André, Délima

Title

André, Délima

Subject

Port-cartier; rassemblement; mariage organisé; Apituamiss; Mani-utenam construction; chasse; pêche; entraide; vache; Uashat

Description

histoire innue; récit de vie

Creator

André, Délima (interviewé)
St-Onge, Evelyne (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)

Source

Production Manitu inc.

Publisher

Production Manitu inc.

Rights

Production Manitu inc.

Language

Innu

Coverage

Entretien à Mani Utenam (Québec, Canada)

Type

récit de vie | oral history

Format

MP4, 24 min. 51 s.

Original Format

vidéo | video

Transcription

Évelyne : Quel âge as-tu et tu es né où ?
Délima : Là-bas à Port-Cartier dans mon territoire de chasse et j'ai 94 ans.
Évelyne : Et vous demeuriez à Port-Cartier ?
Délima : Oui.
Évelyne : Y avait-il beaucoup d’Innus ?
Délima : Non, il y avait seulement mon grand-père Ti-Basse et nous, Malukiss.
Évelyne : Et où étaient les autres Innus ?
Délima : IIs étaient à Moisie, dans leur territoire, la Mishta-Shipu. Nous, là-bas, nous ne voyions personne, on était toujours deux. On est né là-bas et on a grandi là-bas.
Et, il y avait les Innus de Uashat. Quand le prêtre, lors de son passage annuel, on se rencontrait tous à Uashat, c'était en août. Après la procession de la vierge Marie, tous les Innus montaient dans le bois, les préparatifs ne duraient qu'une nuit.
Évelyne : Y avait-il une procession, des mariages aussi ?
Délima : Oui, il y avait des confessions également.
Évelyne : Et toi, tu t'es mariée là ?
Délima : À Sept-Îles.
Évelyne : Lors du passage annuel du curé ?
Délima : Oui.
Évelyne : Quand ?
Délima : Je ne me souviens pas.
Évelyne : Étiez-vous plusieurs à vous marier cette année-là ?
Délima : Oui, ils étaient plusieurs couples, quelquefois, il y avait 3 couples et à d'autres occasions, il y en avait 4 et des fois 5.
Évelyne : Et toi, quand tu t'es mariée, combien étiez-vous ?
Délima : Je ne sais pas combien, mais on était plusieurs.
Évelyne : Comment tu t'es mariée, est-ce qu'on avait choisi ton mari ?
Délima : Oui, on m’avait choisi.
Évelyne : Est-ce que ce sont tes parents qui ont fait la demande, ou bien c'était lui ?
Délima : Ce sont ses parents. Anciennement, quand on voulait se marier, on avait besoin de ses parents.
Évelyne : Après ton mariage, tu es montée dans le bois ?
Délima : Oui.
Évelyne : Comment c'est venu Apitiuamiss (Mani-utenam) ?
Délima : Avant, ça n'existait pas. C'est mon mari, quand il était chef qui a été l'instigateur de cette réserve.
Evelyne : Comment c'est venu ?
Délima : Ils sont venus choisir le site idéal, ils étaient accompagnés des fonctionnaires du gouvernement. Ce terrain appartenait aux Gallienne. Au début, le paternel Gallienne n'a pas voulu vendre son terrain, mais le gouvernement le menaça de le saisir et il accepta. On lui donna une partie de terre où se trouve actuellement La Boule. Ce sont les Innus qui ont défriché Malio.
Évelyne : D'où viennent les Innus qui demeurent ici ?
Délima : Ce sont les Innus de Mishta-Shipu (MISHTA-SHIPIUNNUAT).
Aussitôt les petites maisons terminées, ils déménagèrent. Les Innus de Mishta-Shipu avaient hâte de déménager, car alors, leur maison était mal isolée et les hivers étaient froids. Il n'y avait pas d’eau au début. L'eau de la rivière en bas était bonne avant que les Innus la pollue. Avant qu'il y ait un système de pompage, les Innus allaient chercher leur eau en bas de la côte avec des sceaux. Les Innus aimaient bien cet endroit, tellement qu'ils sont entrés avant qu'on finisse de construire toutes les maisons.
Évelyne : Moi, je me rappelle que mon grand-père Georges Régis, il demeurait sur le bord du chemin.
Délima : Aussitôt, l’eau installé, les Innus s’installèrent avec des tentes.
Évelyne : Y avait-il des Innus de Uashat ?
Délima : Non, ils restaient à Sept-Îles. Il n'y avait plus d’Innus de Mishta-Shipu lorsqu'ils se ressemblaient lors du passage du curé. Il n'y avait pas tellement d’Innus de Uashat. Ces derniers montaient dans le bois par TSHEMANIPISHTUK (Sainte-Marguerite). L’église à Uashat est une vieille église et c'est là qu'on se rencontrait.
Évelyne : Pourquoi appelle-t-on Apituamiss, Mani-utenam ?
Délima : Parce qu'il se trouve au milieu entre Mishta-Shipu et Uashat. Anciennement Malio s'appelait KAPITUNEIAT. Tu vois quand la marée est basse, il y a de l'eau qui reste sur le bord.
Évelyne : Les Innus de Mishta-Shipu, ils venaient débarquer à Apitiuamiss lorsqu'ils se rendaient à Uashat ?
Délima : Ils marchaient en portageant quand ils allaient prier à Uashat. Quelques-uns prenaient le canot. Pour les marcheurs, ils attendaient la marée basse. Comme ma grand-mère Monique, elle partait de bonne heure avec un sac dans son dos et elle arrivait en avant-midi à Uashat. D'autres se servaient des moteurs hors-bord et des chevaux. Celui qui se servait d’un cheval, il avait les moyens plus qu'un autre. Ma tante Adeline utilisait un cheval comme moyen de transport. On l'appelait la riche.
Évelyne : Est-ce que les Innus de Mishta-Shipu étaient toujours dans le bois ?
Délima : Absolument, tous montaient dans le bois. Mais les plus vieux restaient en bas, comme le vieux Jean-Marie et ton oncle Josepiss. On aidait un peu les vieux, mais ceux de notre âge, ils devaient subvenir à leurs besoins. Comme nous, notre père s'est toujours occupé de nous sans l'aide du gouvernement. Nous vivions des produits de la chasse et de la pêche comme tous les autres d'ailleurs. Pour les provisions, le magasin nous faisait du crédit et au retour de la période de chasse, on réglait nos factures et avec le reste, nos provisions pour l’année : trois barils de farine, une boîte de thé. On achetait beaucoup de thé pour la prochaine période de chasse.
Quelques-uns devaient avoir des difficultés, ceux qui n’avaient pas eu une bonne chasse. Ce n'était pas notre cas.
Évelyne : Mais, ils restaient dans le bois ?
Délima : Oui, quand on savait que quelqu'un n'avait pas de bons résultats, on lui venait en aide comme MESSINAKUSS, on lui donnait la prime. Mon mari lui avait donné la moitié du baril et à Jean-Baptiste Ashini. Il devait y avoir beaucoup d’Innus qui ne mangeaient pas. Quand on était à Uashat, ils venaient me voir, ils me disaient qu'ils avaient faim et je leur donnais à manger. Je faisais de la soupe en très grosse quantité pour pouvoir en donner.
Évelyne : Tu as vécu à Port-Cartier, Uashat et ici à Malio ?
Délima : Oui.
Évelyne : Pourquoi as-tu déménagé à Sept-Îles ?
Délima : Parce qu’on n’aimait pas ça et parce qu'il mettait à jour Apituamiss et on déménageait ici. Il a aussi fait Schefferville et nous avons déménagé là-bas.
Évelyne : On partait là-bas pour travailler ?
Délima : Oui, ils ont demandé pour qu'il y ait une réserve.
À Knob lake, les premiers Neskapis arrivèrent, Nua et son frère Luke. Ils venaient en éclaireur pour constater les lieux. Pour arriver là, ils sont partis à pied, au printemps. Ils ont utilisé le canot pour les lacs et les rivières. Ensuite, vu qu'il y avait une base militaire, mon mari dans un avion militaire est parti chercher les autres.
Évelyne : Et vous êtes revenus à Malio ?
Délima : Oui, après la fermeture de la ville de Schefferville. S'il n'avait pas été malade, il commençait à l’être. Nous ne serions pas revenus. Ce n'était pas convenable pour lui de rester dans un endroit froid.
Évelyne : Tu le regrettes ?
Délima : Oui, nous le regrettions, mais d'un autre côté, il ne pouvait plus chasser. Sans cette raison, nous ne serions jamais revenus à Malio.
Évelyne : Vous êtes revenus ici ?
Délima : Oui.
Évelyne : C'est la maladie qui vous a fait revenir ici ?
Délima : Oui, pour se rapprocher des médecins traitants, car avant la fermeture de la ville de Schefferville, il y avait de bons médecins et ils laissaient la ville à cause de la fermeture.
Évelyne : Le nombre de personnes augmente à Malio ?
Délima : Oui.
Évelyne : Il y avait seulement une rue ?
Délima : Oui, et aujourd'hui, il y a plusieurs résidents.
Évelyne : Aimes-tu ça rester ici ?
Délima : Oui, mais j'aimerais encore plus si je pouvais me déplacer plus facilement. Mais moi, si je pouvais me déplacer comme dans le temps, c'est rare que vous me verriez ici, je serais toujours dans le bois. J’aimais me retrouver dans le bois, quand on partait en canot, on chassait, on restait dans le bois jusqu'après les fêtes. Ensuite, on descendait en canot et à pied jusqu'ici. On partait de Sheshashit jusqu’ici.
Évelyne : Ça date de quand ton dernier voyage ?
Délima : On le faisait toujours en canot.
Évelyne : Est-ce que ça fait longtemps ton dernier voyage ?
Délima : Bien sûr que ça fait longtemps ! Depuis l'arrivée du train, on ne fait plus ce genre de voyage. On a même monté dans le bois en train, dans notre territoire, des fois, on le faisait en avion et là-bas, en canot.
Évelyne : Vous partiez de Schefferville ?
Délima : Oui.
Évelyne : Et aujourd'hui, qu'est-ce que tu fais, tu es toujours occupée ?
Délima : Je travaille toujours.
Évelyne : Et aujourd'hui qu'est-ce que tu fais ici ? Tu te prépares à partir demain ? Tu vas partir avec tes enfants ?
Délima : Oui, je m'en vais avec Luc.
Évelyne : Où vas-tu ?
Délima : Là-bas on a construit notre chalet, nous allons dormir une nuit et revenir dimanche avec la fille de Luc et Jeanne d'Arc.
Évelyne : C’est ton territoire de chasse là-bas ?
Délima : Oui, c'est notre territoire depuis mon enfance.
Évelyne : Tu dois bien le connaître ?
Délima : Oui, je le connais très bien parce que je suis née là.
Évelyne : Qu'est-ce qu'il y a là-bas, les fruits sauvages ?
Délima : Oui, il y a aussi la truite mouchetée. Après je vais monter.
Évelyne : À Schefferville ?
Délima : Oui.
Évelyne : Quand ?
Délima : Quand j'aurais reçu ma pension de …
Évelyne : Nous aussi montons là-bas à la fin du mois.
Délima : Moi aussi, Véronique va monter plus tôt parce qu'elle enseigne là-bas.
Évelyne : C'est là que tu vas séjourner ?
Délima : Elle m'invite pour me garder là-bas et j'aime mieux demeurer là-bas parce qu'ici, je suis toujours seule la nuit et tandis que là-bas, on est toujours deux.
Évelyne : Ah ! Ici tu es seule ?
Délima : Oui, et je ne sais pas composer un numéro de téléphone.
Évelyne : Vous n'aviez pas ça vous autres dans votre temps ?
Délima : Il n'y en avait pas. J'ai fait n'importe quoi, c'est moi qui s'est occupé de la vache de ma grand-mère à Port-Cartier. Il n'y a rien que je n'ai pas fait.
Évelyne : Combien y avait-il de vaches ?
Délima : Il y avait jusqu'à 3 vaches. Quand mon mari partait dans le bois, c'est moi qui s'occupait d’elles.
Évelyne : Il devait y avoir des poules aussi ?
Délima : Oui, elle avait aussi des poules.
Évelyne : Et la semence ?
Délima : Oui, on semait des pommes de terre. On avait construit une cave pour entreposer les patates. On les déterrait en octobre, on les mettait dans la cave, on montait avec nous les patates lorsqu'on partait en octobre et à notre retour en avril, on déterrait la cave pour prendre les patates.
Évelyne : Vous deviez avoir du plaisir ?
Délima : Oui, mais on travaillait beaucoup.
Évelyne : Vous deviez être deux, toi et Louisa ?
Délima : On était deux. Mais avant le mariage des fils d’Athanase, eux aussi, Pierre et Francis, ils n'étaient pas encore mariés. Après que les trois se soient mariés, nous n'étions que deux. Ma mère s'est occupée de sa mère.
Évelyne : Il y avait un blanc, un certain Bérubé qui vous cherchait. Il a dit qu'il vous a bien connu. Que vous étiez ensemble quand vous étiez jeunes. Là-bas, à Port-Cartier.
Délima : C'est peut-être lui, il avait une fille, il restait très proche de nous.
Évelyne : Toi et Louisa ?
Délima : Oui.
Évelyne : Aujourd'hui, tu fais de la couture ?
Délima : Je fais encore des mocassins.
Évelyne : Est-ce que tu fais des médications ? Est-ce que tu t’en sers des médications innues ?
Délima : Je m'en sers toujours.
Évelyne : Et la résine de sapin que je t'ai donnée ?
Délima : Je l'ai tout utilisée. Tu devrais peut-être en chercher d'autre.
Évelyne : Je vais en chercher d'autre avant que tu partes pour Schefferville.
Délima : On n'en trouve pas à Schefferville. Il n'y a pas de sapin.
Évelyne : Je vais t'en amener avant ton départ. Tu fais des médications ?
Délima : Non, c'est pour mon usage personnel et pour les enfants.
Évelyne : Tu fais des compresses avec la résine de sapin. Est-ce qu'on te demande des médications ?
Délima : Non, on ne m’en a jamais demandé. On demande plutôt à Véronique.
Évelyne : Les Innus d'ici, de Moisie et de Uashat ?
Délima : Ils proviennent de Moisie.
Évelyne : Les Innus de Uashat devaient demeurer ici aussi ?
Délima : Il n'y a jamais eu d’Innus de Uashat ici.
Évelyne : Mais ils devaient venir eux aussi, ici ?
Délima : Non, ils n’ont jamais voulu.


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Citation

André, Délima (interviewé), St-Onge, Evelyne (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “André, Délima,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 22, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/331.

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