Penashue, Elisabeth

Title

Penashue, Elisabeth

Subject

médecine traditionnelle; remède; perdrix; nature respect

Description

Entretien sur la médecine traditionnelle innue

Creator

Penashue, Elisabeth (interviewé)
St-Onge, Evelyne (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)

Source

Production Manitu inc.

Publisher

Production Manitu inc.

Rights

Production Manitu inc.

Language

Innu

Coverage

Entretien à Sheshatshiu

Type

vidéo | video

Format

Mp4 26 min; 15 s.

Original Format

vidéo | video

Transcription

0:54 Elisabeth: Voici ce que je fais pour les saluer. Ça m’arrive de pleurer lorsque je fais ça.

Elisabeth : Nous appelons ces petits fruits Pineu-minanisha (petits-fruits des perdrix). Ils ont l’odeur de médicaments. Pineu-minakana dans notre langue, et ils sentent le médicament !
Et vous ?

Evelyne : Oui, nous les appelons également des pineu-minanisha.

Elisabeth: C’est peut-être ce que la perdrix mangeait! Sent l’odeur, ça sent le médicament !

Gomme de sapin


2:21 Elisabeth: Voici un autre médicament, viens voir ! Un autre remède innu. Vois-tu ? De la gomme de sapin !

Evelyne : Il y en a une autre plus gros là !

Elisabeth: Sens-le, il sent très bon!
Ça c’est un autre remède. Il y en a un très gros ici, le vois-tu ? C’est un remède. Tu l’étales sur du papier, et tu fais un cataplasme sur la poitrine lorsque tu as des douleurs. À ce qu’il parait, il est très efficace pour guérir les plaies.

Evelyne: ah oui? On le frotte sur la plaie.

3:29 Elisabeth: Voici ce que nous appelons des Ikuta.

3:32 Evelyne: C’est ce qu’on sèche et on fait broyer?

Elisabeth: Oui, tu attaches plusieurs branches ensemble pour les faire sécher. Une fois sec, ils s’enlèvent facilement de la branche. Voici comment on fait ! Ils se défont en miettes lorsqu’ils sont sec. On peut déjà sentir leur odeur, regarde ! On peut les sentir très fort et ont l’odeur de médicament.

Une fois que tu les auras émiettés, tu les mets dans un sac.

Je t’avais conté que ma mère se faisait des cataplasmes ! Avec la chaleur, tu ne ressens plus de douleur et tu passes une bonne nuit de sommeil.
Tu dois convaincre ton cerveau que tu n’auras plus de douleurs, car tu as tous les remèdes nécessaires en main.
Tu ne devras jamais te dire que ce remède ne te fera pas effet, ou dire que tu ne l’aime pas. Tu ne dois surtout pas te dire cela. Tu dois vraiment accepter et croire à ce remède, comme si c’était vivant.

Mousse

4:40 Elisabeth: Nous remettons ceci au sol. Un enfant pouvait s’en servir qu’une seule fois, par la suite on en reprenait d’autre.

Evelyne : Ils faisaient tremper ça dans de l’eau chaude pour éliminer les petits insectes qui pouvaient y avoir dedans.

Elisabeth: Ah! C’est sûrement ça qu’ils faisaient ! Les faire bouillir pour tuer les petits insectes.


5:15 Elisabeth: Il y a vraiment beaucoup de remèdes traditionnel ici. Il y en a partout ! Comme je viens de montrer ici la gomme de sapin. Un innu va chercher les plus gros.
Moi ma mère, coupait l’arbre en petites sections et les ramenaient à la maison.
C’est ensuite qu’elle perçait les bulles pour étaler la gomme de sapin sur des feuilles de papier (cataplasme) qu’elle mettait sur les poitrines des enfants. Ça disait qu’il n’était pas nécessaire de le laisser très longtemps sur la poitrine d’un jeune enfant.
Aussitôt que l’odeur de la gomme de sapin se faisait sentir de la bouche de l’enfant, c’était temps de le retirer.
Un aîné pouvait le garder plus longtemps.
Les remèdes innus sont très très efficaces.

6:16 Elisabeth: Tu ne trouves pas que ça ressemble à un chemin de portage?
Mais quelles sont les petits-fruits que tu manges là ? Ceux qu’on appelle des Pineu-minaisha, c’est ça ?

6:50 Elisabeth: Voici comment tu places ceux-ci, et ensuite tu les mastiques. Ceci est un remède rapide. On ne le faisait pas bouillir, on ne faisait que le mastiquer.

7:21 Elisabeth: Voici un autre travail que je fais. Je creuse avec une pelle. J’ai déjà creusé trop profond que l’eau à commencer à remonter.


14:02 Evelyne: Tu voulais me raconter de quoi!

Elisabeth: Je vais faire une histoire courte. Je voulais parler de la perdrix.
Je criais après mon époux lui disant que je venais de voir une perdrix. Il arrive parfois qu’un homme ne nous croit pas parce qu’il est lâche. Alors que je n’y pensais pas, il est venu, très content et me demande l’endroit où j’avais vu la perdrix. Je lui indique l’endroit en lui disant que la perdrix est en train de monter l’arbre. Je lui demande d’aller chercher le fusil qui n’était pas très loin. Je ne croyais pas qu’il allait m’écouter. Au contraire, il est parti très vite en motoneige pendant que moi, je suis resté sur place à attendre.

14:33 Je voulais suivre les conseils de ma mère. Elle me disait de rester sur place et de continuer à faire du bruit, sinon la perdrix s’envolerait s’il n’entendait plus de bruit. C’est dont ce que je me souviens. J’ai alors continué à tourner en rond afin qu’il continue à sentir ma présence. Pendant ce temps, j’aperçois l’arrivée d’une autre perdrix. Je me sens tellement heureuse, et j’en revoie une autre atterrir. Je ne sais pas à quelle point la joie m’envahit dans mon coeur. Je les regarde longtemps et j’ai l’impression qu’ils communiquent avec moi. Comme s’ils me demandaient ce qu’il se passait avec moi, en me disant que j’avais pourtant l’habitude d’avoir forcé plus fort auparavant. Je savais exactement la raison pourquoi ils me disaient ça. C’est eux qui vivent dans la forêt. Tu nous protégeais tellement, maintenant nous sommes tous en train de mourir, semblaient-ils me dire. En regardant la perdrix se virer la tête vers moi, elle semble me parler. C’est une des raisons pourquoi je suis tellement fière de la forêt et que je la tiens beaucoup à coeur.
Ma fierté et mon respect envers la nature ne cessera jamais tant et aussi longtemps que je resterai en vie. Que ce soit d'aller en forêt ou en campement. Même si ce n’est pas pour aller en campement, je continuerai à chasser aux alentours pas loin d’ici au 7.
Je tends également des collets lorsque je remarque la présence d’un animal sur les bordures des chemins. Je chasse le porc-épic et la perdrix.

16:18 Evelyne: Que penses-tu de notre avenir? Crois-tu que l’innu resteras longtemps ? Penses-tu que l’on pourra préserver notre culture encore longtemps ? Par exemple, comme en ce moment, allons-nous continuer à aller dans la nature, dans la forêt ? Nos petits-enfants pourront-ils continuer à vivre notre culture ?

16:38 Elisabeth: Moi, je crois que si l’on se décourage de ce que l’on fait présentement, l’enfant ne pourra préserver notre culture. Toutefois, si on ne se décourage pas, je ne dis pas que je vais pouvoir prendre tous mes acquis antérieurs, mais si nous devons nous assurer que la génération ne perde pas la culture. Je le dis souvent. Ceux qui ne comprennent pas pensent qu’ils doivent tous suivre les traces de nos ancêtres. Le Gouvernement est déjà rendu très loin à nous piétinez, et si nous ne nous opposons pas à lui, il prendra plus de place. Si nous nous efforçons sur nos enfants, il y aura une possibilité de ne pas tout perdre, côté culture. Voilà ma croyance !

17:47 Evelyne: Une dernière question. Connais-tu des remèdes traditionnels ?

17:54 Elisabeth: À ce jour, je me sers encore de tous les remèdes traditionnels dont ma mère se servait.

18:01 Je vais vous conter qu’une fois, j’avais un (clou) ici, je ne sais pas comment vous l’appelez par chez vous, il est rouge, et souvent le médecin va le percer. Nous l’appelons numenissem (furoncle).
Il me faisait très mal, il devenait rouge. Je me suis dit que je n’allais pas m’en occuper et que ça allait se guérir tout seul. Un moment donné, la douleur empirait et c’était rendu que je ne pouvais plus bouger mon bras, et je n’étais plus capable de dormir du même côté.
C’est à ce moment que j’ai pensé à me servir des remèdes que ma mère avait pris, que je n’irai pas tout de suite à l’hôpital et que je verrai ce que ça allait donner. L’infirmière que nous avons croisée plus tôt, m’avait vue faire.
Vue que je ne peux conduire, j’ai alors demandé à ma fille de me reconduire à une place où j’allais ramasser des mélèzes. Je voulais suivre les traces de ma mère, faire exactement comment elle faisait. J’ai bûcher l’arbre et je l’ai scié en sections pour ensuite le faire bouillir. Une fois mou, je prends une branche d’épinette de la longueur de cette bûche et je gratte les mélèzes pour dégarnir les troncs. J’écrasais le tout pour le rendre gommeux, pour en faire un cataplasme. Je l’ai ensuite placé sur mon furoncle. Je sentais ses bienfaits et je changeais souvent mon cataplasme.

19:48 Un moment donné, on m’a convoqué à participer à une rencontre avec des médecins, qui avait pour but d’avoir des informations sur les remèdes traditionnels des innus. Nous étions deux à y participer. Moi et Pien, parmi d’autres personnes. Moi et Pien avons partagés nos savoirs sur les remèdes traditionnels. C’est alors que j’ai demandé à l’infirmière qui était là, de venir m’accompagner à la salle de bain pour lui montrer mon cataplasme traditionnel. Elle m’a remercié en me disant qu’elle était très heureuse d’avoir pu voir mon cataplasme. Nous nous sommes retournés à la salle de réunion où il y avait des gens assis autour de la table. Elle a fait part aux médecins et infirmières des bienfaits sur les remèdes traditionnels. Les médecins et infirmières n’en revenaient pas.

20:48 Je me sers encore des remèdes que ma mère faisait. Beaucoup de gens aujourd’hui croient et disent que nos remèdes traditionnels ne sont plus bons ou assez efficaces comme auparavant. Je ne suis pas d’accord avec leurs opinions.
Il y a des bienfaits pour ceux qui y croient, tandis que pour les non-croyants, les remèdes traditionnels ne feront pas effet.
Moi, je suis très croyante sur nos remèdes.
Ma mère se servait beaucoup de ce que la perdrix blanche avait ingéré, ainsi que le thé du Labrador. Elle mettait les feuilles du thé du Labrador dans un sac et le suspendait afin d’assécher les feuilles. Une fois que les feuilles aient été bien sèches, elle les émiettait et les mettait dans un petit sac. Ma mère avait toujours des douleurs au genou. Pour se soigner elle chauffait le sac rempli de feuilles émiettées et le mettait sur son genou. Elle disait avoir été très soulagé et qu’elle avait très bien dormi durant la nuit. Elle se servait souvent des (kakauat) et la gomme de sapin comme remède.

22:22 Evelyne: À quoi servaient les (kakauat) ?

22:25 Elle les séchait également, et il me semble qu’elle les écrasait sur une roche. Elle faisait des cataplasmes avec ça aussi.
Elle en avait déjà fait pour mon père. J’ai un souvenir qu’elle lui en appliquait sur la poitrine ou soit qu’elle l’attachait sur les côtes pour le maintenir en place. Elle en mettait aussi sur son genou lorsqu’elle avait mal. Ce cataplasme pouvait être appliqué sur n’importe quelle partie du corps où il y avait de la douleur.
Il y a plusieurs sortes de remèdes que l’Innu utilisait. Même ces sapins sont médicinaux. Par contre, le sapin baumier (inasht) n’a jamais été utilisé en tant que remède liquide à consommer. Le (sheshekatik) est consommable en liquide lorsqu’une personne ressent des frissons.

23:21 Evelyne: Oui en effet, il est buvable lorsque quelqu’un a très froid. J’ai remarqué que les gens de la Romaine se servaient de ça.
Quel message transmettrais-tu aux jeunes ? Que nous dirais-tu ? À nous qui sommes jeunes (rires).

23:50 Elisabeth: Parles-tu de nos enfants?

Evelyne: Oui, tous, tes petits-enfants…

23:55 Elisabeth: Moi je dirai à nos petits-enfants et à nos enfants que notre savoir-vivre est très précieux. De ne jamais penser à vivre comme un non-autochtone. C’est de cette manière que le jeune pense. Il envi la façon de vivre des non-autochtones. Il souhaite, ou il se dit qu’il va vivre comme eux plus tard.
Je dirais à mes arrière-petits-enfants, mes petits-enfants ou à mes enfants que rien ne changera, même s’il pense ou qu’il souhaite vivre comme un non-autochtone.
Tu as du sang autochtone, et tu resteras toujours autochtone. Il faudrait réfléchir pour s’assurer de ne pas perdre sa culture qui est tellement précieuse.
Le jeune ne comprend pas, il croit que la manière de vivre du non-autochtone est bonne.
La grand-mère et la mère lui disent que ce n’est pas bien. Ne pas suivre les pas d’un non-autochtone ou des jeunes anglais, car il doit prendre soins de sa propre vie. Même s’il ne peut suivre mes pas, de la manière dont mes ancêtres ou de mes parents m’avaient élevé, je lui dirais de faire en sorte de ne pas tout perdre sa culture.

25:25 Evelyne: Nous allons maintenant terminer Elisabeth, avais-tu autre chose à rajouter?

25:35 Elisabeth: Je vous remercie profondément de m’avoir parlé et de m’avoir permis de venir ici où je voulais être. Je n’étais pas très à l’aise de faire cette entrevue dans ma maison où à l’extérieur, car ce n’est pas très bien lorsque c’est bruyant.
Ici il n’y a aucun bruit et c’est très beau. Nous pouvons entendre des véhicules, mais de loin. Il n’y a pas de bruit d’enfants. On se sent à l’aise de parler dans ce beau paysage, qui en même temps nous donne la force. C’est d'ici que l’innu est née, et c’est l’endroit où il a acquis ses connaissances pour sa survie.

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Citation

Penashue, Elisabeth (interviewé) , St-Onge, Evelyne (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “Penashue, Elisabeth,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed September 23, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/357.

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