Nepton, Alain
Title
Nepton, Alain
Subject
Lac St-Jean; Piekuagani; Mashteuiatsh création; Mashteuiatsh; rassemblement; politique; agent de territoire; hydro-québec
Description
Histoire de Mashteuiatsh
Creator
Nepton, Alain (interviewé)
St-Onge, Evelyne (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)
Publisher
Production Manitu inc.
Date
2000
Contributor
Eddy Malenfant
Rights
Production Manitu inc.
Relation
Alain Nepton from CRC Uetshit Takuaimatishun on Vimeo.
Language
Français
Coverage
Entretien à Mashteuiatsh
Type
vidéo | video
Format
Mp4 27 min.
Original Format
vidéo | video
Transcription
Interview Alain Nepton
Évelyne : La dernière fois qu’on s’est vu, c’était à l’Université Laval… Puis, je suis venue te voir dans ton village. J’aimerais ça que tu me parles d’ici, est-ce que c’est un point de rassemblement ?
Alain : Ok. Juste pour se situer, la réserve est située sur le bord d'un lac qu'on appelle le lac Saint-Jean. Piekuagani, en montagnais, en innu. Ce lac a des dimensions quand même assez intéressantes, à peu près 30 km par 50 km puis ça se jette dans le Saguenay et par la suite ça va rejoint le fleuve Saint-Laurent. Mais c'est de l'eau douce, ce n’est pas comme sur le bord du fleuve, c'est de l'eau douce.
La réserve ici a été fondé en 1856.
Les Montagnais avaient l'habitude de se réunir sur les pointes durant l'été, se mettre un peu à l'abri des moustiques, puis pouvoir faire de la pêche à la pointe ici, c’est une pointe quand même assez intéressante, parce que c'était assez poissonneux. Il y a de l’ouananiche, il y a du doré. C’est situé un peu à la sortie de plusieurs rivières, la rivière Métabetchouane un peu plus loin qui se dirige par ici, tu as la rivière Mistassini et puis Mistassibi un peu en face et la rivière Péribonka, donc tous les gens, quand ils sortaient de ces rivières-là avaient souvent tendance à venir de ce côté-ci, à l’abri du vent, ils s’installaient ici. Il y avait d’autres endroits, mais ici, c’était assez utilisé.
La réserve a été créée d’abord parce qu’il y avait des gens qui se ramassaient ici. La réserve a été créées dans un but quand même assez intéressant à souligner, c'était pour inciter les Indiens à se sédentariser en pensent que les… il faut se rappeler que le Montagnais étaient nomades, c'étaient des gens qui chassaient continuellement en mouvance sur le territoire, puis le gouvernement fédéral cherchait des moyens de faire profiter de la civilisation. De faire profiter aux indiens de la civilisation à ce moment-là, on parlait d'agriculture, et que comme tout le pourtour du lac, c'est un terrain propice à l'agriculture, il s'était mis dans l’idée que, si on ouvrait une réserve, s’il y avait des terres réservées pour les Indiens, on pourrait peut-être les amener à s'adonner à l'agriculture donc, il a créé la réserve en 1856. Il a divisé la terre en lots d’agriculture, comme on voit à peu près dans tous les villages du Québec et il a attendu que les Indiens s'intéressent pour donner des lots à tous un chacun. Au début, il a commencé comme ça, il a donné des lots de terre à tous les Montagnais, mais les Montagnais partaient dans le bois, ça ne demeurait pas, parce qu’en fait, les gens demeuraient plus loin dans le territoire pour faire la chasse et toutes sortes d'activités. Ils venaient passer l’été ici donc, le lieu de résidence, si on peut appeler ça de même, ils étaient beaucoup plus en forêt et non pas ici. Ça fait que rester l'hiver ici, il fait trop froid, ça fait que les gens partaient en forêt à l'intérieur des terres donc, c'était un peu comme inhabité. Mais en même temps, plus au sud du fleuve Saint-Laurent, il y avait des peuples autochtones aussi, des Abénaquis, des Malécites qui avaient été dérangés par toute la venue de la colonisation de la partie sud du Québec. Ils avaient été dérangés par la guerre d'indépendance des États-Unis, la venue des loyalistes au Québec et tout ça faisait que ces autochtones-là étaient comme un peu déplacés, ils ne savaient pas trop où s'en aller.
Il y en avait là-dedans qui avaient entendu parler qu'il y avait des terres de disponibles dans le coin du Lac-Saint-Jean et on pense, on cherche encore des preuves de ça, mais c'est une histoire qui se raconte ; on pense que les missionnaires et les agents fédéraux, les agents du gouvernement fédéral ont mis en place du soutien, une forme de soutien pour amener ces gens-là à venir s'installer ici, amener des Malécites et c'est des Abénaquis à s’installer ici, et faire en sorte de devenir des exemples pour les Montagnais, pour donner un exemple concret, voyez comment on peut s'installer, comment on peut vivre de la terre et peut-être inciter le Montagnais à se sédentariser.
Il faut penser aussi que les missionnaires ayant à s’occuper de ces gens-là, ils les voyaient peut-être à tous les 5 ans ou à tous les 10 ans, les gens, quand ils étaient à 500 ou à 1000 km à l’intérieur des terres, ils ne venaient pas faire des tours souvent ici, c’est pas facile d’évangéliser et tenir tout ça à jour. Donc les missionnaires, peut-être dans un esprit chrétien, voulaient les amener aussi à la civilisation. Ils considéraient que la vie en forêt était une vie de misère, si on compare avec les critères du temps, ils disaient qu’il faut leur faire profiter de tous les bienfaits de… on est avancé nous, on est dans une société moderne. On pense que les missionnaires ont favorisés, même plusieurs personnes disaient que les prêtres nous incitaient à abandonner la forêt.
Évelyne : Ils allaient jusqu’où à l’intérieur des terres ?
Alain : À l’intérieur des terres, les rivières dont je parlais tout l’heure, le lac St-Jean c’est comme le point d’arrivé de plusieurs rivières, c’est un lac qui est de forme arrondie, il y a des rivières qui sont en forme d’étoiles partout à l’entour. Les rivières les plus longues, c’est à peu près, je dirais de 400 à 500 km, la rivière Péribonka c’est la plus longue. On va, à ce moment-là, jusqu’au milieu géographique du Québec d’aujourd’hui, près des monts Otish. Un peu plus loin, ça déverse vers la Baie-James. Les gens d’ici voyageaient jusque-là, ils rencontraient des gens de Betsiamites, ils rencontraient des Cris de Mistassini, de Nitsekun et ils rencontraient des gens d’un peu partout et des Atikameks.
Évelyne : Des Atikameks ?
Alain : Des Atikameks du côté ouest aussi, le site un peu moins loin, du côté des Atikameks on fait peut-être, je ne dirais même pas 100 km en ligne droite et on rencontre des Atikameks, donc c’est pas tellement loin.
C’est un peu un genre de carrefour ici. Il y avait beaucoup de gens qui voyageaient, il y avait 5, 6 grosses rivières majeures pour voyager en canot dans ce temps-là. Il y avait le Saguenay puis le St-Laurent, donc on était comme sur un genre d’autoroute, des gens de toutes nationalités qui venaient.
Évelyne : Ben oui, j’ai vu ça, il y a comme des Cris, des Atikameks, qui se sont vraiment mariés et installés ici.
Alain : Ça c’est plus récent. Il y en avait toujours eu au départ, parce qu’au gré des mariages, des amours on circule toujours un peu. Il en avait, mais avec la venue des routes, avec la venue des pensionnats, des écoles, avec la venue de la sédentarisation un peu plus marquée des Montagnais puis des Atikameks et des Cris à partir des années 50, ça fait en sorte que les gens se voisinaient plus souvent ici. Et là, il y a des familles Cris qui au lieu de s’installer plus loin en forêt sont venues s’installer ici, parce qu’on était plus proche des grands centres. Les Atikameks ça a été la même chose, ça fait peut-être une dizaine d’années qu’il y a une route qui se rends dans les réserves atikameks, ils y des Atikameks qui sont venus à l’école ici, qui fréquentent les écoles secondaires, donc se sont installés ici. Donc depuis les années 50, ça s’est marqué, la sédentarisation a avancée beaucoup plus. Assez que ça a influencé considérablement notre mode de vie. Je parlais des Abénaquis tantôt, des Malécites étaient plus portés vers l’agriculture ou encore au commerce, les Montagnais et les Innus plus du côté de la chasse. À partir des années 50 avec les mélanges entre les familles, ça a amené les gens à modifier leur mode de vie. De sorte qu’on peut dire qu’actuellement, il y a peut-être 70 % des familles qui sont pas mal concentrées ici, puis peut-être 30 % qui vont encore en forêt un peu comme c’était. Mais, c’est la vie moderne qui a amenée tout ça, il y a l’instruction…
Évelyne : Vous avez eu le pensionnat vous-autres, je pense ?
Alain : Oui, on a eu le pensionnat dans les années, fin des années 50, en 1959, il a opéré jusqu’au début des années 80, ce pensionnat-là.
Évelyne : Oh mon … il a opéré longtemps !
Alain : Il y avait des gens d’un peu partout qui y venaient. On a eu des Algonquins aussi qui sont venus, des Atikameks, d’autres Innus de la Côte-Nord.
Évelyne : Il y en a eu de par chez-nous je pense qui sont venus ?
Alain : Il y en avait de Pessamit, Uashat. Mais c’est surtout du côté Atikamek qu’on en a eu, on en a eu beaucoup. L’évolution de la communauté ici a changée beaucoup à partir des années 50. Parce que, avant ça, les gens continuaient un peu le même système de vie qu’il y avait il y a 75 ans.
Évelyne : Il y en avait probablement à l’été. Par chez-nous en tout en tout cas, ils partaient au mois d’août et ils revenaient…
Alain : C’est ça ! Ça partait au mois d’août, ça montait en canot puis après ça, ils redescendaient seulement quand, ceux qui étaient plus près l’hiver revenaient pour les fêtes, mais ceux qui étaient plus loin, revenaient seulement qu’au printemps ou même quelquefois, l’année suivante.
Évelyne : C’était comme ça chez-nous aussi.
Alain : Oui, c’était un peu le même genre de vie. Mais après, à partir du moment où on a eu le genre de sédentarisation, les programmes d’allocations familiales, l’éducation obligatoire, il fallait absolument placer les enfants, les familles étaient déchirées.
Évelyne : Oh oui !
Alain : Les familles étaient habituées d’aller en forêt et là, tu étais pris comme… puis tu voulais que tes enfants s’instruisent aussi ! Soit que tu les laissais en pension et les parents partaient ou encore, la femme restait ici avec les enfants et puis le mari portait tout seul. Donc là, tu brisais un peu les familles, ça a été dur, ça a amené beaucoup de séquelles là-dedans… de distorsion dans la vie familiale. Les valeurs n’étaient plus les mêmes, les habitudes n’étaient plus les mêmes. Aller jusqu’aux années 80, il y a eu beaucoup de changement ici. À partir des années 80, ça a amené un autre renouveau parce que là on avait subi un peu l’influence, à partir des années 50, aller aux années 80 on avait subi beaucoup l’influence des Affaires indiennes.
Évelyne : Les missionnaires.
Alain : Les missionnaires, mais avec l’instruction, ça avait donné quand même le fait qu’il y avait beaucoup de gens instruits et étant plus instruits les gens ont dit : « Eh bien, on va se prendre en main nous aussi. On va s’occuper de nos propres affaires. C’est beau d’avoir le ministère des Affaires Indiennes qui s’occuper de nous autres, mais on va s’en occuper et même se débarrasser du Ministère des Affaires Indiennes ! Donc a commencé la prise en charge de l’administration, à développer nos propres programmes d’éducation, il y a plein de chose comme ça qu’on a pris en charge pour en venir où on est aujourd’hui.
En cours de route, on a voulu quand même conserver la partie de la culture, parce que tantôt je vous disais qu’il y a 70% de gens qui se sont sédentarisés et il y en a 30% à peu près qui continue à y aller. Mais on se disait que si ça continue de même, toute la partie, la richesse culturelle qu’on a, être nomades, à voyager en forêt et continuer à vivre avec les animaux, si ça continue comme ça, on va devenir comme n’importe quel village aux alentours.
En même temps qu’on voulait se reprendre en charge, on a décidé aussi de se donner des nouveaux moyens pour soutenir quand même la pratique des activités dites « traditionnelles » ou des activités habituelles.
Évelyne : Les moyens ? Quels moyens ?
Alain : Les moyens c’est, d’abord avec la colonisation et beaucoup plus tard, avec l’industrialisation, il y a eu des coupes forestières un peu partout, avec la semaine de 40 heures de travail, il y a plein de gens qui sont mis à s'intéresser au territoire, se mettre des chalets, faire de la villégiature, faire des activités de chasse et de pêche sportive, de sorte que tout le territoire autour de nous était pratiquement envahi. Il avait des clubs privés, il y avait plein de choses et ça occasionnait des confrontations avec nos gens qui chassaient en forêt et ces villégiateurs ou les chasseurs sportifs et les gens demandaient au conseil de bande de trouver des moyens de corriger la situation. Un des moyens qu'on a trouvés, c'est de mettre en place, ce qu'on appelle, des services territoriaux, des agents territoriaux. Des agents territoriaux, à ma connaissance c'est une expérience unique au Canada parce que je n’ai pas entendu parler qu’il existe des choses semblables ailleurs. On met le mot "agent territorial" en fait, c'est un représentant du conseil de bande, les gens ont un costume, ils ont un uniforme avec des étiquettes au nom du conseil de bande et leur rôle principal, c'est de voir au bon déroulement de la pratique des activités traditionnelles, étant donné qu'on avait beaucoup de monde en forêt, de non-autochtones en forêt, nos gens étaient souvent confrontés à ça, ces agents-là avaient pour rôle d'aller rencontrer les autochtones et les non-autochtones, de voir quels genres de conflits ils avaient. Souvent, c'est la méconnaissance des pratiques, des droits de chacun.
Et là, l’agent territorial allait voir l’autochtone, le membre de la bande, voyait quel problème il y avait, par exemple, un propriétaire de chalet du coin, après avoir vu le problème : « Il ne me laisse pas tranquille, ils saisissent mes pièges ! » l’agent allait rencontrer le propriétaire du chalet et là, il lui expliquait ce que l’autochtone faisait là.
Évelyne : Ah ok !
Alain : Et par ce moyen-là, il venait à faire comprendre à chacun le rôle ou l’utilité et souvent en venait à amener les autochtones et les non-autochtones à vivre quand même en forêt. Il s’est même développé de la collaboration. Lorsque le propriétaire du chalet savait ce que l’autochtone faisait là, parce qu’il a des droits différents, des pratiques différentes. Ils pouvaient mieux comprendre. Et, l’autochtone souvent servait en même temps de gardien du chalet du non-autochtone. On a développé plein de chose de ce genre là. On a développé aussi, compte tenu des facilités de pénétration qu’on a avec ces routes-là, il y avait du braconnage qui s’installait. Il y avait des autochtones d’ici est des non-autochtones qui participaient à du braconnage… ils chassaient des orignaux et ils les vendaient et on trouvait que quelque chose comme ça pouvait dénaturer un peu nos droits. Ça dénaturait aussi les habitudes qu’on avait en forêt, ce qui nous a été enseigné par les Ancêtres, ce n’est pas de même qu'on fonctionne en forêt ! Toute la transmission des règles non écrites, les règles orales, la transmission c’était toujours de façon orale. Avec la venue de l’instruction, de l’éducation, des moyens de communication qu’il y a eu, ça a fait en sorte que cette transmission-là n’existait plus, pour enseigner ce qu’on fait en forêt et ce qu’on ne fait pas, et nous on a développé ce qu’on appelle des codes de pratique des activités traditionnelles. En fait, ça se trouve un peu les mêmes règles qu’il y avait anciennement, de façon orale, mais transcrites, d’un mode écrit, et nous, c’est transmis à tous nos gens qui pratiques des activités traditionnelles, puis on dit : « Voici comment vous devez pratiquer vos activités. Ce n’est pas un règlement, mais nous, l’agent territorial, son rôle, c’est de voir si les gens respectent le règlement. S’il ne respecte pas le règlement, pas le règlement, mais le code de pratique, s’il agit mal, nous autres on va l’avertir : « Tu vas avoir des problèmes, nous on ne te défends pas, on ne s’occupe pas de toi, on te laisse tomber. »
Et souvent, ce qu’on s’organisait pour faire c’est que, il y a des agents de conservation provinciaux qui passent là et qui voient la personne qui abusait là, les agents provinciaux savaient que nous on ne le défendrait pas.
Éveline : Ah ok !
Alain : Donc, l’agent provincial l’arrêtait, et même si la personne se tournait vers nous autres pour la défendre, mais, tu ne respectes pas nos codes de pratique, donc personne ne le défendait. Ça a eu quand même un effet assez fort, ce n’est pas une réglementation, mais on a presque éliminé tout le braconnage qu’on pouvait avoir ou les abus qu’on pouvait avoir. On a comme codifié un peu toute la pratique de nos activités.
Évelyne : C’est actif encore aujourd’hui ?
Alain : C’est actif ! Nous avons édifié ça en 1987, mais l’idée est partie en 1985, mais on a réussi a formé des gens, parce qu’il y a eu un cours qu’on a monté qui a duré 9 mois.
Évelyne : C’est-tu un cours au cégep ?
Alain : C’est un cours qu’on a fait à l’éducation aux adultes, c’est un cours sur mesure qu’on a réussi à faire financer qui durait 9 mois. Les gens apprenaient comment se comporter, comment s’adresser aux gens, les principales règles, comment faire une enquête, ils apprenaient tout ça.
Évelyne : Ça couvre combien de territoires à peu près, en arrière là-bas ?
Alain : En arrière, nous autres, on fonctionne avec ce qu’on appelle la réserve à castors, parce qu’ici, au Québec, on a ça, des réserves à castors. La réserve à castors qu’on a c’est une réserve à castors dont la superficie est de 69000 Km2. Là-dessus, il y a des droits exclusifs de trappe, pour la pêcher, ce n’est pas exclusif, mais pour la trappe c’est exclusif et nos agents territoriaux se concentrent, le gros de leur ouvrage est là-dessus, sur cette partie de territoire-là, parce que c’est là que nos gens exercent leur activité de trappe, qui est un peu la base de toutes les autres activités, c’est ce qui permet aux gens de passer l’hiver en forêt. Il y en a un peu en dehors aussi, mais nos agents couvrent principalement cette zone-là ou encore les activités qu’on peut faire ici autour du lac. Les agents ont aussi un rôle, je dirais secondaire, qui est de s’occuper de la sécurité aussi. Les gens sont campés un peu partout en forêt, régulièrement nos agents vont les voir, pour voir si ça va comme il faut. On a mis en place un service de radio émetteur, les gens peuvent appeler. S’il y en a qui doivent être amenée à l’hôpital ou être évacué, nos agents sont là. Ils peuvent servir au ravitaillement aussi, c’est pour ça qu’on un programme, tout en faisant une patrouille, ce n’est pas plus compliqué…
Évelyne : Ils en restent combien de temps en forêt les Innus ?
Alain : Comme je disais tantôt, ça pas mal été modifié, en général les gens, il y a une période assez intense entre le mois d’octobre aller jusqu’aux fêtes, jusqu’à Noël, les gens sont presque là continuellement, c’est-à-dire, on doit avoir entre 35 et 50 familles qui sont là continuellement. Par la suite, à Noël, à la période des fêtes, les gens descendent ici et vont remonter en forêt pour le début de février et là, ils vont revenir au début d’avril.
Évelyne : Mais dans ce temps ici c’est plus, la fourrure n’est pas… c’est plus pour la nourriture, pas pour la fourrure ?
Alain : Ouais, la fourrure est toujours là, mais ce n’est pas nécessairement dans le but de faire de l’argent. On a des programmes de soutien avec les programmes de sécurité du revenu, on a un volet qu’on leur permet quand même là… même s’ils sont en forêt, on leur amène un soutien quand même parce que, de toute façon, les gens sont sur la sécurité du revenu ici, les avoir à rien faire, c’est pas plus valorisant. S’ils vont en forêt, ils vont au moins aider à faire quelque chose, ils vont être plus occupés, on leur permet quand même d’avoir la sécurité du revenu en forêt, c’est une mesure pour aider.
Les gens y vont aussi pour leur équilibre, vivre tout le temps dans le stress, ce n’est pas toujours bon, ça fait du bien d’y aller. Donc les gens y vont aussi pour cette partie-là.
Évelyne : Il y a toujours, quand je rencontre beaucoup le public québécois moi, il y a une question qui m’embête toujours, où je ne parviens pas à me faire comprendre, quand je parle des territoires, mettons de la vie en forêt, pour eux-autres les québécois, la vie en forêt, quand ils vont en forêt c’est pour les vacances, mais nous autres, c'est notre façon de vivre, puis j’ai toujours de la difficulté à expliquer ça ! Comment tu penses que je devrais leur dire ça ?
Alain : Je l’ai fait de longues années, là je suis pris à travailler dans un bureau et je m’ennuie de ma vie de forêt, et même, mes enfants, on vivait en forêt. Quand je venais ici passer l’été avant, c’est un peu comme les gens de la ville qui vont aller à leur chalet, donc je partais du territoire pour venir ici et puis on passait l’été ici et puis les enfants me disaient : « Papa, quand est-ce qu’on retourne chez-nous ? » Ici, ce n’était pas chez eux ! La vie, c’est plus sur le bord de la rivière, c’est plus sur le bord du lac. Ici, c’est un côté chalet pour nous-autres ! C’est un peu le même parallèle qu’on peut faire quand on s’adresse aux blancs. Je vous jure que si je gagne le million, c’est en forêt que je retourne, je ne resterais pas ici. Je ne vois pas d’autres vie plus intéressante.
Évelyne : Je trouvais ça difficile, je ne parvenais pas à me faire comprendre ! Je trouvais ça très difficile !
Alain : Ce n’est pas toujours facile non plus de pouvoir leur expliquer. On s’est dotés d’une institution ici, pour transmettre cette connaissance-là, la culture. Depuis 1977, on a installé ici un musé. C’est une société d’histoire d’archéologie de Mashteuiatsh qui s’est fondée en 1977, puis c’est un peu comme je disais tantôt, de plus en plus les gens travaillaient, allaient moins en forêt, et puis on voyait commencé à disparaître tranquillement, à ce moment-là, l’artisanat, faire des mocassins, faire des raquettes, on se disait qu’on était en train de le perdre, il faut faire quelque chose pour sauvegarder ça, il y a des personnes âgées qui disparaissent, leur savoir disparaît. On a donc formé un musée dont le but était de ramasser tous ces éléments culturels, on avait peur qu’ils disparaissent et de le transmettre dans notre population, dans nos enfants, dans nos adolescents, d’assurer la transmission et en même temps de se dire, quant à le transmettre à nos gens, on va le transmettre aussi aux non-autochtones ! Mieux ils vont nous connaître, mieux ils vont nous apprécier, ou mieux ils vont comprendre qu’on veut avoir des droits différents, ils vont voir qu’on est différents des autres.
Donc, le musée ici est quand même un musée assez intéressant au Québec, C’est un des deux musées qui est officiellement reconnus, parce qu’il y a des normes à respecter. On l’a agrandi dernièrement, on est rendu avec une bâtisse de 2 millions à peu près. Il y a passablement de visiteurs, c’est sûr qu’il faut toujours améliorer ça, mais ça vaut la peine de le visiter ! On a une exposition permanente qui est là pour une dizaine d’années. Elle explique un peu la vie des Piekuaganilnuat ,en partant bien sûr d’avant la période de l’arrivée des blancs, mais toute l’évolution qui s’est fait en cours de route avec la venue de la compagnie de la Baie d’Hudson, la venue des missionnaires, le développement industriel, hydroélectrique, etc. à venir jusqu’à nos jours, donc on leur explique tout ça. On a toujours aussi une salle qu’exposition temporaire pour diverses activités. Actuellement, c’est un peintre qui est là.
Évelyne : Ernest ?
Alain : Ernest Aness Dominique, parce que le musée n’a pas juste pour fonction de parler de ce qui se faisait dans le passé, mais on se tourne aussi vers le présent et le futur, même en dernier on commence à projeter sur le futur et l’art aussi, c’est une transmission culturelle. Donc, on peut voir toutes sortes de choses, on peut parler même de scènes de théâtre, on peut parler de peinture présentement, de sculpture, il y même de l’art très moderne parce qu’on veut que le musée soit un moteur culturel aussi pour la communauté.
Évelyne : Pour l’avenir, comment tu vois ça toi ? Penses-tu qu’on va toujours vivre la vie qui nous a été donné de vivre ?
Alain : J’espère qu’on va être capable de continuer à la vivre assez longtemps, ça se peut qu’elle se modifie. Toute culture, toute vie, il y a de l’évolution qui se fait continuellement, ce n’est pas juste nous autres qui est comme ça, c’est comme ça partout dans le monde. Le défi qu’on a, c’est de maintenir quand même nos racines, nos sources culturelles, le contact avec nos sources culturelles avec des personnes qui maintiennent toute la culture orale ou l’art ou l’artisanat, il faut le maintenir. Il faut continuer à maintenir aussi notre genre de vie, mais il faut être capable aussi de marier les deux. Nous, on pense qu’on va réussir quand même à voir une bonne partie de la population qui va avoir du travail ou des emplois un peu conventionnels, dans des bureaux, dans la mécanique, l’électronique, dans n’importe quoi, mais il va y avoir une partie de la population qui va continuer quand même à maintenir la vie en forêt. Il faut continuer à maintenir ce genre de mariage-là tout le temps. Ceux qui vivent en forêt sont là plus longtemps puis ils deviennent comme des gardiens de la culture, et ceux qui travaillent dans le monde moderne vont s’abreuver de temps en temps… ils doivent soutenir ceux qui vivent en forêt. Et je pense qu’on devrait être capable de continuer.
Déjà, nous ici, dans la communauté, pour le développement, il n’y a pas encore de grandes industries, il n’y a rien. On commence tranquillement, on travaille beaucoup avec l’artisanat ou encore du tourisme, il y a quelques petites manufactures, mais ça vient de commencer. Il n’y a pas de ressource naturelle à proprement parler. On travaille beaucoup sur le côté touristique qui est un apport intéressant, mais on fait aussi de la coupe forestière, on essaie de la faire un peu plus intelligemment ! Mais on fait de la coupe forestière. Et on a aussi une entreprise de manufacture de cigarettes, ce qui n’est pas toujours évident en milieu autochtone, mais ça appartient à des privés, ce n’est pas au conseil de bande, parce que le conseil de bande lui-même, n’a pas d’entreprise directement sauf en foresterie, on a une entreprise forestière, mais le but premier c’est d’amener les gens désœuvrées ou des gens qui sont un peu hors du système, les amener à acquérir des habitudes de travail pour faire en sorte qu’ils deviennent des travailleurs plus formés, plus compétents, c’est plus intéressant, ils vont pouvoir se trouver des jobs ailleurs, du travail ailleurs. Donc on a une entreprise de foresterie pour ça, aussi on a une mini central hydroélectrique, l’a encore ça fait un peu innovateur puis du côté autochtone notre propre centrale !
Évelyne : Elle est où la centrale ?
Alain : Elle est située à la rivière Mistassibi à environ une centaine de km d’ici. On a un contrat de vente avec Hydro-Québec, c’est une centrale qu’on vient de terminer, c’est une centrale qui nous a couté un peu plus de 24 millions. Et le but de ça, c’est d’amener des argents nouveaux au conseil de bande, parce qu’on essaie de plus en plus de se libérer de l’emprise des sommes qui nous viennent toujours des autres gouvernements, tu es comme un petit peu prisonnier là-dedans, il y toujours des règles à suivre, tu ne peux pas le dépenser comme tu veux. On veut avoir des revenus autonomes. Donc, c’est sûr que ça a couté de l’argent, mais on va le rentabiliser, c’est à long terme.
Évelyne : Comment tu vas rentabiliser ça ?
Alain : On a un contrat avec Hydro-Québec, un contrat de vente d’électricité qui est produite par la mini-centrale et est vendu à Hydro-Québec. Comme il y a plusieurs autres producteurs qui font ça, tu produis l’électricité et tu la vends à Hydro-Québec, il y a un tarif qui est convenu, puis tu as des contrats de 20 ans qui sont renouvelables pour un autre 20 ans.
Ce sont des contrats à long terme. La centrale qu’on a, on estime que dans peut-être une quinzaine d’années elle va être fini de payer, Donc l’argent ça va être du profit net et ça rapporte plusieurs millions par année.
Évelyne : Aurais-tu un message à dire ?
Alain : Le message ! C’est plutôt un message personnel.
Évelyne : Oui !
Alain : Passé 50 ans on commence à acquérir peut-être un peu de sagesse ! Le message que je voudrais livrer, c’est que…
Faut toujours s’inspirer de la culture, il faut toujours garder les bases, les éléments de la culture, il ne faut pas vivre comme dans le passé, il faut s'inspirer de ce qu'ils faisaient puis se tourner vers l’avenir. Moi, j’ai été de longues années en forêt, j’ai aimé ça et j’y retournerais, mais veut veut pas, la vie en forêt change tranquillement, mais il faut garder le respect des animaux, il faut éviter d'abuser de ces choses, ce sont ces bases qu’il faut garder et transposer ça dans un monde moderne. Parce que veut, veut pas, on est dans un contexte de mondialisation, un contexte de communication.
Les transports sont de plus en plus rapides, on ne peut pas éviter ça non plus.
C'est le défi qu'on a de maintenir notre identité tout en étant fonctionnel dans la société.
Mais on ne peut pas vivre en marge de la société canadienne québécoise.
Évelyne : La dernière fois qu’on s’est vu, c’était à l’Université Laval… Puis, je suis venue te voir dans ton village. J’aimerais ça que tu me parles d’ici, est-ce que c’est un point de rassemblement ?
Alain : Ok. Juste pour se situer, la réserve est située sur le bord d'un lac qu'on appelle le lac Saint-Jean. Piekuagani, en montagnais, en innu. Ce lac a des dimensions quand même assez intéressantes, à peu près 30 km par 50 km puis ça se jette dans le Saguenay et par la suite ça va rejoint le fleuve Saint-Laurent. Mais c'est de l'eau douce, ce n’est pas comme sur le bord du fleuve, c'est de l'eau douce.
La réserve ici a été fondé en 1856.
Les Montagnais avaient l'habitude de se réunir sur les pointes durant l'été, se mettre un peu à l'abri des moustiques, puis pouvoir faire de la pêche à la pointe ici, c’est une pointe quand même assez intéressante, parce que c'était assez poissonneux. Il y a de l’ouananiche, il y a du doré. C’est situé un peu à la sortie de plusieurs rivières, la rivière Métabetchouane un peu plus loin qui se dirige par ici, tu as la rivière Mistassini et puis Mistassibi un peu en face et la rivière Péribonka, donc tous les gens, quand ils sortaient de ces rivières-là avaient souvent tendance à venir de ce côté-ci, à l’abri du vent, ils s’installaient ici. Il y avait d’autres endroits, mais ici, c’était assez utilisé.
La réserve a été créée d’abord parce qu’il y avait des gens qui se ramassaient ici. La réserve a été créées dans un but quand même assez intéressant à souligner, c'était pour inciter les Indiens à se sédentariser en pensent que les… il faut se rappeler que le Montagnais étaient nomades, c'étaient des gens qui chassaient continuellement en mouvance sur le territoire, puis le gouvernement fédéral cherchait des moyens de faire profiter de la civilisation. De faire profiter aux indiens de la civilisation à ce moment-là, on parlait d'agriculture, et que comme tout le pourtour du lac, c'est un terrain propice à l'agriculture, il s'était mis dans l’idée que, si on ouvrait une réserve, s’il y avait des terres réservées pour les Indiens, on pourrait peut-être les amener à s'adonner à l'agriculture donc, il a créé la réserve en 1856. Il a divisé la terre en lots d’agriculture, comme on voit à peu près dans tous les villages du Québec et il a attendu que les Indiens s'intéressent pour donner des lots à tous un chacun. Au début, il a commencé comme ça, il a donné des lots de terre à tous les Montagnais, mais les Montagnais partaient dans le bois, ça ne demeurait pas, parce qu’en fait, les gens demeuraient plus loin dans le territoire pour faire la chasse et toutes sortes d'activités. Ils venaient passer l’été ici donc, le lieu de résidence, si on peut appeler ça de même, ils étaient beaucoup plus en forêt et non pas ici. Ça fait que rester l'hiver ici, il fait trop froid, ça fait que les gens partaient en forêt à l'intérieur des terres donc, c'était un peu comme inhabité. Mais en même temps, plus au sud du fleuve Saint-Laurent, il y avait des peuples autochtones aussi, des Abénaquis, des Malécites qui avaient été dérangés par toute la venue de la colonisation de la partie sud du Québec. Ils avaient été dérangés par la guerre d'indépendance des États-Unis, la venue des loyalistes au Québec et tout ça faisait que ces autochtones-là étaient comme un peu déplacés, ils ne savaient pas trop où s'en aller.
Il y en avait là-dedans qui avaient entendu parler qu'il y avait des terres de disponibles dans le coin du Lac-Saint-Jean et on pense, on cherche encore des preuves de ça, mais c'est une histoire qui se raconte ; on pense que les missionnaires et les agents fédéraux, les agents du gouvernement fédéral ont mis en place du soutien, une forme de soutien pour amener ces gens-là à venir s'installer ici, amener des Malécites et c'est des Abénaquis à s’installer ici, et faire en sorte de devenir des exemples pour les Montagnais, pour donner un exemple concret, voyez comment on peut s'installer, comment on peut vivre de la terre et peut-être inciter le Montagnais à se sédentariser.
Il faut penser aussi que les missionnaires ayant à s’occuper de ces gens-là, ils les voyaient peut-être à tous les 5 ans ou à tous les 10 ans, les gens, quand ils étaient à 500 ou à 1000 km à l’intérieur des terres, ils ne venaient pas faire des tours souvent ici, c’est pas facile d’évangéliser et tenir tout ça à jour. Donc les missionnaires, peut-être dans un esprit chrétien, voulaient les amener aussi à la civilisation. Ils considéraient que la vie en forêt était une vie de misère, si on compare avec les critères du temps, ils disaient qu’il faut leur faire profiter de tous les bienfaits de… on est avancé nous, on est dans une société moderne. On pense que les missionnaires ont favorisés, même plusieurs personnes disaient que les prêtres nous incitaient à abandonner la forêt.
Évelyne : Ils allaient jusqu’où à l’intérieur des terres ?
Alain : À l’intérieur des terres, les rivières dont je parlais tout l’heure, le lac St-Jean c’est comme le point d’arrivé de plusieurs rivières, c’est un lac qui est de forme arrondie, il y a des rivières qui sont en forme d’étoiles partout à l’entour. Les rivières les plus longues, c’est à peu près, je dirais de 400 à 500 km, la rivière Péribonka c’est la plus longue. On va, à ce moment-là, jusqu’au milieu géographique du Québec d’aujourd’hui, près des monts Otish. Un peu plus loin, ça déverse vers la Baie-James. Les gens d’ici voyageaient jusque-là, ils rencontraient des gens de Betsiamites, ils rencontraient des Cris de Mistassini, de Nitsekun et ils rencontraient des gens d’un peu partout et des Atikameks.
Évelyne : Des Atikameks ?
Alain : Des Atikameks du côté ouest aussi, le site un peu moins loin, du côté des Atikameks on fait peut-être, je ne dirais même pas 100 km en ligne droite et on rencontre des Atikameks, donc c’est pas tellement loin.
C’est un peu un genre de carrefour ici. Il y avait beaucoup de gens qui voyageaient, il y avait 5, 6 grosses rivières majeures pour voyager en canot dans ce temps-là. Il y avait le Saguenay puis le St-Laurent, donc on était comme sur un genre d’autoroute, des gens de toutes nationalités qui venaient.
Évelyne : Ben oui, j’ai vu ça, il y a comme des Cris, des Atikameks, qui se sont vraiment mariés et installés ici.
Alain : Ça c’est plus récent. Il y en avait toujours eu au départ, parce qu’au gré des mariages, des amours on circule toujours un peu. Il en avait, mais avec la venue des routes, avec la venue des pensionnats, des écoles, avec la venue de la sédentarisation un peu plus marquée des Montagnais puis des Atikameks et des Cris à partir des années 50, ça fait en sorte que les gens se voisinaient plus souvent ici. Et là, il y a des familles Cris qui au lieu de s’installer plus loin en forêt sont venues s’installer ici, parce qu’on était plus proche des grands centres. Les Atikameks ça a été la même chose, ça fait peut-être une dizaine d’années qu’il y a une route qui se rends dans les réserves atikameks, ils y des Atikameks qui sont venus à l’école ici, qui fréquentent les écoles secondaires, donc se sont installés ici. Donc depuis les années 50, ça s’est marqué, la sédentarisation a avancée beaucoup plus. Assez que ça a influencé considérablement notre mode de vie. Je parlais des Abénaquis tantôt, des Malécites étaient plus portés vers l’agriculture ou encore au commerce, les Montagnais et les Innus plus du côté de la chasse. À partir des années 50 avec les mélanges entre les familles, ça a amené les gens à modifier leur mode de vie. De sorte qu’on peut dire qu’actuellement, il y a peut-être 70 % des familles qui sont pas mal concentrées ici, puis peut-être 30 % qui vont encore en forêt un peu comme c’était. Mais, c’est la vie moderne qui a amenée tout ça, il y a l’instruction…
Évelyne : Vous avez eu le pensionnat vous-autres, je pense ?
Alain : Oui, on a eu le pensionnat dans les années, fin des années 50, en 1959, il a opéré jusqu’au début des années 80, ce pensionnat-là.
Évelyne : Oh mon … il a opéré longtemps !
Alain : Il y avait des gens d’un peu partout qui y venaient. On a eu des Algonquins aussi qui sont venus, des Atikameks, d’autres Innus de la Côte-Nord.
Évelyne : Il y en a eu de par chez-nous je pense qui sont venus ?
Alain : Il y en avait de Pessamit, Uashat. Mais c’est surtout du côté Atikamek qu’on en a eu, on en a eu beaucoup. L’évolution de la communauté ici a changée beaucoup à partir des années 50. Parce que, avant ça, les gens continuaient un peu le même système de vie qu’il y avait il y a 75 ans.
Évelyne : Il y en avait probablement à l’été. Par chez-nous en tout en tout cas, ils partaient au mois d’août et ils revenaient…
Alain : C’est ça ! Ça partait au mois d’août, ça montait en canot puis après ça, ils redescendaient seulement quand, ceux qui étaient plus près l’hiver revenaient pour les fêtes, mais ceux qui étaient plus loin, revenaient seulement qu’au printemps ou même quelquefois, l’année suivante.
Évelyne : C’était comme ça chez-nous aussi.
Alain : Oui, c’était un peu le même genre de vie. Mais après, à partir du moment où on a eu le genre de sédentarisation, les programmes d’allocations familiales, l’éducation obligatoire, il fallait absolument placer les enfants, les familles étaient déchirées.
Évelyne : Oh oui !
Alain : Les familles étaient habituées d’aller en forêt et là, tu étais pris comme… puis tu voulais que tes enfants s’instruisent aussi ! Soit que tu les laissais en pension et les parents partaient ou encore, la femme restait ici avec les enfants et puis le mari portait tout seul. Donc là, tu brisais un peu les familles, ça a été dur, ça a amené beaucoup de séquelles là-dedans… de distorsion dans la vie familiale. Les valeurs n’étaient plus les mêmes, les habitudes n’étaient plus les mêmes. Aller jusqu’aux années 80, il y a eu beaucoup de changement ici. À partir des années 80, ça a amené un autre renouveau parce que là on avait subi un peu l’influence, à partir des années 50, aller aux années 80 on avait subi beaucoup l’influence des Affaires indiennes.
Évelyne : Les missionnaires.
Alain : Les missionnaires, mais avec l’instruction, ça avait donné quand même le fait qu’il y avait beaucoup de gens instruits et étant plus instruits les gens ont dit : « Eh bien, on va se prendre en main nous aussi. On va s’occuper de nos propres affaires. C’est beau d’avoir le ministère des Affaires Indiennes qui s’occuper de nous autres, mais on va s’en occuper et même se débarrasser du Ministère des Affaires Indiennes ! Donc a commencé la prise en charge de l’administration, à développer nos propres programmes d’éducation, il y a plein de chose comme ça qu’on a pris en charge pour en venir où on est aujourd’hui.
En cours de route, on a voulu quand même conserver la partie de la culture, parce que tantôt je vous disais qu’il y a 70% de gens qui se sont sédentarisés et il y en a 30% à peu près qui continue à y aller. Mais on se disait que si ça continue de même, toute la partie, la richesse culturelle qu’on a, être nomades, à voyager en forêt et continuer à vivre avec les animaux, si ça continue comme ça, on va devenir comme n’importe quel village aux alentours.
En même temps qu’on voulait se reprendre en charge, on a décidé aussi de se donner des nouveaux moyens pour soutenir quand même la pratique des activités dites « traditionnelles » ou des activités habituelles.
Évelyne : Les moyens ? Quels moyens ?
Alain : Les moyens c’est, d’abord avec la colonisation et beaucoup plus tard, avec l’industrialisation, il y a eu des coupes forestières un peu partout, avec la semaine de 40 heures de travail, il y a plein de gens qui sont mis à s'intéresser au territoire, se mettre des chalets, faire de la villégiature, faire des activités de chasse et de pêche sportive, de sorte que tout le territoire autour de nous était pratiquement envahi. Il avait des clubs privés, il y avait plein de choses et ça occasionnait des confrontations avec nos gens qui chassaient en forêt et ces villégiateurs ou les chasseurs sportifs et les gens demandaient au conseil de bande de trouver des moyens de corriger la situation. Un des moyens qu'on a trouvés, c'est de mettre en place, ce qu'on appelle, des services territoriaux, des agents territoriaux. Des agents territoriaux, à ma connaissance c'est une expérience unique au Canada parce que je n’ai pas entendu parler qu’il existe des choses semblables ailleurs. On met le mot "agent territorial" en fait, c'est un représentant du conseil de bande, les gens ont un costume, ils ont un uniforme avec des étiquettes au nom du conseil de bande et leur rôle principal, c'est de voir au bon déroulement de la pratique des activités traditionnelles, étant donné qu'on avait beaucoup de monde en forêt, de non-autochtones en forêt, nos gens étaient souvent confrontés à ça, ces agents-là avaient pour rôle d'aller rencontrer les autochtones et les non-autochtones, de voir quels genres de conflits ils avaient. Souvent, c'est la méconnaissance des pratiques, des droits de chacun.
Et là, l’agent territorial allait voir l’autochtone, le membre de la bande, voyait quel problème il y avait, par exemple, un propriétaire de chalet du coin, après avoir vu le problème : « Il ne me laisse pas tranquille, ils saisissent mes pièges ! » l’agent allait rencontrer le propriétaire du chalet et là, il lui expliquait ce que l’autochtone faisait là.
Évelyne : Ah ok !
Alain : Et par ce moyen-là, il venait à faire comprendre à chacun le rôle ou l’utilité et souvent en venait à amener les autochtones et les non-autochtones à vivre quand même en forêt. Il s’est même développé de la collaboration. Lorsque le propriétaire du chalet savait ce que l’autochtone faisait là, parce qu’il a des droits différents, des pratiques différentes. Ils pouvaient mieux comprendre. Et, l’autochtone souvent servait en même temps de gardien du chalet du non-autochtone. On a développé plein de chose de ce genre là. On a développé aussi, compte tenu des facilités de pénétration qu’on a avec ces routes-là, il y avait du braconnage qui s’installait. Il y avait des autochtones d’ici est des non-autochtones qui participaient à du braconnage… ils chassaient des orignaux et ils les vendaient et on trouvait que quelque chose comme ça pouvait dénaturer un peu nos droits. Ça dénaturait aussi les habitudes qu’on avait en forêt, ce qui nous a été enseigné par les Ancêtres, ce n’est pas de même qu'on fonctionne en forêt ! Toute la transmission des règles non écrites, les règles orales, la transmission c’était toujours de façon orale. Avec la venue de l’instruction, de l’éducation, des moyens de communication qu’il y a eu, ça a fait en sorte que cette transmission-là n’existait plus, pour enseigner ce qu’on fait en forêt et ce qu’on ne fait pas, et nous on a développé ce qu’on appelle des codes de pratique des activités traditionnelles. En fait, ça se trouve un peu les mêmes règles qu’il y avait anciennement, de façon orale, mais transcrites, d’un mode écrit, et nous, c’est transmis à tous nos gens qui pratiques des activités traditionnelles, puis on dit : « Voici comment vous devez pratiquer vos activités. Ce n’est pas un règlement, mais nous, l’agent territorial, son rôle, c’est de voir si les gens respectent le règlement. S’il ne respecte pas le règlement, pas le règlement, mais le code de pratique, s’il agit mal, nous autres on va l’avertir : « Tu vas avoir des problèmes, nous on ne te défends pas, on ne s’occupe pas de toi, on te laisse tomber. »
Et souvent, ce qu’on s’organisait pour faire c’est que, il y a des agents de conservation provinciaux qui passent là et qui voient la personne qui abusait là, les agents provinciaux savaient que nous on ne le défendrait pas.
Éveline : Ah ok !
Alain : Donc, l’agent provincial l’arrêtait, et même si la personne se tournait vers nous autres pour la défendre, mais, tu ne respectes pas nos codes de pratique, donc personne ne le défendait. Ça a eu quand même un effet assez fort, ce n’est pas une réglementation, mais on a presque éliminé tout le braconnage qu’on pouvait avoir ou les abus qu’on pouvait avoir. On a comme codifié un peu toute la pratique de nos activités.
Évelyne : C’est actif encore aujourd’hui ?
Alain : C’est actif ! Nous avons édifié ça en 1987, mais l’idée est partie en 1985, mais on a réussi a formé des gens, parce qu’il y a eu un cours qu’on a monté qui a duré 9 mois.
Évelyne : C’est-tu un cours au cégep ?
Alain : C’est un cours qu’on a fait à l’éducation aux adultes, c’est un cours sur mesure qu’on a réussi à faire financer qui durait 9 mois. Les gens apprenaient comment se comporter, comment s’adresser aux gens, les principales règles, comment faire une enquête, ils apprenaient tout ça.
Évelyne : Ça couvre combien de territoires à peu près, en arrière là-bas ?
Alain : En arrière, nous autres, on fonctionne avec ce qu’on appelle la réserve à castors, parce qu’ici, au Québec, on a ça, des réserves à castors. La réserve à castors qu’on a c’est une réserve à castors dont la superficie est de 69000 Km2. Là-dessus, il y a des droits exclusifs de trappe, pour la pêcher, ce n’est pas exclusif, mais pour la trappe c’est exclusif et nos agents territoriaux se concentrent, le gros de leur ouvrage est là-dessus, sur cette partie de territoire-là, parce que c’est là que nos gens exercent leur activité de trappe, qui est un peu la base de toutes les autres activités, c’est ce qui permet aux gens de passer l’hiver en forêt. Il y en a un peu en dehors aussi, mais nos agents couvrent principalement cette zone-là ou encore les activités qu’on peut faire ici autour du lac. Les agents ont aussi un rôle, je dirais secondaire, qui est de s’occuper de la sécurité aussi. Les gens sont campés un peu partout en forêt, régulièrement nos agents vont les voir, pour voir si ça va comme il faut. On a mis en place un service de radio émetteur, les gens peuvent appeler. S’il y en a qui doivent être amenée à l’hôpital ou être évacué, nos agents sont là. Ils peuvent servir au ravitaillement aussi, c’est pour ça qu’on un programme, tout en faisant une patrouille, ce n’est pas plus compliqué…
Évelyne : Ils en restent combien de temps en forêt les Innus ?
Alain : Comme je disais tantôt, ça pas mal été modifié, en général les gens, il y a une période assez intense entre le mois d’octobre aller jusqu’aux fêtes, jusqu’à Noël, les gens sont presque là continuellement, c’est-à-dire, on doit avoir entre 35 et 50 familles qui sont là continuellement. Par la suite, à Noël, à la période des fêtes, les gens descendent ici et vont remonter en forêt pour le début de février et là, ils vont revenir au début d’avril.
Évelyne : Mais dans ce temps ici c’est plus, la fourrure n’est pas… c’est plus pour la nourriture, pas pour la fourrure ?
Alain : Ouais, la fourrure est toujours là, mais ce n’est pas nécessairement dans le but de faire de l’argent. On a des programmes de soutien avec les programmes de sécurité du revenu, on a un volet qu’on leur permet quand même là… même s’ils sont en forêt, on leur amène un soutien quand même parce que, de toute façon, les gens sont sur la sécurité du revenu ici, les avoir à rien faire, c’est pas plus valorisant. S’ils vont en forêt, ils vont au moins aider à faire quelque chose, ils vont être plus occupés, on leur permet quand même d’avoir la sécurité du revenu en forêt, c’est une mesure pour aider.
Les gens y vont aussi pour leur équilibre, vivre tout le temps dans le stress, ce n’est pas toujours bon, ça fait du bien d’y aller. Donc les gens y vont aussi pour cette partie-là.
Évelyne : Il y a toujours, quand je rencontre beaucoup le public québécois moi, il y a une question qui m’embête toujours, où je ne parviens pas à me faire comprendre, quand je parle des territoires, mettons de la vie en forêt, pour eux-autres les québécois, la vie en forêt, quand ils vont en forêt c’est pour les vacances, mais nous autres, c'est notre façon de vivre, puis j’ai toujours de la difficulté à expliquer ça ! Comment tu penses que je devrais leur dire ça ?
Alain : Je l’ai fait de longues années, là je suis pris à travailler dans un bureau et je m’ennuie de ma vie de forêt, et même, mes enfants, on vivait en forêt. Quand je venais ici passer l’été avant, c’est un peu comme les gens de la ville qui vont aller à leur chalet, donc je partais du territoire pour venir ici et puis on passait l’été ici et puis les enfants me disaient : « Papa, quand est-ce qu’on retourne chez-nous ? » Ici, ce n’était pas chez eux ! La vie, c’est plus sur le bord de la rivière, c’est plus sur le bord du lac. Ici, c’est un côté chalet pour nous-autres ! C’est un peu le même parallèle qu’on peut faire quand on s’adresse aux blancs. Je vous jure que si je gagne le million, c’est en forêt que je retourne, je ne resterais pas ici. Je ne vois pas d’autres vie plus intéressante.
Évelyne : Je trouvais ça difficile, je ne parvenais pas à me faire comprendre ! Je trouvais ça très difficile !
Alain : Ce n’est pas toujours facile non plus de pouvoir leur expliquer. On s’est dotés d’une institution ici, pour transmettre cette connaissance-là, la culture. Depuis 1977, on a installé ici un musé. C’est une société d’histoire d’archéologie de Mashteuiatsh qui s’est fondée en 1977, puis c’est un peu comme je disais tantôt, de plus en plus les gens travaillaient, allaient moins en forêt, et puis on voyait commencé à disparaître tranquillement, à ce moment-là, l’artisanat, faire des mocassins, faire des raquettes, on se disait qu’on était en train de le perdre, il faut faire quelque chose pour sauvegarder ça, il y a des personnes âgées qui disparaissent, leur savoir disparaît. On a donc formé un musée dont le but était de ramasser tous ces éléments culturels, on avait peur qu’ils disparaissent et de le transmettre dans notre population, dans nos enfants, dans nos adolescents, d’assurer la transmission et en même temps de se dire, quant à le transmettre à nos gens, on va le transmettre aussi aux non-autochtones ! Mieux ils vont nous connaître, mieux ils vont nous apprécier, ou mieux ils vont comprendre qu’on veut avoir des droits différents, ils vont voir qu’on est différents des autres.
Donc, le musée ici est quand même un musée assez intéressant au Québec, C’est un des deux musées qui est officiellement reconnus, parce qu’il y a des normes à respecter. On l’a agrandi dernièrement, on est rendu avec une bâtisse de 2 millions à peu près. Il y a passablement de visiteurs, c’est sûr qu’il faut toujours améliorer ça, mais ça vaut la peine de le visiter ! On a une exposition permanente qui est là pour une dizaine d’années. Elle explique un peu la vie des Piekuaganilnuat ,en partant bien sûr d’avant la période de l’arrivée des blancs, mais toute l’évolution qui s’est fait en cours de route avec la venue de la compagnie de la Baie d’Hudson, la venue des missionnaires, le développement industriel, hydroélectrique, etc. à venir jusqu’à nos jours, donc on leur explique tout ça. On a toujours aussi une salle qu’exposition temporaire pour diverses activités. Actuellement, c’est un peintre qui est là.
Évelyne : Ernest ?
Alain : Ernest Aness Dominique, parce que le musée n’a pas juste pour fonction de parler de ce qui se faisait dans le passé, mais on se tourne aussi vers le présent et le futur, même en dernier on commence à projeter sur le futur et l’art aussi, c’est une transmission culturelle. Donc, on peut voir toutes sortes de choses, on peut parler même de scènes de théâtre, on peut parler de peinture présentement, de sculpture, il y même de l’art très moderne parce qu’on veut que le musée soit un moteur culturel aussi pour la communauté.
Évelyne : Pour l’avenir, comment tu vois ça toi ? Penses-tu qu’on va toujours vivre la vie qui nous a été donné de vivre ?
Alain : J’espère qu’on va être capable de continuer à la vivre assez longtemps, ça se peut qu’elle se modifie. Toute culture, toute vie, il y a de l’évolution qui se fait continuellement, ce n’est pas juste nous autres qui est comme ça, c’est comme ça partout dans le monde. Le défi qu’on a, c’est de maintenir quand même nos racines, nos sources culturelles, le contact avec nos sources culturelles avec des personnes qui maintiennent toute la culture orale ou l’art ou l’artisanat, il faut le maintenir. Il faut continuer à maintenir aussi notre genre de vie, mais il faut être capable aussi de marier les deux. Nous, on pense qu’on va réussir quand même à voir une bonne partie de la population qui va avoir du travail ou des emplois un peu conventionnels, dans des bureaux, dans la mécanique, l’électronique, dans n’importe quoi, mais il va y avoir une partie de la population qui va continuer quand même à maintenir la vie en forêt. Il faut continuer à maintenir ce genre de mariage-là tout le temps. Ceux qui vivent en forêt sont là plus longtemps puis ils deviennent comme des gardiens de la culture, et ceux qui travaillent dans le monde moderne vont s’abreuver de temps en temps… ils doivent soutenir ceux qui vivent en forêt. Et je pense qu’on devrait être capable de continuer.
Déjà, nous ici, dans la communauté, pour le développement, il n’y a pas encore de grandes industries, il n’y a rien. On commence tranquillement, on travaille beaucoup avec l’artisanat ou encore du tourisme, il y a quelques petites manufactures, mais ça vient de commencer. Il n’y a pas de ressource naturelle à proprement parler. On travaille beaucoup sur le côté touristique qui est un apport intéressant, mais on fait aussi de la coupe forestière, on essaie de la faire un peu plus intelligemment ! Mais on fait de la coupe forestière. Et on a aussi une entreprise de manufacture de cigarettes, ce qui n’est pas toujours évident en milieu autochtone, mais ça appartient à des privés, ce n’est pas au conseil de bande, parce que le conseil de bande lui-même, n’a pas d’entreprise directement sauf en foresterie, on a une entreprise forestière, mais le but premier c’est d’amener les gens désœuvrées ou des gens qui sont un peu hors du système, les amener à acquérir des habitudes de travail pour faire en sorte qu’ils deviennent des travailleurs plus formés, plus compétents, c’est plus intéressant, ils vont pouvoir se trouver des jobs ailleurs, du travail ailleurs. Donc on a une entreprise de foresterie pour ça, aussi on a une mini central hydroélectrique, l’a encore ça fait un peu innovateur puis du côté autochtone notre propre centrale !
Évelyne : Elle est où la centrale ?
Alain : Elle est située à la rivière Mistassibi à environ une centaine de km d’ici. On a un contrat de vente avec Hydro-Québec, c’est une centrale qu’on vient de terminer, c’est une centrale qui nous a couté un peu plus de 24 millions. Et le but de ça, c’est d’amener des argents nouveaux au conseil de bande, parce qu’on essaie de plus en plus de se libérer de l’emprise des sommes qui nous viennent toujours des autres gouvernements, tu es comme un petit peu prisonnier là-dedans, il y toujours des règles à suivre, tu ne peux pas le dépenser comme tu veux. On veut avoir des revenus autonomes. Donc, c’est sûr que ça a couté de l’argent, mais on va le rentabiliser, c’est à long terme.
Évelyne : Comment tu vas rentabiliser ça ?
Alain : On a un contrat avec Hydro-Québec, un contrat de vente d’électricité qui est produite par la mini-centrale et est vendu à Hydro-Québec. Comme il y a plusieurs autres producteurs qui font ça, tu produis l’électricité et tu la vends à Hydro-Québec, il y a un tarif qui est convenu, puis tu as des contrats de 20 ans qui sont renouvelables pour un autre 20 ans.
Ce sont des contrats à long terme. La centrale qu’on a, on estime que dans peut-être une quinzaine d’années elle va être fini de payer, Donc l’argent ça va être du profit net et ça rapporte plusieurs millions par année.
Évelyne : Aurais-tu un message à dire ?
Alain : Le message ! C’est plutôt un message personnel.
Évelyne : Oui !
Alain : Passé 50 ans on commence à acquérir peut-être un peu de sagesse ! Le message que je voudrais livrer, c’est que…
Faut toujours s’inspirer de la culture, il faut toujours garder les bases, les éléments de la culture, il ne faut pas vivre comme dans le passé, il faut s'inspirer de ce qu'ils faisaient puis se tourner vers l’avenir. Moi, j’ai été de longues années en forêt, j’ai aimé ça et j’y retournerais, mais veut veut pas, la vie en forêt change tranquillement, mais il faut garder le respect des animaux, il faut éviter d'abuser de ces choses, ce sont ces bases qu’il faut garder et transposer ça dans un monde moderne. Parce que veut, veut pas, on est dans un contexte de mondialisation, un contexte de communication.
Les transports sont de plus en plus rapides, on ne peut pas éviter ça non plus.
C'est le défi qu'on a de maintenir notre identité tout en étant fonctionnel dans la société.
Mais on ne peut pas vivre en marge de la société canadienne québécoise.
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Citation
Nepton, Alain (interviewé), St-Onge, Evelyne (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “Nepton, Alain,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 22, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/355.