Fanny Constantino
Le Murmure Captif est une série de trois dessins découpés qui explorent la transformation d’une figure féminine en cigogne. Cette évolution visuelle est une métaphore poétique de la quête d’équilibre entre l’ancrage dans le réel et l’aspiration à la liberté, une quête qui incarne la complexité et le paradoxe des expériences des femmes dans un monde virtuel. À travers cette série, l'artiste explore la tension entre la fragilité et la force, et invite à une réflexion sur notre détachement progressif des émotions et de la vie réelle.
La série s’ouvre sur une femme debout, le regard détourné, ancrée dans une posture de contemplation silencieuse. Dans le second, elle s’élève telle une cigogne, déployant ses ailes dans un élan saisissant de libération et de renaissance, où l’on devine un souffle de vie. Enfin, dans le troisième, elle retrouve sa forme humaine, le regard empreint de pensée profonde, symbole d’introspection et de retour à soi. Les trois dessins capturent un regard à la fois affligé et rêveur, où la captivité intérieure se mêle au désir irrépressible d’évasion et de liberté.
Chaque dessin est découpé et déposé dans et sur des papiers délicats (japonais), choisis pour leur texture et leur capacité à capturer à la fois la fragilité et la résilience. À travers ces dessins, l’artiste interroge les notions de métamorphose et de souveraineté, en réinterprétant le symbole de la cigogne, traditionnellement associées à la naissance et aux nouveaux départs, pour exprimer l’émergence d’un nouveau monde virtuel, un monde en mutation. Dans ce monde, les chiffres et les données s’entrelacent aux relations humaines, parfois en les enrichissant, parfois en les altérant.
Ce contraste est au coeur de la réflexion de l'artiste : comment préserver l’authenticité dans un univers dominé par l’intangible ? L’ascétisme n’est-il pas synonyme de liberté ?
Déclaration de l'artiste
Le Murmure Captif est une oeuvre profondément personnelle, née d’une réflexion artistique et philosophique autour des notions de données, d’émotions et de vulnérabilité. Pour créer cette série, je me suis inspirée du livre Data Feminism, qui offre une lecture féministe des données et met en lumière le manque d’émotions dans un domaine souvent perçu comme purement objectif et rationnel.
Mon travail est aussi une réflexion concernant la souveraineté, en particulier celle des femmes, non seulement sur leur corps et leurs récits, mais aussi sur leur présence dans des espaces souvent marqués par des dynamiques de pouvoir invisibles.
Avec Le Murmure Captif, j’ai voulu explorer cette souveraineté dans le contexte d’un monde virtuel, où les données, les algorithmes et la dématérialisation des émotions et relations brouillent les frontières entre authenticité et contrôle. En mêlant symboles traditionnels et interrogations modernes, ma série de dessins cherche à redéfinir les émotions comme une force essentielle pour reconquérir notre humanité et notre autonomie dans un univers virtuel.
J’ai surtout voulu exprimer, dans la forme épurée du dessin, les étapes de transformation intérieure qui mènent à une réinvention de soi. Ces dessins reflètent aussi mon intérêt pour la manière dont l’art peut transcender la matière pour évoquer l’immatériel : les émotions, les espoirs, et le renouveau.
Biographie de l'artiste
Fanny Constantino est une artiste, chercheuse et écrivaine multidisciplinaire qui explore les thèmes de l'identité, de la mémoire et de la nostalgie tout en portant un regard critique sur le monde. À travers sa pratique multidimensionnelle et intersectionnelle, elle s'engage surtout dans une exploration profonde et auto-ethnographique des dynamiques postcoloniales et des théories féministes alliant symbolisme et poésie. Ses oeuvres picturales sont ses armes (The fulcrum, 2022) et sont surtout ses miroirs à travers un "réseau d'émotions […] via un festival de couleurs et de formes" (Mamadou Oumar Kamara, Le soleil, 2023). Ses "coups de pinceaux miroitent les mystères et beautés de la vie" (Le soleil, 2023) et ses "pensées les plus profondes" (Rachel Crustin, ONFR+, 2023). Sa pratique artistique reflète surtout son parcours multidisciplinaire, son identité intersectionnelle et son envie de "contribuer à [rendre] [le] [monde] plus gai et plus beau" (Mamadou Oumar Kamara, Le soleil, 2023) tout en le questionnant.