. Dans un groupe de chasseurs, il y en a toujours un ou deux qui sont meilleurs marcheurs, qui vont le plus loin. On leur donne alors des raquettes. Avec ses nouvelles raquettes, je n'ai encore jamais vu un jeune revenir les mains vides. L'animal le trouve beau. Quand cette aînée finira son tressage, elle placera les raquettes face au lever du jour, dans de la neige que personne n'a encore piétinée. Elle les placera de façon à ce qu'un animal puisse les admirer.
Marie-Josette Bellefleur et Pelashe Mark - Le chasseur doit connaître à la perfection son territoire, le jour comme la nuit.
La chasse est très dure et il a beaucoup à faire. Il doit se déplacer sur de longues distances, en transportant de lourdes charges.
C'est un personnage important et on s'en occupe bien.
On lui fait ses vêtements, on arrange ses prises et on tresse ses raquettes. On a intérêt à bien s'occuper de lui. Pour tout dire, il est notre fierté.
Narration - La valeur de la raquette est déterminée par l'intention que chacun y donne. Idéalement, la raquette sera assez flexible pour supporter la personne à qui elle est destinée, aussi légère que possible et... aussi belle que ne l'est le chasseur lui-même.
Quant aux trous pour tenir la corde, ils sont en diagonale et ils sont rapprochés les uns des autres. De cette façon, la corde peut passer le plus possible à l'intérieur des fûts, ce qui lui permet de ne pas s'user trop vite. C'est une technique appelée « piste de martre » en raison de la diagonale et de la distance entre les trous, un motif qui fait penser à une piste de martre. On posera des garnitures en laine de couleurs différentes et on fera des motifs de fleurs ou d'autres choses, pour que ce soit encore plus beau.
Pelashe Mark - Je passe la babiche entre les cordes et je tresse, en faisant le tour, comme ceci. Mais avant, je me sers d'une corde pour maintenir en place les différentes pièces, le temps qu'elles s'assèchent.
Narration - On utilise de la babiche pour faire le tressage. C'est une peau de caribou encore verte, une peau qui n'a pas été tannée. Le support qui tient la raquette a une signification très spéciale. Puisqu'on ne veut pas mettre de pression inutile sur la raquette, ce qui ne servirait qu'à retarder le chasseur, on l'accroche sur le support plutôt que de se la mettre entre les genoux. Évidemment, on ne peut tresser toute la raquette avec une seule longueur de babiche. On joint alors deux bouts en faisant une incision sur chacun et en les intégrant l'un dans l'autre. La enture qui en résulte devient pratiquement invisible une fois séchée.
En fabricant ses raquettes, l'Innu se trouve à réunir les mondes végétal, animal et humain. Cela parce que ses raquettes l'aideront à chasser pour nourrir les siens. C'est une subtilité dont la langue innue tient compte en classant le mot « asham » (raquette) dans la catégorie des noms animés. Il faut compter environ une semaine pour tresser une paire de raquettes. Pour contrer l'ennui, les Innus se regroupent dans un même endroit et s'adonnent à toutes sortes de travaux.
Pelashe Mark - Il me reste un dernier tour et j'aurai fini le front de la raquette.
Narration - Pour égaliser les espaces de tressage, on se sert d'une corne de jeune caribou.
Rodrigue Fontaine - Chasseur, toi qui sauvegardes bien ton savoir-faire
Dans le bois, là où ton grand-père t'as appris à chasser
Prépare-toi à monter dans le bois
Là où ta grand-mère t'a appris à t'occuper de toi
Chasseur, toi qui as suivi la rivière pour aller chasser
Chasseur, là tu monteras ton campement
Jean-Baptiste Bellefleur - Je me mets toujours une marque pour indiquer le dessus de la raquette. Il y a effectivement un dessus et un dessous. En dessous, le côté du contour est bien arrondi pour ne pas que la babiche soit endommagée. De même, le contour est plus large en dessous qu'en dessus, comme des griffes.
Narration - Il existe deux façons d'attacher ses raquettes. Celle-ci est la façon traditionnelle de faire.
Jean-Baptiste Bellefleur - Et celle-là est la façon des Blancs.
Narration - Si vous regardez la bouche de la raquette, vous remarquerez qu'elle n'est pas symétrique par rapport à son centre. Il y a un côté gauche et un côté droit. Cela permet à la raquette de s'incliner légèrement de l'intérieur vers l'extérieur, lui évitant ainsi de toucher à l'autre raquette.
Jean-Baptiste Bellefleur - En plaçant les raquettes comme ceci pour sortir, je m'assure l'aide de celles-ci dans mes déplacements. De cette façon, je leur indique qu'elles doivent aller quelque part et qu'elles doivent en revenir.
Kanikuen Gabriel - Les Innus étaient tous de grands voyageurs. On allait à des endroits où on savait qu'il y avait du caribou ou sur des lacs où on savait qu'il y avait beaucoup de truites. Si ces endroits nous étaient familiers, ils l'étaient également pour beaucoup d'autres Indiens : des Innus, des Cris, des Naskapis, et nous travaillions ensemble à pêcher, à chasser et à partager. C'était la façon de vivre dans le territoire.
Narration - L'hiver, la raquette était une nécessité pour tout le monde. Sans elle, pas question de bouger. Pour les chasseurs, elle permettait de marcher en forêt à l'abri du vent, de traverser directement un lac sans devoir le contourner et, surtout, de rattraper le caribou qui, lui, était retardé parce qu'il s'enfonçait dans la neige.
Narrator - I was born 45 miles north of Schefferville. We went to this territory every year since my grandfather's time. We traveled about 600 miles from the sea, (or Uashat Sept-Iles), to get to this place.
Kanikuen Gabriel - We left around the end of August. Sometimes we traveled by night because of the wind: we had to get there before the ground froze. Once we got to the land, we hunted caribou and bear to stock up on supplies. We knew we would need them later.
We also took this opportunity to make ourselves clothing, moccasins, and snowshoes. It was just before trapping season. For this snowshoe, whose front is not laced, I'll use string...
I use temporary snowshoes at the beginning of winter when there's not much snow, so I don't have to use my good snowshoes. It took one day to make this kind of snowshoe. We needed them immediately.
Narrator - As soon as the caribou was killed, the Innu began to make hunter's snowshoes and moccasins.
Pelashe Mark - During wintertime, the hunters left very early and returned very late. Because the days were short, the Innu did a lot of work inside the tent. And when they heard the far-off sound of snowshoes on the snow, they knew it was the hunters returning.
Kanikuen Grabriel and Antoine Mark - Hello! Hello! Guests are here. Where are you from? Unaman-shipu Ha! Unaman-shipu!
In winter, the most important object in the bush is the snowshoe. Without it, you can't get around. Innu have the greatest respect for the snowshoe. For example, if an Innu sees a pair on the ground, he'll immediately pick them up and hang them up. You understand their importance now.
Marie-Josette Bellefleur and Pelashe Mark - The hunter must know his territory perfectly, day or night.
Hunting is very difficult and there is much to do. The hunter must travel long distances carrying heavy loads.
A hunter is an important person, who is well taken care of.
We make his clothing, clean his catch, and lace his snowshoes. It's in our interest to take good care of him. In fact, we're extremely proud of him.
Narrator - Great respect is shown to the hunter and his gear, meaning his clothing, food and snowshoes. When we know who a pair of snowshoes is being made for, we automatically know its dimensions.
Jean-Baptiste Bellefleur - I can't carry this birch back to the camp, it's too heavy. I'll cut it here. I'll need my woodworking tools. It's a good birch, very resistant. I'll use it to make the snowshoe frames.
Narrator - It's not always possible to find a birch this size. In that case, it must be replaced by a smaller birch or a larch, also a very resistant hardwood. Often, several of us work on the same pair of snowshoes. This pair, for example, will be assembled by Antoine and laced by Pelashe. The important thing is that all the contributors have the same intention, to help the hunter feed his people.
Jean-Baptiste Bellefleur - I'll leave them to dry for three days, then I'll even them out.
Kanikuen Gabriel - When the elder puts the finishing touches on his snowshoes, it's like a mechanic that does the finishing on his own car. In a group of hunters, there's always one or two who are better walkers, who go the farthest. They are given snowshoes. I've never seen a young man come home empty-handed when he has new snowshoes. The animal finds him handsome. When this elder finishes lacing, she'll place the snowshoes facing the sunrise, in snow that no one has walked on. She'll place them so an animal can admire them.
Narrator - The value of the snowshoe is determined by each person's intention. Ideally, the snowshoe is flexible enough to support the person it's designed for, as light as possible, and... as beautiful as the hunter is handsome.
The holes that hold the string are placed diagonally and close to each other. This way, the string passes as much as possible inside the frame, which keeps it from wearing out too quickly. It's a technique called "marten's tracks" because of the diagonal and the distance between the holes, a pattern reminiscent of a marten's track. Then we attach different-coloured wool decorations and carve floral or other designs to make the snowshoe even more beautiful.
Pelashe Mark - I thread the rawhide lacing between the strings and I lace it, going around like this. But first, I use a string to hold the various pieces in place while they dry.
Narrator - The lacing is done with rawhide sinew, which is made from rawhide, a hide that hasn't been tanned. The stand holding the snowshoe has a very special meaning. Because we don't want to put added pressure on the snowshoe, which would only slow the hunter down, we hang it on the stand rather than holding it between our knees. Obviously the entire snowshoe can't be laced with a single length of sinew. So, two pieces are joined by making an incision in each one and interlocking them. The resulting joint is practically invisible once dry.
In making his own snowshoes, an Innu unites the animal, vegetable and human kingdoms. This is because his snowshoes help him to hunt and feed his family. It's a subtlety that the Innu language recognizes by classifying the word "asham" (snowshoe) in the category of animated nouns. It takes about a week to lace a pair of snowshoes. To keep boredom at bay, Innu get together and make all kinds of objects.
Pelashe Mark - One more day and I'll have finished the front of the snowshoe.
Narrator - We use an antler from a young caribou to even out the spaces between the lacings.
Rodrigue Fontaine - Hunter, hunter
You who keep your knowledge safe
Hunter in the bush
That's where your grandfather Taught you to hunt
Hunter it's time to go to your land
Hunter in the bush That's where your grandmother taught you
To take care of yourself
Hunter, hunter You who followed the river
To reach your land
Hunter, hunter You'll pitch your tent
Jean-Baptiste Bellefleur - I always make a mark to indicate the top of my snowshoe. It has a top and a bottom. On the bottom, the side of the frame is rounded so as not to damage the rawhide lacing. Also, the frame is larger on the bottom than on top, like claws.
Narrator - There are two ways of tying snowshoes. This is the traditional way.
Jean-Baptiste Bellefleur - And this is how Whites do it.
Narrator - If you look at the opening of the snowshoe, you'll see that it's not symmetrical from the centre. There's a left and a right side. This allows the snowshoe to incline slightly from the interior towards the exterior, keeping it from touching the other snowshoe.
Jean-Baptiste Bellefleur - By placing the snowshoes this way when I go out, I ensure their help as I move around. I'm telling them that they must go somewhere, and then come back.
Kanikuen Gabriel - The Innu were all great travelers. They met all over Québec, in a land without borders. We went to places where we knew there was caribou or to lakes where we knew trout was bountiful. If these places were familiar to us, they were also familiar to many other Indians: Innu, Cree, Naskapi. And we worked together to fish, hunt and share. That was our way of life on the land.
Narrator - In winter, snowshoes were a necessity for everyone. We couldn't get around without them. They enabled the hunters to walk in the forest out of the wind, to cross a lake directly without having to go around it, and especially to catch up to a caribou which had been delayed by sinking into the snow.
Music - Rodrigue Fontaine, Bill St-Onge, Luc Bacon
Pelashe Mark - En hiver, les chasseurs partaient très tôt et revenaient très tard. Comme les journées étaient courtes, les Innus travaillaient beaucoup à l'intérieur de la tente. Et quand ils entendaient, au loin, le bruit des raquettes sur la neige, ils savaient que c'était les chasseurs qui revenaient.
Kanikuen Grabriel et Antoine Mark - Bonjour! Bonjour! De la visite qui arrive. D'où venez-vous? De Unaman-shipu. Ha! de Unaman-shipu!
M. Aster - Le plus important en forêt, l'hiver, c'est la raquette. Sans cela, tu ne peux te déplacer. L'Innu éprouve un très grand respect envers la raquette. Par exemple, s'il en voit une paire par terre, il va immédiatement la ramasser et l'accrocher. Vous comprenez maintenant son importance.
Narration - Je suis né à 45 milles au nord de Schefferville. C'est dans ce territoire que nous allons à chaque année, depuis le temps de mon grand-père. À partir de la mer, c'est-à-dire de Uashat (Sept-Îles), nous parcourions environ 600 milles pour atteindre cet endroit.
Kanikuen Gabriel - Nous partions vers la fin août. Parfois, nous voyagions de nuit à cause du vent; il fallait arriver avant les gels. Une fois rendus dans le territoire, nous chassions le caribou et l'ours pour nous faire des provisions. Nous savions que nous en aurions besoin plus tard.
Nous en profitions également pour nous fabriquer des vêtements, des mocassins et des raquettes. C'était juste avant le trappage. Avec cette raquette, le devant n'étant pas tressé, je vais me servir d'une corde...
J'utilise ces raquettes de dépannage en début d'hiver, quand il n'y a pas beaucoup de neige, pour ne pas avoir à utiliser mes raquettes de marche. Il nous fallait seulement une journée pour fabriquer ce genre de raquettes. Nous en avions besoin immédiatement.
Narration - Aussitôt le caribou abattu, les Innus entreprenaient la fabrication des raquettes et des mocassins du chasseur.
Narration - On accorde beaucoup de respect au chasseur et à son équipement, c'est-à-dire ses vêtements, sa nourriture et ses raquettes. En sachant pour qui on fait des raquettes, automatiquement on connaîtra les dimensions de celles-ci.
Jean-Baptiste Bellefleur - Je ne pourrai pas transporter ce bouleau au campement, il est trop lourd. Je vais plutôt le tailler ici. Il va me falloir mes outils de bois. C'est un bon bouleau; il est très résistant. Je vais le prendre pour fabriquer les fûts de raquettes.
Narration - Ce n'est pas toujours possible de trouver du bouleau de cette taille. Autrement, on est obligé de le remplacer par du bouleau de plus petite taille ou par du mélèze qui, lui aussi, est un bois dur très résistant. Souvent, nous sommes plusieurs à travailler sur une paire de raquettes. C'est le cas de celle-ci, par exemple, qui sera assemblée par Antoine et tressée par Pelashe. L'important, c'est que tous les collaborateurs aient la même intention, c'est-à-dire d'aider le chasseur à nourrir tout son monde.
Jean-Baptiste Bellefleur - Je les laisse sécher trois jours, après je vais les égaliser pour que mes contours soient égaux.
Kanikuen Gabriel - Quand l'aîné finit ses raquettes, c'est comme un mécanicien qui finit sa propre voiture. Dans un groupe de chasseurs, il y en a toujours un ou deux qui sont meilleurs marcheurs, qui vont le plus loin. On leur donne alors des raquettes. Avec ses nouvelles raquettes, je n'ai encore jamais vu un jeune revenir les mains vides. L'animal le trouve beau. Quand cette aînée finira son tressage, elle placera les raquettes face au lever du jour, dans de la neige que personne n'a encore piétinée. Elle les placera de façon à ce qu'un animal puisse les admirer.
Marie-Josette Bellefleur et Pelashe Mark - Le chasseur doit connaître à la perfection son territoire, le jour comme la nuit.
La chasse est très dure et il a beaucoup à faire. Il doit se déplacer sur de longues distances, en transportant de lourdes charges.
C'est un personnage important et on s'en occupe bien.
On lui fait ses vêtements, on arrange ses prises et on tresse ses raquettes. On a intérêt à bien s'occuper de lui. Pour tout dire, il est notre fierté.
Narration - La valeur de la raquette est déterminée par l'intention que chacun y donne. Idéalement, la raquette sera assez flexible pour supporter la personne à qui elle est destinée, aussi légère que possible et... aussi belle que ne l'est le chasseur lui-même.
Quant aux trous pour tenir la corde, ils sont en diagonale et ils sont rapprochés les uns des autres. De cette façon, la corde peut passer le plus possible à l'intérieur des fûts, ce qui lui permet de ne pas s'user trop vite. C'est une technique appelée « piste de martre » en raison de la diagonale et de la distance entre les trous, un motif qui fait penser à une piste de martre. On posera des garnitures en laine de couleurs différentes et on fera des motifs de fleurs ou d'autres choses, pour que ce soit encore plus beau.
Pelashe Mark - Je passe la babiche entre les cordes et je tresse, en faisant le tour, comme ceci. Mais avant, je me sers d'une corde pour maintenir en place les différentes pièces, le temps qu'elles s'assèchent.
Narration - On utilise de la babiche pour faire le tressage. C'est une peau de caribou encore verte, une peau qui n'a pas été tannée. Le support qui tient la raquette a une signification très spéciale. Puisqu'on ne veut pas mettre de pression inutile sur la raquette, ce qui ne servirait qu'à retarder le chasseur, on l'accroche sur le support plutôt que de se la mettre entre les genoux. Évidemment, on ne peut tresser toute la raquette avec une seule longueur de babiche. On joint alors deux bouts en faisant une incision sur chacun et en les intégrant l'un dans l'autre. La enture qui en résulte devient pratiquement invisible une fois séchée.
En fabricant ses raquettes, l'Innu se trouve à réunir les mondes végétal, animal et humain. Cela parce que ses raquettes l'aideront à chasser pour nourrir les siens. C'est une subtilité dont la langue innue tient compte en classant le mot « asham » (raquette) dans la catégorie des noms animés. Il faut compter environ une semaine pour tresser une paire de raquettes. Pour contrer l'ennui, les Innus se regroupent dans un même endroit et s'adonnent à toutes sortes de travaux.
Pelashe Mark - Il me reste un dernier tour et j'aurai fini le front de la raquette.
Narration - Pour égaliser les espaces de tressage, on se sert d'une corne de jeune caribou.
Rodrigue Fontaine - Chasseur, toi qui sauvegardes bien ton savoir-faire
Dans le bois, là où ton grand-père t'as appris à chasser
Prépare-toi à monter dans le bois
Là où ta grand-mère t'a appris à t'occuper de toi
Chasseur, toi qui as suivi la rivière pour aller chasser
Chasseur, là tu monteras ton campement
Jean-Baptiste Bellefleur - Je me mets toujours une marque pour indiquer le dessus de la raquette. Il y a effectivement un dessus et un dessous. En dessous, le côté du contour est bien arrondi pour ne pas que la babiche soit endommagée. De même, le contour est plus large en dessous qu'en dessus, comme des griffes.
Narration - Il existe deux façons d'attacher ses raquettes. Celle-ci est la façon traditionnelle de faire.
Jean-Baptiste Bellefleur - Et celle-là est la façon des Blancs.
Narration - Si vous regardez la bouche de la raquette, vous remarquerez qu'elle n'est pas symétrique par rapport à son centre. Il y a un côté gauche et un côté droit. Cela permet à la raquette de s'incliner légèrement de l'intérieur vers l'extérieur, lui évitant ainsi de toucher à l'autre raquette.
Jean-Baptiste Bellefleur - En plaçant les raquettes comme ceci pour sortir, je m'assure l'aide de celles-ci dans mes déplacements. De cette façon, je leur indique qu'elles doivent aller quelque part et qu'elles doivent en revenir.
Kanikuen Gabriel - Les Innus étaient tous de grands voyageurs. On allait à des endroits où on savait qu'il y avait du caribou ou sur des lacs où on savait qu'il y avait beaucoup de truites. Si ces endroits nous étaient familiers, ils l'étaient également pour beaucoup d'autres Indiens : des Innus, des Cris, des Naskapis, et nous travaillions ensemble à pêcher, à chasser et à partager. C'était la façon de vivre dans le territoire.
Narration - L'hiver, la raquette était une nécessité pour tout le monde. Sans elle, pas question de bouger. Pour les chasseurs, elle permettait de marcher en forêt à l'abri du vent, de traverser directement un lac sans devoir le contourner et, surtout, de rattraper le caribou qui, lui, était retardé parce qu'il s'enfonçait dans la neige.
Narrator - I was born 45 miles north of Schefferville. We went to this territory every year since my grandfather's time. We traveled about 600 miles from the sea, (or Uashat Sept-Iles), to get to this place.
Kanikuen Gabriel - We left around the end of August. Sometimes we traveled by night because of the wind: we had to get there before the ground froze. Once we got to the land, we hunted caribou and bear to stock up on supplies. We knew we would need them later.
We also took this opportunity to make ourselves clothing, moccasins, and snowshoes. It was just before trapping season. For this snowshoe, whose front is not laced, I'll use string...
I use temporary snowshoes at the beginning of winter when there's not much snow, so I don't have to use my good snowshoes. It took one day to make this kind of snowshoe. We needed them immediately.
Narrator - As soon as the caribou was killed, the Innu began to make hunter's snowshoes and moccasins.
Pelashe Mark - During wintertime, the hunters left very early and returned very late. Because the days were short, the Innu did a lot of work inside the tent. And when they heard the far-off sound of snowshoes on the snow, they knew it was the hunters returning.
Kanikuen Grabriel and Antoine Mark - Hello! Hello! Guests are here. Where are you from? Unaman-shipu Ha! Unaman-shipu!
In winter, the most important object in the bush is the snowshoe. Without it, you can't get around. Innu have the greatest respect for the snowshoe. For example, if an Innu sees a pair on the ground, he'll immediately pick them up and hang them up. You understand their importance now.
Marie-Josette Bellefleur and Pelashe Mark - The hunter must know his territory perfectly, day or night.
Hunting is very difficult and there is much to do. The hunter must travel long distances carrying heavy loads.
A hunter is an important person, who is well taken care of.
We make his clothing, clean his catch, and lace his snowshoes. It's in our interest to take good care of him. In fact, we're extremely proud of him.
Narrator - Great respect is shown to the hunter and his gear, meaning his clothing, food and snowshoes. When we know who a pair of snowshoes is being made for, we automatically know its dimensions.
Jean-Baptiste Bellefleur - I can't carry this birch back to the camp, it's too heavy. I'll cut it here. I'll need my woodworking tools. It's a good birch, very resistant. I'll use it to make the snowshoe frames.
Narrator - It's not always possible to find a birch this size. In that case, it must be replaced by a smaller birch or a larch, also a very resistant hardwood. Often, several of us work on the same pair of snowshoes. This pair, for example, will be assembled by Antoine and laced by Pelashe. The important thing is that all the contributors have the same intention, to help the hunter feed his people.
Jean-Baptiste Bellefleur - I'll leave them to dry for three days, then I'll even them out.
Kanikuen Gabriel - When the elder puts the finishing touches on his snowshoes, it's like a mechanic that does the finishing on his own car. In a group of hunters, there's always one or two who are better walkers, who go the farthest. They are given snowshoes. I've never seen a young man come home empty-handed when he has new snowshoes. The animal finds him handsome. When this elder finishes lacing, she'll place the snowshoes facing the sunrise, in snow that no one has walked on. She'll place them so an animal can admire them.
Narrator - The value of the snowshoe is determined by each person's intention. Ideally, the snowshoe is flexible enough to support the person it's designed for, as light as possible, and... as beautiful as the hunter is handsome.
The holes that hold the string are placed diagonally and close to each other. This way, the string passes as much as possible inside the frame, which keeps it from wearing out too quickly. It's a technique called "marten's tracks" because of the diagonal and the distance between the holes, a pattern reminiscent of a marten's track. Then we attach different-coloured wool decorations and carve floral or other designs to make the snowshoe even more beautiful.
Pelashe Mark - I thread the rawhide lacing between the strings and I lace it, going around like this. But first, I use a string to hold the various pieces in place while they dry.
Narrator - The lacing is done with rawhide sinew, which is made from rawhide, a hide that hasn't been tanned. The stand holding the snowshoe has a very special meaning. Because we don't want to put added pressure on the snowshoe, which would only slow the hunter down, we hang it on the stand rather than holding it between our knees. Obviously the entire snowshoe can't be laced with a single length of sinew. So, two pieces are joined by making an incision in each one and interlocking them. The resulting joint is practically invisible once dry.
In making his own snowshoes, an Innu unites the animal, vegetable and human kingdoms. This is because his snowshoes help him to hunt and feed his family. It's a subtlety that the Innu language recognizes by classifying the word "asham" (snowshoe) in the category of animated nouns. It takes about a week to lace a pair of snowshoes. To keep boredom at bay, Innu get together and make all kinds of objects.
Pelashe Mark - One more day and I'll have finished the front of the snowshoe.
Narrator - We use an antler from a young caribou to even out the spaces between the lacings.
Rodrigue Fontaine - Hunter, hunter
You who keep your knowledge safe
Hunter in the bush
That's where your grandfather Taught you to hunt
Hunter it's time to go to your land
Hunter in the bush That's where your grandmother taught you
To take care of yourself
Hunter, hunter You who followed the river
To reach your land
Hunter, hunter You'll pitch your tent
Jean-Baptiste Bellefleur - I always make a mark to indicate the top of my snowshoe. It has a top and a bottom. On the bottom, the side of the frame is rounded so as not to damage the rawhide lacing. Also, the frame is larger on the bottom than on top, like claws.
Narrator - There are two ways of tying snowshoes. This is the traditional way.
Jean-Baptiste Bellefleur - And this is how Whites do it.
Narrator - If you look at the opening of the snowshoe, you'll see that it's not symmetrical from the centre. There's a left and a right side. This allows the snowshoe to incline slightly from the interior towards the exterior, keeping it from touching the other snowshoe.
Jean-Baptiste Bellefleur - By placing the snowshoes this way when I go out, I ensure their help as I move around. I'm telling them that they must go somewhere, and then come back.
Kanikuen Gabriel - The Innu were all great travelers. They met all over Québec, in a land without borders. We went to places where we knew there was caribou or to lakes where we knew trout was bountiful. If these places were familiar to us, they were also familiar to many other Indians: Innu, Cree, Naskapi. And we worked together to fish, hunt and share. That was our way of life on the land.
Narrator - In winter, snowshoes were a necessity for everyone. We couldn't get around without them. They enabled the hunters to walk in the forest out of the wind, to cross a lake directly without having to go around it, and especially to catch up to a caribou which had been delayed by sinking into the snow.
Music - Rodrigue Fontaine, Bill St-Onge, Luc Bacon
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Citation
Bellefleur, Pelashe (babiche et tressage), Gabriel, kunikuen (raquette de dépannage), and Bellefleur, Jean-Baptiste (fût), “raquettes traditionnelles innues (ashamat),” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 13, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/415.