Relieurs

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Habitués désormais à un accès relativement facile aux livres, on doit rappeler que jusqu'à l'avènement de la presse mécanique au début du XIXe siècle, les livres n’étaient généralement pas produits en grande quantité et qu’une fois imprimé, le livre n’était pas encore un produit fini. On achetait par souscription, c’est-à-dire qu’on payait à l’avance le coût de l’impression et lorsque les exemplaires étaient mis en vente chez un libraire ils étaient rarement reliés de façon définitive. Compte tenu des coûts exorbitants associés à la production des livres à l'ère de la presse à la main et des charges associées au maintien d’une librairie, il n'aurait pas été rentable pour un libraire d'investir dans la reliure de livres qu’il n’était pas certain de vendre rapidement. Quelques libraires conservaient des exemplaires reliés dans leur boutique dans ce qu’on appelle des reliures d’imprimeur ou reliures d’attente. Le choix des reliures était d’ailleurs relativement restreint. La majorité d’entre elles étaient souvent peu solides et d’une grande simplicité, puisqu’elles n’étaient pas conçues avec l’objectif d’être permanentes. Il était entendu que le futur propriétaire allait la remplacer.

Le vieil adage qui veut qu’on ne doive « jamais juger un livre par sa couverture » est sans doute encore plus vrai lorsqu’il est question de la reliure. Il faut être très prudent à l’égard des termes utilisés dans les catalogues des revendeurs : les termes « reliure originale » ou « reliure contemporaine » ont en effet peu de réelle signification. Par exemple, un livre imprimé en Italie pourrait bien avoir été vendu en Hollande et relié par un relieur allemand utilisant des techniques acquises dans son pays d'origine. De plus, un certain nombre d'années peut s’être écoulé entre l'impression d’un livre et sa reliure. Le document imprimé peut être resté dans les cartons du libraire, un propriétaire peut avoir attendu avant de faire relier sa collection complète, une reliure usée peut avoir été remplacée... On sait toutefois que les livres destinés à un marché étranger étaient généralement cousus afin de s ́assurer que les pages du livre soient maintenues ensemble. Dans certain cas, on leur ajoutait un cartonnage qui les protégeait de la poussière. Dans plusieurs librairies, on offrait le service de reliure comme service connexe. D’ailleurs, les reliures d’attente proposées par les libraires sont simples mais pas nécessairement de mauvaise qualité. De nombreux acheteurs ont choisi de la conserver et beaucoup d’entre elles survivent dans les collections. C’est le cas de la reliure de l’Almanach royal présent dans la vitrine consacrée aux « Relieurs ».

L’évolution de la structure et de l'esthétique des reliures est liée tant à des raisons économiques qu’à des changements des sensibilités artistiques. Le temps requis et la difficulté du travail qui entre dans le processus de production faisaient en sorte que le livre était un objet encore relativement rare, mais aussi qu’il était apprécié d’un petit nombre seulement. Avant l’apparition de l’imprimerie, les manuscrits étaient produits sur mesure et souvent conçus en utilisant les meilleurs matériaux et les techniques les plus complexes. Les reliures des manuscrits possédaient, entre autres éléments, des couvertures en bois lourd, des fermoirs de métal, des décorations dorées et les plus riches y faisaient ajouter des pierres précieuses. Pendant les premières années de la presse à imprimer, la production de livres, qu’on appelle aujourd’hui des incunables (1450-1500) et des post-incunables (ca. 1501-1550), étaient également encore relativement restreinte. Même s’il s’agissait alors d’une véritable révolution, le nombre de copies d’un livre produit avec la presse à la main était relativement faible en comparaison des tirages qui auront cours avec l’arrivé de la presse industrielle au XIXe siècle. Quant à la reliure, elle perpétuait les techniques héritées de la reliure médiévale. Cependant, avec la demande grandissante, l’alphabétisation, la multiplication des presses à travers l’Europe et l’évolution des savoir-faire, le nombre de titres publiés et la quantité de copies produites ont fini par modifier le travail des relieurs qui ont dû adapté le choix des matériaux et les techniques pour répondre à la forte demande et ainsi réduire les coûts et les temps de production. Les divers types de reliures présentées dans cette exposition montrent une partie de cette évolution.

La reliure d'un livre sert à protéger et à conserver les informations contenues dans le corps de l’ouvrage. La reliure, même la plus rudimentaire, servira à faire tenir ensemble des feuilles volantes ou des cahiers, afin de préserver l’intégralité du livre en tenant compte de l’ordre particulier initialement déterminé par l’auteur ou le compilateur. Premier élément visible d'un livre, la reliure peut également servir de toile (parfois au sens littéral) pour l'expression esthétique du propriétaire, du relieur ou de l’auteur.