Propriétaires et lecteurs
Pendant longtemps, posséder une bibliothèque était un luxe réservé aux biens nantis et un prestige tant le prix de la confection du livre demeurait élevé. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le livre est non seulement recherché pour le savoir qu’il contient mais aussi pour sa grande beauté. Les lecteurs et propriétaires s’approprient leurs livres. Ils les annotent, les censurent, y dessinent, ils y font des calculs sur les pages de garde, les font relier au goût du jour par de grands artistes et, comme si cela ne suffisait pas, ils y inscrivent leur nom, celui de la personne à qui ils l’offrent, ils y font graver leurs armes ou demandent à des artistes de leur créer un ex-libris à leur image.
L’étude des provenances est devenue aujourd’hui une véritable science qui permet de reconstituer des bibliothèques, de définir le parcours intellectuel d’un individu ou le cheminement d’un livre, du don à un ami lecteur, aux legs d’une génération à une autre. C’est aussi un exercice artistique, voire psychologique, qui permet de comprendre l’imaginaire entourant la création d’une bibliothèque personnelle et la mise en scène de soi à travers ce phénomène. Par exemple, quelle image le propriétaire de livres souhaitait-il laisser de lui-même? Certaines marques de provenance sont en effet empreintes de simplicité, d’autres ostentatoires, quelquefois tragiques, parfois même comiques. Mais elles ne laissent jamais indifférent.
Les marques de provenance les plus simples à identifier sont les marques apparentes dans lesquelles le nom ou un élément facilement identifiables permet de rattacher le livre à son propriétaire. Les autres devront être déduites. Dans ces cas, les signatures sont devenues souvent quasi illisibles, raturées ou grattées et on doit se fier à d’autres indices, on a préféré les armoiries, les initiales, une devise ou un dessin spécialement conçu à cet effet.
La valeur attribuée au livre se lit notamment dans les marque de propriété qui apparaissent dès le XVe siècle et ce qu’on appelle les promesses de récompense. Le propriétaire promet bénédiction ou récompense à celui qui lui rapportera son livre en cas de perte. D’autres prévoient se faire eux-mêmes justice en prédisant malédiction éternelle à celui qui le conservera. Vous est-il déjà arrivé de ne pas remettre un livre à un ami...?

