Histoires des arts

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Les Tuileries

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Edouard Manet, Musique aux Tuileries, 1862

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Musique aux Tuileries, 1862 (détail, centre)

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 Musique aux Tuileries, 1862 (détail, gauche)

Contrairement à Courbet, Manet provient d'un milieu urbain et cosmopolite. Il évolue dans les entourages sophistiqués de la société parisienne. Le tableau, Musique aux Tuileries (1862) est un portrait de cette vie intellectuelle et bourgeoise. Se considérant, lui aussi, comme un réaliste il dresse un portrait de ses contemporains rassemblés aux Jardins des Tuileries, lieu de détente qui tire son nom des anciennes fabriques de tuiles, où Catherine de Médicis avait fait ériger un palais en 1564.

Délaissant les grands sujets bibliques, littéraires ou mythologiques, Manet fait de cette réunion mondaine un sujet digne d'être peint. Plusieurs stratégies formelles et iconographiques renvoient le regard du spectateur à lui-même. Réflexif, voire narcissiste, ce tableau du dandysme parisien met en scène plusieurs amis de Manet qui nous regardent les regarder. À l'extrême gauche, Manet, lui-même, se met en scène, canne en main. Manet fait partir de la foule, mais il se situe à la marge, un peu à l'écart comme la figure du flâneur (à ce sujet voir L'espace de la rue). L'homme à la lorgnette est un portrait du peintre Albert de Balleroy, qui partageait l'atelier de Manet. Le personnage assis à gauche est le sculpteur Zacharie Astruc. Les deux femmes assises à l'avant-plan sont également des amies, Mesdames Loubens et Lejosne. Au-dessus d'elles, les trois hommes qui conversent sont des critiques d'art, on reconnait Charles Baudelaire et Théophile Gauthier. On reconnaît également dans la foule, son frère Eugène, le compositeur Jacques Offenbach, le peintre réaliste Henri Fantin-Latour, entre autres.

Au centre, la tache rend floue ce qui, selon les règles académiques, devrait être la section la plus importante du tableau. À cet aspect de non fini, de vide, s'ajoute un point de fuite obstrué par l'arbre. La division du tableau par l’oblique que forme le tronc d’arbre à l’avant-plan est antinomique aux règles académiques et rappellent plutôt la composition qu’on retrouve dans les estampes japonaises. L'absence de profondeur de champ, le peu d’espace réservé au ciel et la fragmentation du centre diégétique favorisent une lecture rapprochée et éclatée de l'espace. Le regard du spectateur erre et se déplace à la surface du tableau dans un mouvement désordonné d'un petit groupe à l'autre. Vilipendés par la critique de l’époque, ces éléments produisent des effets d'immédiateté et de dynamisme qui rendent probantes les dimensions sensorielles que produisent les stratégies visuelles privilégiées par Manet.

É.A. Pageot

 

 

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