St-Onge, Evelyne 2

Title

St-Onge, Evelyne 2

Subject

éducation; histoire d'amour; production Manitu inc; Macaza; matutishan

Description

Enregistrement du récit de vie à Evelyne St-Onge à Matamek avec Eddy Malenfant

Creator

St-Onge Evelyne (interviewé)
Malenfant Eddy (intervieweur)
Eddy Malenfant (cinéaste)

Source

Production Manitu inc.

Publisher

Production Manitu inc.

Date

2015

Rights

Production Manitu inc.

Relation

Language

Français

Type

récit de vie | oral history

Format

Mp4 35 min 22 s.

Original Format

vidéo | video

Transcription

Je suis allé voir Desneiges à ce moment et elle m’a dit embarque avec nous autre. Desneiges travaillait en éducation ici à Sept-Iles. C’était le début de la prise en charge de l’éducation et ça j’aimais ça. C’était un mouvement qui était très énergisant, se prendre en main…Enfin les Innus on va faire quelque chose. On m’a dit tu vas travailler avec des ainés et tu vas faire des entrevues avec eux. Par exemple un matin on travaillait juste sur le vocabulaire de la neige ou de l’hiver…et le lendemain ça pouvait être la géographie. On travaillait sur des contenus. Il y a un ainé qui regardait par la fenêtre et qui voyait des enfants jouer dans la rue et il disait qu’il faudrait faire quelque chose avec eux. Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour eux ? On pourrait peut-être les amener en forêt. J’ai commencé à marquer qu’est-ce que ça nous prendrait pour aller dans le bois. Il m’a donné une liste et j’ai tout écrit. Je suis allé voir le gérant du magasin de la Baie d’Hudson à Maliotenam et je lui ai demandé combien ça me couterait tout ça. Le gérant me dit, voyons donc Evelyne, les innus ne vont plus dans le bois maintenant, ils ne font plus de trappage, ça ne sert à rien. Je lui ai demandé de le faire quand même. On lui donne la liste, des haches, des fils, de la nourriture, tout ce dont on avait besoin pour vivre une certaine période avec tant de personne. Ensuite, j’ai écrit à la compagnie de la Baie d’Hudson à Winnipeg pour demander de l’argent. Finalement on a reçu de l’argent et le gérant du magasin nous a félicité. C’est à ce moment-là qu’on a mis le projet sur pied. On a commencé à écrire, combien de temps, où, quand, comment, qu’est-ce que les enfants vont apprendre. Finalement on a donné ce projet à un comité de chasse et on a travaillé ensemble pour concrétiser ce projet. On a fait une recherche de financement et c’est le centre de main d’œuvre qui a subventionné à ce moment-là le projet. Et c’est là que ça a commencé tout l’enseignement traditionnel et ça correspondait très bien à mes attentes. Je m’étais impliqué car c’est moi qui avais besoin de connaître ma culture. Ça je le sais aujourd’hui car il fallait que je prouve que j’étais une Indienne. J’étais de toutes les réunions même à La Macaza au collège Manitou. C’était vraiment un endroit très intéressant dans le nord des Laurentides. C’était un collège pour les autochtones. Moi je n’allais pas là comme étudiante, j’allais là en visite. J’avais une amie qui travaillait là, Sylvia Uatsu et je lui rendais visite. J’amenais Benoît et Michèle qui était très jeune à ce moment-là. Il y avait une garderie et moi j’avais la journée à faire ce que je voulais. J’ai passé un été complet à La Macaza. J’ai appris à sculpter, à faire des ceintures tissées. J’ai appris à faire un tissage traditionnel, à faire un métier à tisser. C’était très valorisant et j’ai appris des choses que je n’aurais jamais appris ailleurs. C’était pour nous un endroit de connaissances et d’habilités. Mon amie travaillait au service étudiant et Monique Sioui une autre amie travaillait à l’imprimerie. On était vraiment bien toutes les trois. C’était vraiment un endroit pour autochtones des Amériques. Il y avait des gens autant des Etats Unis que du Canada. Ça été pour moi une grande ouverture. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’on n’était pas tout seul, qu’il y avait d’autre autochtones à travers le Canada. Le groupe autochtone s’agrandissait et ça me faisait du bien. Il y avait un côté nationaliste indien et on pouvait se faire entendre. L’identité était là et c’était très intéressant. J’ai appris beaucoup de chose. Les réunions des chefs se passaient là. Ça nous a éveillé à réaliser qu’on n’était pas seul et qu’on pouvait être fort.
Quand j’ai fait ma crise d’identité, pis ça s’est calmé…là j’ai commencé à rêver en indien, j’ai commencé à rêver à un prince charmant innu qui m’amènerait dans le bois, où je pourrais vivre dans le bois…Et finalement, j’ai rencontré Philippe. Philippe est un chanteur qui chante en innu. Et qui s’identifie comme un Innu. Pour moi, ça me convenait très bien. C’est drôle comme on s’est rencontré, je ne l’avais jamais remarqué avant. On était à la rivière Moisie au campement de Desneiges Vollant…Il y avait un journaliste de Radio-Canada qui était venu. Il y avait une grande réunion. On préparait le repas, puis il y a eu un orage, tout d’un coup avant le repas. Tout le monde est parti se mettre à l’abri en dessous des arbres…Et un éclair surgit, près d’une voiture…Philippe était là et ce fut le coup de foudre. Je ne l’avais jamais vu avant. Un an et demi après, on a décidé de vivre ensemble et on a eu Mishtashipu. Lui aussi joue de la musique. Je me souviens que quand Philippe jouait de la guitare, Mishtashipu mettait toujours son oreille sur la guitare, ça commencé de même.
C’était à Innu nikamu, c’est là qu’on m’a présenté Eddy Malenfant qui était aussi ami avec Zacharie et Céline Bellefleur. J’étais toujours en train de rêver de sauver la culture et la langue. Céline travaillait dans la langue innue et Zacharie était toujours en forêt. On a eu cette rencontre avec Eddy pour faire du matériel scolaire en vidéo. Je travaillais déjà à faire du matériel didactique sur papier dans le cadre du projet de innu uass. On faisait beaucoup de petits livres pour les écoles. Et maintenant on va avoir de l'audiovisuel. Je me disais, je vais être là, j’embarque avec eux, car ça correspond toujours à ma recherche d’identité et à sauver ce qui nous reste comme culture. Je suis Innue et je vais mourir Innue. Tout ça faisait partie de ma démarche. En faisant des documents audio-visuels en innu et c’était vraiment intéressant. En plus les films parlaient notre langue, du territoire. Il y avait une grande fierté à le faire. Pour moi personnellement j’étais fier de travailler pour Production Manitou, car j’avais mes trois enfants qui en même temps que moi apprenaient beaucoup de la culture innue. Le fait de faire ces documents là en langue innue me rendait très fière d’autant plus que nos premiers spectateurs étaient les ainés qui nous sanctionnaient d’une certaine façon. Quand ça riait, c’était un bon signe que le document était bon et qu’on pouvait le diffuser. C’était eux qui décidaient de la qualité de nos documents. Toujours avec production Manitu, on a élargi notre présence, fallait se faire connaître et on a fait une série innu assi où l’on a visité les 11 communautés de la nation innue. Pour moi, ça été très facile car mes parents étaient passé avant moi. Mes parents étaient très connus dans les communautés et c’est eux qui m’ont ouvert le chemin. Comme mes parents, j’aimerais faire la même chose pour mes enfants et qu’ils retrouvent cette même facilitée que moi j’ai connu.
En même temps que je travaillais pour Production Manitu, j’ai travaillé également à l’institut culturel et éducatif montagnais. On m’a dit, fait un projet et rencontre le conseil de bande et emploi et immigration peux subventionner ton projet. Je suis retourné à l’institut avec une partie du projet financé, dont mon salaire. On m’a dit Ok, Au début je travaillais comme agent de projet, puis sur le programme sensibilisation. Ce programme s’organisait avec en partenariat la Commission des droits de la personne. C’est un programme où l’on donne de l’informations aux non-autochtone dans le but des sensibiliser sur la réalité autochtone et on le fait à travers une clientèle scolaire du secondaire. C’est un programme qui fonctionne depuis 10 ans et est très demandé. Ça répond bien au questionnement des Québecois parce qu’ils veulent nous connaître. Quelquefois je leur pose la question à savoir quelle image vous vient à l’esprit quand on dit sauvage, amérindiens, autochtones…C’est la forêt, la chasse, les plumes, la danse autour du feu. On n’est vraiment pas connu même si on vit à côté d’eux. Le fait d’aller les voir dans les écoles, on installe une grande tente dans la cour d’école. On amène les jeunes à l’intérieur, ça sent le sapin et on parle de nous très simplement sans vouloir faire des sensations. On se présente tel qu’on est, ce que l’on fait aujourd’hui. On mange, on danse, les jeunes qui le désirent peuvent dormir à l’intérieur. C’est un bon soutien pédagogique. Les gens aiment ça et je pense que c’est un très bon moyen. On va également dans les écoles innues. Même chez les Innu, on ne connaît pas tellement notre histoire, l’histoire du Canada qu’on a appris à l’école, souvent moi j’étais gênée de cette histoire, j’aurais voulu me cacher et me pâlir tellement cette histoire est contre nous, parfois, c’était vraiment humiliant d’entendre cette histoire qui est montrée dans les écoles. Pour nous Production Manitu d’avoir fait Chronique de Minganie fait partie de ce que nous voulons montrer à travers l’histoire que les gens ne connaissent pas. On incite les gens à être curieux à cette façon de connaître l’histoire. J'ai beaucoup aimé cette façon de faire.
J'ai bu, à l'époque où je n'allais pas bien avec ma consommation d’alcool, j’ai pris des cours en relation d’aide, pour m’apercevoir que c’était moi qui avais besoin d’aide. J’avais décidé d’aller faire une thérapie et j’y suis allé.
Y avait toujours quelque chose qui me manquait, je me disais : j’ai arrêté de boire, je suis en bonne santé, je commence à régler mes problèmes de relations…Mais je sentais quand même quelque chose qui me manquait en dedans de moi et je savais que c’était le côté spirituel.
Quand je suis sorti du pensionnat, j’ai laissé le bon dieu au pensionnat, quand j’ai fermé la porte du pensionnat, je l’ai laissé là. J’avais assez prié tout ce temps-là. Pourtant je me suis marié à l’église, je n’ai pas fait baptiser les enfants…
Ça continue comme ça sans religion, sans croyance à quelque chose. Je me sentais complexée, pas bien, il y avait un vide à l’intérieur de moi. Mes amis me disait donne tes peines au bon dieu et moi je ne comprenais pas ce qu’ils voulaient dire. Je m’attendais a ce qu’il m’apparaisse ou quelque chose comme ça. Je n’avais pas du tout l’esprit spirituel. Un soir, Edouard Michel arrive chez nous et dit qu’il s’en va à une cérémonie à la pleine lune. Je lui dis, je vais aller avec toi. On était tout le monde assis par terre et il y avait une femme Naskapie qui parlait de toute notre relation avec la terre, le soleil, la lune…C’est à ce moment-là que j’ai trouvé ma réponse…J’ai trouvé tout un côté spirituel des éléments de la terre que je n’avais jamais pensé, que je n’avais jamais vu, ni même pensé, je ne savais même pas que ça pouvait exister. Ça été pour moi une très belle découverte. Après j’ai continué à vouloir connaître plus…Une autre fois, il y a eu la tente à suer, ça se passait à la rivière Moisie, le territoire de mes ancêtres, de mon grand-père du côté de ma mère…Je pensais beaucoup à mes ancêtres cette fois-là…J’ai pleuré tout le long, c’était comme si j’avais à pleurer toutes les peines du monde, toutes les peines que j’avais eu auparavant. Un matutishan avec Noat à la rivière Moisie. Quand je suis sorti, le fou de rire m’a poigné, j’ai vu des étoiles…J’étais couché par terre. J’avais été aux extrêmes et ça été encore d’autres découvertes. Je me sentais bien, j’avais arrêté de boire et je commençais à régler mes émotions. C’était le côté spirituel qui me manquait. J’entretiens beaucoup ce côté-là maintenant, Je vais à tous les ans à la danse du soleil chez les Lakotas. Pour moi, c’est un lien très important, c’est le lien spirituel qui m’a manqué et que j’ai toujours cherché. Ça m’a pris du temps à comprendre. J’aime beaucoup ce lien là, ce sont des gestes, une façon de faire, une façon de penser qui te relie avec la terre, avec les autres. On fait tous les mêmes gestes qu’on soit innu ou lakotas. J’ai eu une plume, j’étais avec Marie Jeanne et pour moi, la mission de recevoir une plume est une mission de paix et pour faire ma mission de paix, ma vie doit être aussi légère que la plume et la paix je le fais avec le travail de sensibilisation dans les écoles ou les autres communautés. C’est ça ma mission, de parler des Innus, de se faire connaître, que ce soit avec un Innu ou un non autochtone.
Aujourd’hui, mon rôle de grand-mère, je l’ai senti quand ma petite fille Laura qui avait 8 ans est venue me voir et je me suis aperçu qu’elle m’imitait. C’est à ce moment-là que je me suis dit que mon rôle de grand-mère commençait. Je devais lui enseigner des choses car elle avait le goût d’apprendre. Aujourd’hui, ce que j’aimerais pour mes enfants…Ils sont bien, ce sont des Innus, peut-être qu’ils ont de la difficulté à parler innu mais ils ont le sens innu. Quand je pense à Benoît, il peut travailler où il veut, il est très habile en forêt, très habile de ses mains, il peut faire des canots, il connaît beaucoup de choses de la culture innue. Michèle ne parle pas très bien innu, elle comprend. Elle connaît beaucoup de lois concernant les autochtones du Canada et pour moi c’est aussi important. Mishtashipu, lui connaît la forêt, parle la langue, connaît la musique. Mes enfants, je suis fier d’eux et j’aimerais qu’eux aussi transmettre à leurs enfants. C’est maintenant à mon tour de m’intervenir avec eux pour renforcir leurs connaissances. C’est à mon tour d’aller voir mes petits-enfants, de leur enseigner, de parler innu. Je ne suis pas inquiète pour Benoît, ses enfants parlent la langue. Par contre j’ai encore de la difficulté à l’atteindre ou lui parler tout simplement. Une fois je lui ai raconté une histoire qu’on était allé voir un ainé qui nous avait parler de la truite grise et j’en ai parlé à Benoît qui a réagi à me disant pourquoi je ne lui en avais pas parler avant. Il veut en savoir des choses, que je me suis dit. Je viens juste de le savoir que lui ai répondu. Je n’ai pas connu la vie traditionnelle, j’ai appris à l’âge de 30 ans et je me suis réapproprié ma culture. Je l’ai appris un peu partout, de bien du monde, pas de mes parents mais par de nombreux Innus de plusieurs communautés. Aujourd’hui il faut posséder les 2 cultures. Il faut être fier d’être Innu. Il faut que tu connaissance au moins une partie de ton histoire. C’est ce qui nous manque, nous les Innus, connaître notre histoire, nos légendes, nos chansons, notre histoire de famille…J’aimerais que mes enfants soient bien dans les deux cultures, en ville, à Natashkuan, à Maliotenam…C’est de cette façon que mes parents m’ont laissé une liberté ou une aisance…



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Citation

St-Onge Evelyne (interviewé), Malenfant Eddy (intervieweur) , and Eddy Malenfant (cinéaste) , “St-Onge, Evelyne 2,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 22, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/410.

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