Moar, Lorraine

Title

Moar, Lorraine

Subject

histoire innue; amérindianisation; école en forêt; système scolaire; langue innue; participation des ainés

Creator

Moar, Lorraine (interviewé)
St-Onge, Evelyne (intervieweur)
Malenfant, Eddy (cinéaste)

Source

Production Manitu inc.

Publisher

Production Manitu inc.

Date

2000

Rights

Production Manitu inc.

Language

Français

Coverage

Entretien à Mashteuiatsh

Type

vidéo | video

Format

Mp4 19 min. 46 s.

Original Format

vidéo | video

Transcription

Évelyne : Kuei Lorraine
Lorraine : Kuei Évelyne
Évelyne (00:02): Ça fait très longtemps que je sais que tu es en éducation. Je pense depuis le début de l’amérindianisation que tu es là.
Lorraine : Oui, j’ai commencé en éducation en 82. Tu vois, on a pris en charge ici en 80 et moi j’ai commencé en éducation en 82. J’ai travaillé deux ans pour les négociations avant, la recherche sur l’occupation du territoire.
Évelyne (00 :23): Et après, tu as enseigné?
Lorraine : Après ça, j’ai commencé, j’étais d’abord conseillère aux étudiants. Je faisais le suivi des jeunes qui étaient dans les écoles provinciales puis après ça, je suis devenue enseignante au primaire. Après ça, je suis devenue conseillère pédagogique et quand j’ai fini, j’étais directrice des Services éducatifs pendant les cinq dernières années où j’étais là.
Évelyne (00 :43): Je sais Lorraine qu’ici, à Mashteuiatsh, il y a eu beaucoup d’initiatives au niveau de l’école. Je pense que l’école est allée en forêt?
Lorraine : On a essayé d’amener l’école en forêt et je pense qu’on s’est rendu compte que ce n’était pas nécessairement la solution. Il faut reculer au moment de la prise en charge quand on a décidé de prendre en main l’éducation pour notre communauté. C’est qu’on avait vraiment les programmes du Québec. On appliquait dans le fond ce que le ministère des Affaires indiennes [et du Nord canadien] appliquait avant de nous transférer les programmes puis on s’est vite rendu compte que si on voulait sauvegarder la culture et la langue, il fallait travailler au niveau des contenus. Donc, je dirais pendant les cinq premières années de prise en charge, l’effort a été mis sur les contenus et le curriculum. Donc, les programmes de langues ont été montés à ce moment-là et des programmes aussi au niveau de la culture et des arts. Graduellement, on a rajouté l’histoire. Puis, pendant ce temps-là, on a une réalité dans notre communauté où on a des jeunes qui fréquentent le territoire avec leur famille pour des périodes qui vont entre un mois et pour certains jeunes, jusqu’à quatre mois pendant l’année scolaire. Donc, on a essayé de répondre à ce besoin. Au début, on avait ce qu’on appelait un « professeur itinérant ». Donc, un professeur qui se déplaçait en territoire. C’est un peu l’image que tu disais [Évelyne]: « L’école est allée en territoire ». Puis, cela n’a pas donné les résultats qu’on souhaitait parce qu’on s’est rendu compte rapidement que les jeunes, même s’il y avait quelqu’un qui allait les voir à l’occasion en territoire, quand ils revenaient dans la communauté, ils avaient pris un retard comparativement aux autres élèves de leur groupe. Donc, on a mis fin à cette initiative du professeur que l’on appelait « itinérant » à l’époque puis on l’a remplacé par des mesures d’intégration des jeunes au retour du territoire. Ce qu’on a fait après cette période : on a préparé du matériel. C’était vraiment la responsabilité de l’enseignant et des parents. Les parents avisent l’école au moment où ils partent en territoire pour la période qu’ils vont quitter la communauté et les enseignants préparent le matériel. Les jeunes font ce qu’ils peuvent à leur rythme et quand ils reviennent, il y avait une période d’intégration, dans le sens où il y avait une transition. Il y avait des spécialistes comme des ortho. [orthopédagogues] et des intervenants qui étaient affectés pour faire le tour un peu avec les enfants de ce qu’ils avaient fait puis d’essayer de refaire une mise à niveau pour les réintégrer dans leur classe. Ça été fait pendant un autre cinq ans puis ensuite, on a évalué ça et on n’était pas encore satisfait des résultats et je dirais qu’aujourd’hui, c’est un des gros défis qu’on a parce tu ne peux pas apporter le territoire dans l’école et tu ne peux pas non plus apporter l’école en territoire. Ce sont deux réalités différentes. On se dit qu’il y a des apprentissages différents qui se font en territoire et ici. Le défi qu’on a maintenant est que le système [scolaire] réponde à ces deux réalités. La demande des parents est claire. Ils veulent que les jeunes soient formés dans nos écoles pour qu’ils soient capables de s’intégrer à l’extérieur et en même temps, lorsqu’ils vont en territoire, les enfants reçoivent d’autres types d’enseignements. Il faut donc vérifier comment on pourrait repenser un système [scolaire] qui puisse répondre à cette réalité-là.
Évelyne (03 :50): Est-ce qu’elles sont en marche ces démarches ?
Lorraine : La réflexion est là sûrement. Nous sommes comme toutes les autres communautés. On a appris par essais et erreurs. On a pris des initiatives. On a pris des risques, mais des risques calculés parce qu’on a affaire à des enfants. Donc, on ne voulait pas pénaliser nos enfants dans ce qu’on allait expérimenter. Le temps nous a enseigné que le territoire est une réalité et il faut voir comment on peut amener un cheminement académique pour des jeunes qui sont utilisateurs du territoire. Je pense qu’une des principales contraintes est l’organisation scolaire : un calendrier scolaire sur dix mois. Si on veut innover dans nos systèmes d’éducation pour sauvegarder la culture, il va falloir aller jusqu’à repenser notre système scolaire complètement.
Évelyne (04 :41): Ce serait possible? Tu y crois?
Lorraine : Je crois qu’il va falloir oser faire ça. L’idée de copier le curriculum québécois, je pense que c’est un choix réfléchi des communautés. C’est un choix, pour la plupart des communautés, des parents. Les parents veulent qu’on ait la même chose [les apprentissages scolaires] qu’ailleurs parce qu’une fois le primaire et le secondaire complétés, on veut encourager nos jeunes à aller aux études postsecondaires. Il faut qu’ils [enfants] aient le bagage nécessaire et ça, c’est le bagage des Québécois. En même temps, il y a un prix à payer pour ça.Un changement profond du système scolaire. On veut sauvegarder notre culture, intégrer un curriculum qui est le nôtre et même innover dans nos approches. Ici [Mashteuiatsh], il y a quelque chose qui est de plus en plus présent dans le discours, c’est la reconnaissance des savoirs. Les gens qui utilisent le territoire possèdent des enseignements qui ne sont pas transmis dans les écoles et qui ne sont pas enseignés dans les universités. Il faut que nos jeunes puissent recevoir ces enseignements et ce n’est pas entre quatre murs que ça se passe. Il faut donc penser à un calendrier et à une organisation scolaire qui vont permettre l’utilisation du territoire et puis quand les jeunes font des apprentissages là-bas [en territoire], je pense qu’il y a moyen d’être innovateur et aller chercher ce que les jeunes ont appris là-bas et d’intégrer ça dans un enseignement. Il faut vraiment, je pense, révolutionner le système scolaire comme on le connait présentement.
Évelyne (06 :01): Au niveau de la langue, est-ce qu’il y a beaucoup de choses qui sont mises en place?
Lorraine : Vingt ans de prise en charge veut dire qu’il y a eu vingt ans d’expériences, d’essais, d’erreurs et de réussites aussi. Dès les premières années, les premières choses qui ont été faites au niveau d’une affirmation de notre culture à partir de la prise en charge, ça été d’intégrer des cours de langues. Ce qui est difficile dans ça, c’est qu’il faut non seulement développer, mais il faut donner l’enseignement, il faut évaluer, il faut faire tout ça en même temps et les parents demandent que ce soient des choses de qualité qui soient faites auprès des enfants. Donc, les exigences et les attentes sont élevées. Il faut performer, il faut produire, il faut développer, il faut faire tout ça en même temps. La pression est extrêmement forte sur les ressources et on a intégré depuis le début des années 80, des cours de langues dans nos écoles. On a aussi expérimenté l’immersion à une certaine époque et ça aussi a été arrêtée et on est revenu aux cours de langues. Maintenant, je pense qu’au niveau de la situation linguistique, il y a quand même eu une grosse évaluation qui a été faite ici, à Mashteuiatsh en 93 sur l’état de la langue et ça a été un événement important parce que les gens de la communauté ont réalisé que notre langue était sérieusement menacée. On le savait sauf que quand il y a une étude qui le confirme et qui nous dit que d’ici une génération, si vous ne faites rien d’autre, votre langue va mourir. On s’est rendu compte aussi que l’école est un outil. Ce n’est pas l’école qui va sauvegarder la culture et la langue. Ce n’est qu’un outil. Donc, on a aussi retransmis et repartagé les responsabilités dans le sens où l’école est un moyen, un outil. La responsabilité première revient aussi aux familles et aux parents qui sont les premiers éducateurs des enfants. Il s’est passé quelque chose d’intéressant à partir de ce moment-là. Il y a un phénomène que j’observais dans les dernières années où j’étais ici. Quand j’ai commencé, au début de mes vingt ans comme enseignante, tous les enfants arrivaient ici même s’ils étaient issus de familles montagnophones. Ils ne parlaient que français. Aujourd’hui, au début de l’an 2000, on a des enfants qui arrivent ici de milieu où l’on parle en montagnais. Il y a vraiment un phénomène qui est en train de s’inverser. Je pense que c’est majeur et qu’il faut que ça se passe. Même si je ne suis plus impliquée directement dans les Services éducatifs de la communauté, je sais que les deux enjeux majeurs présentement, c’est vraiment l’intégration significative de la culture et la réussite d’un plus grand nombre d’élèves dans nos écoles. Il y a donc des réflexions qui sont menées sur les moyens qui devront être pris par rapport à ça. Je pense que nous avons un bagage de vingt ans, il faut s’en servir. Il faut apprendre de notre passé et apprendre de nos erreurs aussi et continuer le chemin avec ça, mais je pense que le sentier commence à être battu. Je pense qu’il faut réapprendre à se faire confiance. Quand on a commencé, il ne faut pas perdre de vue dans quel contexte toutes les communautés du Québec ont pris en charge [l’éducation]. On a pris en charge l’héritage que le ministère de l’éducation nous a laissé et cet héritage-là c’était, « à côté c’est bon, c’est meilleur ». Nous, au niveau de l’estime de soi et qui on est, on était des pas bons. On a grandi avec cette mentalité et quand on est arrivé dans la communauté [Mashteuiatsh], c’est sûr qu’à partir du moment où il y a eu des prises en charge et qu’il y a des gens de la communauté qui ont pris les postes, il y a eu des préoccupations. On s’est d’abord préoccupé de changer les contenus. Après cela, on s’est dit que ce n’était pas juste qu’est-ce qu’on va leur enseigner, c’est comment on va leur enseigner. Donc, on a commencé à se préoccuper des façons de faire. Comment on fait? On n’enseigne pas selon notre culture non plus. Et là, il s’est passé des choses intéressantes. Je pense au programme Nimakiniun qui a pris naissance parce qu’on a une problématique sociale importante comme dans beaucoup d’autres communautés. Et on a beaucoup de jeunes qui ne réussissent pas encore dans nos écoles et on a élaboré ce programme Nimakiniun. C’était vraiment à partir de la problématique sociale des jeunes, mais de mettre à contribution tous les intervenants : les intervenants éducatifs, les intervenants sociaux, les parents pour faire un programme préventif auprès des jeunes. On a commencé à enlever des murs qui étaient là entre l’école et les services sociaux, l’école et la famille pour avoir une approche plus communautaire qui nous ressemble plus dans nos valeurs et dans ce qu’on est. Il y a eu des initiatives comme ça et au terme de toute cette période-là, les gens ont pris des temps d’arrêt. On a évalué ce qu’on a fait même si ce n’était pas facile de s’évaluer, de se regarder dans le miroir et se dire qu’on a manqué notre coup dans le chemin qu’on a pris et qu’il faut revenir en arrière et reprendre. Je pense qu’après vingt ans, ce bagage va nous être utile et je suis très confiante pour l’avenir.

Évelyne (10 :54): Est-ce qu’il y a beaucoup de participation des aînés dans l’enseignement des savoirs?
Lorraine : Oui. Les aînés ont toujours, depuis le début de la prise en charge, été mis à contribution. On les invitait à venir rencontrer les jeunes, raconter les légendes. À partir du début des années 90, on a remplacé les cours de culture par les cours d’histoire. Pour développer ce curriculum, on a regroupé des aînés de la communauté qui sont nos experts, notre encyclopédie. Les gens des Services éducatifs s’assoient avec eux [ces aînés]. Il y a des enseignants. Ils font parler les anciens de notre histoire et de notre culture. Tout cela est enregistré et noté. Avec toutes ces informations, on élabore un curriculum qui est enseigné aux enfants. C’est donc une forme de contribution. Je sais qu’il y a des départs à l’occasion en territoire avec des groupes de jeunes aussi où encore une fois, on sollicite les parents et les ainés à accompagner les enfants. Je crois que les aînés sont mis à contribution dans leur domaine d’expertise, mais si on veut arriver à l’objectif d’avoir vraiment un système [d’éducation] qui est le nôtre, où la culture est sauvegardée et vraiment mise de l’avant, il va falloir encore aller un peu plus loin que ce qu’on fait présentement.
Évelyne (12 :08): Je remarque depuis que je suis ici, il y a beaucoup de créations artistiques. Il y a beaucoup de choses concernant la culture?
Lorraine : Je pense que c’est important. Dans un des grands objectifs qu’on avait au niveau de l’éducation de la communauté, c’était entre autres de développer la fierté et l’appartenance de nos jeunes et on ne peut pas développer la fierté et l’appartenance si tu ne sais pas qui tu es, si tu ne sais pas de quoi tu peux être fier. C’est sûr que les séjours en territoire et le contact avec les anciens, mais aussi de présenter aux enfants des gens de la communauté qui sont des artistes dans ce qu’ils font. Je pense que dans notre communauté comme dans toutes les autres, on a beaucoup d’artistes. On a beaucoup ces talents-là chez nous. De les présenter aux jeunes et de les rendre accessibles aux jeunes, c’est important. D’autant plus que dans ces artistes, il y en a qui sont reconnus non seulement au niveau des communautés, mais partout à l’extérieur. On a des bons artistes peintres, des bons sculpteurs, on a des gens qui font du travail d’écorce. Je pense que ça aussi c’est reconnu. C’est intégré également dans les cours d’histoire. Il y a un volet où l’on parle des artistes de la communauté et on parle des artistes des autres communautés. De présenter aussi aux enfants des modèles innus, c’est important.
Évelyne (13 :30): Vous en avez un, Aurélien Gill.
Lorraine : Ça, c’est une autre sorte de modèle. On parlait des artistes, c’est une catégorie. Sur le plan politique, les leaders sont aussi importants. Chaque jeune est unique et on est tous différents. Je pense qu’on a des forces différentes. Il y a des jeunes qui sont bons dans les arts, il y en a d’autres qui sont des bons orateurs, il y en a qui sont des bons penseurs et je pense que plus on leur présentera des modèles qui ont réussi dans toutes sortes de domaines, plus ça contribue à leur donner leur fierté et leur appartenance et le goût à leur tour de continuer le chemin.
Évelyne (14 :09): Quel message tu laisserais aux jeunes?
Lorraine : Je vais parler pour les miens parce que j’en ai cinq [enfants]. Ce qu’on essaie de leur transmettre, mon mari et moi, c’est d’aller chercher tout ce qu’ils peuvent au niveau de leur culture et d’aller chercher aussi tout ce qu’ils peuvent au niveau des autres cultures mais sans jamais oublier d’abord qui ils sont et d’en être fier et d’apporter leur contribution pour leur communauté, mais aussi pour les autres parce que je pense que les autres ont énormément à apprendre de notre culture. On a à apporter des choses à l’autre culture, comme eux nous en ont apportées et vont continuer à nous en apporter. Il faut que les jeunes prennent leur place et pour ça, il faut qu’ils soient fiers de qui ils sont. Il faut prendre le temps d’aller parler avec les anciens, de prendre le temps d’aller en territoire parce qu’il y a des enseignements à recevoir en territoire que tu ne peux pas recevoir ici, dans la communauté.
Évelyne (15 :16): Ça fait longtemps que tu travailles en éducation. Je sais que tu travailles depuis plusieurs années.
Lorraine : J’ai débuté en éducation en 82. C’était deux ans après la prise en charge ici [Mashteuiatsh]. Quand j’ai débuté, j’étais d’abord conseillère aux étudiants. À l’époque, on n’avait pas d’école secondaire. On n’avait que l’école primaire, donc les jeunes allaient à l’extérieur de la communauté. Je faisais le suivi des jeunes qui étaient dans les écoles provinciales, cégeps et universités. Ensuite, je suis venue ici à l’école primaire comme enseignante et après, j’ai été conseillère pédagogique à l’école primaire. Pendant mes dernières années d’implication ici en éducation, j’ai été directrice des Services éducatifs. Comme je fais partie des gens qui pensent qu’on n’a jamais fini d’apprendre, après ces seize années, j’ai décidé de retourner aux études, toujours en éducation pour continuer à réfléchir et apporter des éléments de solution. Ce qui me préoccupe, c’est vraiment au niveau du système scolaire dans sa globalité dans lequel on est. Je pense qu’il y a des choses qui sont incompatibles avec les valeurs et les principes sur lesquels s’appuient toute notre culture. Ce système répond à des valeurs qui ne sont pas nécessairement les nôtres. Je crois qu’avec la prise en charge, on a appris à bien connaitre ce système et à bien le gérer. Maintenant qu’on le maitrise bien, on est à l’étape de vouloir le transformer pour en faire notre système d’éducation et c’est tout un défi, mais on est sur la bonne voie.
Évelyne (16 :50): Pour l’avenir, comme tu vois ça? Est-ce qu’il y a toujours des Indiens, des Innus?

Lorraine : Oui. Je pense plus que jamais. Je regarde les enfants et je regarde les anciens qui sont encore là. C’est sûr qu’au fil des années, on en voit partir et à chaque fois qu’il y en a un qui part, on pense à tout le bagage et tous les enseignements qui s’en vont avec chaque aîné qui part. Heureusement, dès le début des prises en charge en éducation et je pense que ce n’est pas juste à Mashteuiatsh, c’est commun à toutes les communautés, on s’est empressé de recréer le contact avec les anciens pour aller chercher des enseignements et de les intégrer dans nos curriculums. Aujourd’hui, à l’aube de l’an 2000, j’envisage l’avenir avec beaucoup de confiance parce que je me dis qu’on a été dans un sentier qui était tellement difficile. On a pris en charge [l’éducation] dans des conditions tellement ardues et je regarde même encore aujourd’hui les statistiques, on a 50% d’enfants dans nos écoles qui ne réussissent pas. Je me dis que ces statistiques-là étaient encore plus alarmantes probablement au moment où on a pris en charge, mais on ne les connaissait pas parce que le ministère ne nous a pas laissé avec des évaluations pour nous dire : « Voici dans quel état on vous laisse vos écoles ». Aujourd’hui, il [Ministère de l’Éducation] nous demande de rendre des comptes sur comment ça va dans nos écoles, mais on ne connaissait pas la situation au moment où on a commencé. Je pense qu’on a réussi à bâtir et à faire des gains importants pendant ces vingt années au niveau des contenus d’enseignement, de l’organisation scolaire et au niveau des ressources aussi. On a quand même une majorité d’autochtones qui sont dans le système d’éducation et on a des jeunes qui m’apparaissent de plus en plus fiers de qui ils sont. Ces jeunes reçoivent des cours d’histoire sur leur histoire et sur leur culture. Nous, on n’a pas connu ça. Pourtant, on est arrivé dans le milieu de l’éducation avec toute la fierté et la préoccupation que nos jeunes reçoivent ça. Je me dis que vingt ans plus tard, ça fait partie de leur curriculum, donc ce sont des acquis importants. Pour l’avenir, je me dis qu’on a encore énormément de travail à faire, mais je pense que l’expérience acquise, les erreurs qu’on a pu commettre en cours de route, et aussi les gains qu’on a pu avoir pendant tout ce cheminement, vont nous permettre de nous amener dans le système d’éducation qu’on veut. Je fais partie des gens qui sont très confiants par rapport à ça.

Évelyne (19 :14): Merci. Tu m’encourages.
Lorraine : Il faut s’encourager et il ne faut pas lâcher. Et plus, je réfléchi et que je regarde ce qui se passe aussi avec les autres communautés, c’est qu’on est plusieurs qui avons pris en charge [l’éducation] dans les mêmes périodes. Tous ces gens continuent d’y croire. Quand je regarde pousser la relève et je regarde mes enfants, ça me rassure. On fait, je pense, qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse.
Évelyne (19 :44): Merci Lorraine.

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Citation

Moar, Lorraine (interviewé), St-Onge, Evelyne (intervieweur), and Malenfant, Eddy (cinéaste), “Moar, Lorraine,” Confluence Premiers Peuples / First Peoples Confluence, accessed November 22, 2024, http://omeka.uottawa.ca/confluence-premierspeuples-firstpeoples/items/show/351.

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