Stratégies de résistance

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© Lena Hübner, Infographie Stratégies de résistance 

L’étude montre que les stratégies pour lutter contre les violences en ligne sont fortement centrées sur le numérique. Si certaines méthodes, comme bloquer des utilisateurs, signaler des contenus ou se déconnecter, sont évidentes face aux violences présentes sur les supports numériques, elles s'appliquent aussi à d’autres formes de violences. Par exemple, pour combler le manque de représentation dans les médias traditionnels et la rareté des contenus en français, certaines femmes suivent des créatrices de contenu qui leur ressemblent et reflètent davantage leur culture. En entretien (P1, ent. 1, 7 mai 2024), une jeune participante franco-ontarienne dans la vingtaine l'exprime clairement: 

Extrait audio avec voix modifiée. 

«Les types de comptes que je suis c'est vraiment… [...] ce qui se trouve sur «  my for you page », c’est vraiment les types de comptes, des gens qui me ressemblent, euh, ou bien qui sont la vingtaines, euh, 25, 21, et cetera…qui m'informe sur l'information sans que ça soit trop de verbages, trop de de gros mots»

Cependant, cette recherche de représentation les place dans un cercle vicieux : en fuyant les violences des médias traditionnels, elles se retrouvent confrontées à de nouvelles violences sur les plateformes. Nous pouvons citer entre autre les commentaires haineux ou les recommandations polarisantes. À ce sujet, une participante (P1, ent. 1, 7 mai 2024) souligne l'impossibilité d'échapper à ces violences:

Extrait audio avec voix modifiée. 

«C'est vraiment dans tous les coins des actualités [en ligne], que ça soit un décès ou bien une tuerie d'un homme noir ou d'une femme noire. Si tu vas dans les commentaires tu dirais que c’est les 2 ou bien c'est des commentaires très vulgaires du type : qu'est-ce qu'il portait, [...] à quoi il ressemblait, qu'est-ce qu'il faisait. Alors que ce n’était rien de ce type…que ça soit en Angleterre ou que ça soit en France, et cetera. Ce sont des choses que, malheureusement je ne peux pas contourner. C'est ce que j'ai j’essaie de faire, « it goes back to not internalize it, all the time it’s projection …white supremacy » ou de la haine.»

Une autre participante, une Franco-Québécoise dans la trentaine, témoigne de sa peur de commenter l’actualité, voire même appuyer sur la mention «j'aime» de contenus diffusés sur les comptes qu’elle suit pourtant pour combler l’absence de femmes racisées dans les médias.

Extrait audio avec voix modifiée. 

«Puis, j’ai liké, puis on dirait que dans ma tête je me dis, "Oh non. Si je vais liker ou si je vais commenter, ils vont me retrouver, ils vont venir sur mon wall, ils vont finir par me…" je sais pas» (P2, ent. 17 mai 2024).

Pour elle et plusieurs autres, l’autocensure devient une forme de résistance pour préserver leur santé mentale (et physique!). Cet exemple montre l’urgence et l'importance de comprendre l’impact de ces violences sur la participation citoyenne, soulignant ainsi comment le web peut être à la fois un espace de résistance et un terrain de conflit.

L’infographie présentée illustre la grande diversité de ces stratégies de résistance, en distinguant celles qui sont actives — comme la création de contenu en amont pour sensibiliser, créer de l'empathie, encourager la solidarité, revendiquer ou agir — de celles qui sont défensives, visant à recadrer le mal déjà fait (Bailey, 2021). Cette diversité montre la complexité et l’adaptabilité des réponses face aux violences en ligne, soulignant que chaque expérience et chaque stratégie répond à des besoins spécifiques et contextuels.

Pour aller plus loin

BAILEY, M. (2021). Misogynoir Transformed. Black Women’s Digital Resistance. New York: NYU Press.

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